@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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Manuscrits d'Ampère > Une sélection commentée d'une soixantaine de documents > Chimie


Chimie

La chimie compte parmi les disciplines auxquelles Ampère s'est le plus intéressé, avec l'espoir de l'établir sur de nouveaux fondements. Ses contributions dans ce domaine sont essentiellement théoriques mais il a cependant une expérience de jeunesse : à Lyon, il découvre le Traité élémentaire de chimie de Lavoisier (1789) ; à Bourg, il enseigne la chimie et réalise donc des expériences (voir Une vie en images ou la chronologie).

Il revient à la chimie dans les années 1810, mais sans expérimenter personnellement. Il participe à l'identification de deux nouveaux éléments chimiques, l'iode et le fluor, et construit une classification de tous les éléments chimiques alors connus. En outre, il cherche à expliquer les réactions chimiques par une structure géométrique des molécules, conçues comme des polyèdres réguliers dont les atomes forment les sommets. Cette idée aujourd'hui consacrée est alors très novatrice. Par ailleurs il étudie les propriétés des gaz et donne une démonstration mathématique de la loi de Mariotte (qui relie la pression et le volume d'un gaz à température constante). Enfin ses recherches l'amènent à formuler, indépendamment d'Amedeo Avogadro, une hypothèse sur les gaz "parfaits" selon laquelle des volumes égaux de gaz, à la même température et la même pression, contiennent le même nombre de molécules.

Extrait d'un cours de chimie
La "chimie sèche" d'Ampère
Les éléments fondamentaux : l'iode, principes de la classification, éléments connus, tableau synthétique
Combinaison chimique et structure des molécules : structure des molécules, travaux sur les gaz


Extrait d'un cours de chimie (Bourg-en-Bresse)

Le contenu de ce document non daté paraît en faire un extrait du cours de chimie dispensé par Ampère à Bourg (1802-1803). A cette époque en effet, Ampère projette une publication, qui ne verra jamais le jour, sur le calorique et sur ses relations avec l'électricité. Ampère ne reviendra à l'électricité qu'à partir de 1820.

Le calorique était un fluide imaginé par les chimistes pour expliquer les phénomènes de la chaleur : pour Lavoisier lui-même, tous les corps contiennent du calorique qui emplit l'espace entre les molécules et exerce sur elles une action répulsive. Cette répulsion, plus ou moins forte suivant l'accumulation du calorique, entraine la dilatation des corps et leur passage de l’état solide à l’état liquide ou de l’état liquide à l’état gazeux.

Cette théorie qui fait de la chaleur une substance a été abandonnée dans les premières décennies du XIXe siècle au profit de la théorie concurrente qui attribue la chaleur au mouvement des molécules des corps.

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIII, chemise 239
photo : CNRS, CAK-CRHST




La "chimie sèche" d'Ampère

A Paris, Ampère, devenu mathématicien, ne dispose pas de laboratoire ; mais il imagine des expériences qu'il suggère à d'autres. Ces deux documents (indépendants l'un de l'autre) en donnent quelques exemples. C'est ce qui a pu faire dire avec ironie à ses contemporains qu'Ampère pratiquait la "chimie sèche".

Pierre-Louis Dulong (1785-1838), qui enseigne la chimie et dispose d'un laboratoire, a principalement travaillé sur la chaleur et sur les gaz.

 

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 249
photo : CNRS, CAK-CRHST




Les éléments fondamentaux : découvertes et classification

Au cours du XVIIIe siècle, la théorie d'Aristote sur la constitution de la matière perd ses derniers défenseurs ; pendant des siècles a prévalu l'hypothèse de quatre éléments fondamentaux (eau, air, feu et terre). Antoine-Laurent de Lavoisier (1743-1794) parachève le travail des chimistes du XVIIIe siècle en démontrant que l'eau est un corps pur composé d'oxygène et d'hydrogène. En outre il pose une théorie radicalement nouvelle de la combustion, fondée sur une union des corps avec l'oxygène de l'air, montrant par là que l'air lui-même est un mélange de plusieurs gaz (et non un élément fondamental). Dans les décennies qui suivent, les chimistes découvrent progressivement de nouveaux éléments chimiques et leurs propriétés : sodium, potassium, iode, chlore, etc. La pile de Volta (1800), en permettant l'électrolyse des corps, joue un rôle important dans certaines de ces découvertes.

La France compte un grand nombre des plus célèbres acteurs de cette recherche. Monge, Berthollet, Laplace, Gay-Lussac, Thénard, Dulong... font de Paris le cœur de la chimie européenne au début du XIXe siècle.

En Grande-Bretagne, la figure de Humphry Davy (1778-1829) domine la même période. Entre ce dernier et Ampère, les affinités scientifiques seront durables. L'Académie des sciences conserve plusieurs lettres échangées entre les deux savants, en particulier celle qui ouvre leur correspondance (L368).

Sur le chlore, l'iode et surtout le fluor, les intuitions d'Ampère, qu'il lui souffle et qu'il communique largement autour de lui (mais sans les publier), se sont révélées justes. Avec Davy et parfois contre (ou avant) Thénard et Gay-Lussac, il annonce la nature élémentaire de ces corps.

Dans cet extrait de sa lettre à Davy du 20 juin 1813 (L450), Ampère attire son attention sur "une substance nouvelle, récemment découverte en France" : l'iode. C'est lui qui procurera au savant anglais, lors de son passage à Paris quelques mois plus tard, des échantillons de cette substance.

Académie des sciences (Institut de France) - carton IX, chemise 182
photo : CNRS, CAK-CRHST


Mais il ne suffit pas de découvrir des éléments : il faut encore les classer. Lavoisier avait déjà donné une classification de la trentaine de corps simples connus à son époque. Ampère cherche à établir une nouvelle classification, intégrant tous les nouveaux éléments, à l'image des classifications naturelles établies peu auparavant par Jussieu pour les végétaux et Cuvier pour les animaux. Il veut classer les éléments "naturellement", c'est-à-dire selon l'ensemble de leurs propriétés chimiques, espérant que l'on puisse y intégrer ultérieurement les corps restant encore à découvrir.

Les documents suivants montrent plusieurs états de sa réflexion :

... ici, le début d'un exposé des principes :

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIII, chemise 239
photo : CNRS, CAK-CRHST

... la liste des 48 éléments alors connus rangés par familles :

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIII, chemise 239
photo : CNRS, CAK-CRHST


... et un tableau synthétique montrant comment il envisage sa classification :

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIII, chemise 239
photo : CNRS, CAK-CRHST




Combinaison chimique et structure des molécules

Un autre champ exploré par Ampère en chimie concerne la combinaison chimique et, par suite, la structure des molécules des corps. Lavoisier avait formulé le principe suivant lequel dans toute réaction chimique "il y a une égale quantité de matière avant et après l'opération", repris par la postérité sous la forme "rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme".

A sa suite, d'autres chimistes avaient précisé la manière dont s'opéraient ces combinaisons, en particulier les proportions entre réactifs et produits de réaction (Proust et Dalton).

Ampère est le premier à énoncer l'idée que la transformation provoquée par la réaction chimique ne consiste pas seulement en une dissociation des molécules, suivie d'une recombinaison de leurs composants pour former de nouveaux corps, mais en une réorganisation complète de la structure même des molécules, qu'il appelle particules. Il pense que les particules sont formées de molécules-points (lui-même changera par la suite ces termes : les particules deviendront les molécules et les molécules-points deviendront les atomes, ce qui correspond au vocabulaire actuel). S'appuyant sur les études récentes de René-Just Haüy (1743-1822) sur la matière cristalline, Ampère imagine pour les molécules des structures géométriques élémentaires : cube, tétraèdre, dodécaèdre, et autres polyèdres réguliers. Dans une réaction chimique, expose-t-il, deux formes simples se combinent en une forme complexe unique. Par exemple, un cube (8 sommets) et un octaèdre (6 sommets) donnent un dodécaèdre rhombique (14 sommets) et non "un-cube-et-un-octaèdre-collés-ensemble".

Ces travaux expliquent la présence dans le fonds de nombreux manuscrits comportant des dessins de ces figures géométriques ; on reconnaît sur celui de droite des références en abréviations à l'azote, l'oxygène ou l'hydrogène (et la même feuille a visiblement servi à noter les étapes d'une tournée d'inspection...).

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIII, chemise 239 | carton XIV, chemise 246
photo : CNRS, CAK-CRHST


En outre, Ampère reprend les recherches de Louis-Joseph Gay-Lussac (1778-1850) sur les gaz et travaille sur le poids des molécules. Ces travaux le conduisent à énoncer la même hypothèse qu'Amedeo Avogadro (1776-1856) sur l'égalité du nombre de molécules dans deux volumes identiques de deux gaz différents, à température et pression identiques. Cette loi d'Avogadro est connue en France sous le nom de loi d'Avogadro-Ampère.

Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 249 | carton XIV, chemise 245
photo : CNRS, CAK-CRHST





Pour aller plus loin sur ce sujet, voir :
Myriam Scheidecker-Chevallier, "Ampère et la chimie", Bulletin de la Société des amis de la Bibliothèque de l'Ecole polytechnique, 2004, vol. 37, p. 39-51. http://www.sabix.org
Myriam Scheidecker-Chevallier, "L'hypothèse d'Avogrado (1811) et d'Ampère (1814) : la distinction atome/molécule et la théorie de la combinaison chimique", Revue d'histoire des sciences, 1997, vol. 50, p. 159-194. http://www.persee.fr





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