Sciences naturelles
Naturaliste amateur, Ampère montre à plusieurs reprises un vif intérêt pour les sciences de la vie ; sur ce sujet aussi, il fait preuve de connaissances étendues et d'une certaine intuition.
Dans sa jeunesse, l'Histoire naturelle de Buffon figure dans la bibliothèque familiale de Poleymieux. En outre, c'est en lisant les Lettres sur la botanique de Jean-Jacques Rousseau que le jeune Ampère sort de la torpeur intellectuelle dans laquelle la mort de son père l'avait plongé. La chemise 254 conserve la trace de cet intérêt de jeunesse pour la botanique. Sa Correspondance également, en particulier celle qu'il échange avec son ami Couppier : il lui enseigne ainsi le moyen de se constituer un herbier et lui recommande l'ouvrage de Lamarck sur la Flore française .
C'est plus tardivement, dans les années 1820-1830, que la zoologie apparaît dans ses travaux. Le contexte est alors celui de la controverse qui oppose Etienne Geoffroy-Saint-Hilaire à Georges Cuvier, un des grands moments de l'histoire de la biologie.
La controverse Cuvier / Geoffroy-Saint-Hilaire
Le débat porte sur la structure interne des différentes espèces animales. La question est de savoir si, dans le corps d'un animal (être humain compris), la disposition des organes les uns par rapport aux autres diffère radicalement suivant les espèces ou si on peut retrouver une certaine unité dans la diversité apparente. Cuvier penche pour la différence structurelle entre les espèces, et leur fixité. Geoffroy-Saint-Hilaire soutient l'unité de plan du règne animal : il défend l'idée qu'en repliant le corps d'un vertébré, on obtient un plan d'organisation qui correspond à l'anatomie d'un mollusque.
Sensible à cette recherche d'une unité fondamentale à l'intérieur du monde vivant, Ampère prend le parti de Geoffroy-Saint-Hilaire contre Cuvier, malgré la puissante renommée de ce dernier et l'amitié qu'entretiennent de longue date leurs deux familles. Pour cette raison, on trouve dans le fonds des documents qui témoignent de ses travaux sur les similitudes entre les squelettes des différentes espèces. C'est surtout au début des années 1830, dans le cadre de son cours au Collège de France dont les comptes-rendus paraissent dans la presse, qu'Ampère intervient personnellement dans la controverse.
On connaît de plus une lettre de Geoffroy-Saint-Hilaire à Ampère (1832), qui laisse supposer une relation suivie entre les deux savants et montre la considération du premier pour le second.
L'article des Annales de sciences naturelles, 1824
Anatomie du homard
Plan figuratif de la disposition générale des pièces scléreuses des membres
Notes autographes
Schémas autographes : systèmes circulatoires de différentes espèces
L'article des Annales de sciences naturelles, 1824
Dès 1824, Ampère publie anonymement dans les Annales de sciences naturelles un article en trois parties sur la détermination du système solide et du système nerveux des animaux articulés .
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L'Académie des sciences conserve un document imprimé, qui paraît être un tiré-à-part des trois parties de cet article (quelques extraits non repris de l'article et des transitions propres à ce document rendent difficile l'identification plus précise de son statut).
Des annotations marginales semblent de la main même de Geoffroy-Saint-Hilaire. On peut penser qu'Ampère avait formé le projet de republier son texte, corrigé par le naturaliste, comme un court mémoire. |
Académie des sciences (Institut de France) - Carton XIV, chemise 252 photo : CNRS, CAK-CRHST
Anatomie du homard
Cette planche (vraisemblablement envoyée à Ampère par Geoffroy-Saint-Hilaire avec sa lettre du 23 février 1832) accompagnait un article publié par le naturaliste en 1822, dans lequel il énonçait sa théorie.
C'est en comparant l'anatomie du homard, invertébré, à celle d'un poisson (la plie), vertébré, que Geoffroy-Saint-Hilaire a émis son hypothèse :
"Je plaçai l'animal non plus comme il est posé relativement au sol, mais comme il convenait de le voir pour le comparer aux animaux de premiers rangs. (...) Quelle fut ma surprise, et j'ajoute, de quelle admiration ne fus-je pas saisi, en apercevant une ordonnance qui plaçait sous mes yeux tous les systèmes organiques de ce homard dans l'ordre où ils sont rangés chez les annimaux mammifères ? Ainsi, sur les côtés de la moelle épinière, je vis tous et chacun des muscles dorsaux ; au-dessous étaient les appareils de la digestion et les organes thoraciques, plus bas encore, le coeur et tout le système sanguin, et plus bas enfin formant la dernière couche, tous et chacun des muscles abdominaux. (...)"
et encore :
"Je ne cherchai qu'une preuve confirmative de mes premiers faits ; et non seulement elle m'est donnée, mais je viens de trouver que tous les organes mous, c'est-à-dire, que les organes principaux de la vie sont reproduits chez les crustacés, et par conséquent chez les insectes dans le même ordre, dans les mêmes relations et avec le même arrangement que leurs analogues chez les hauts vertébrés. (...) Ainsi toute cette organisation des derniers animaux, en apparence si embrouillée, se démèle (...) [ce constat me porte] à redire encore que l'organisation est une, qu'elle est uniforme, et qu'elle n'attend que des circonstances favorables pour s'élever, par des additions de parties, de la simplicité des premières compositions à la complication des êtres qui sont au faîte de l'échelle." |
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Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 255 photo : CNRS, CAK-CRHST
Plan figuratif de la disposition générale des pièces scléreuses des membres
| Ce document non daté pourrait être de la main de Geoffroy-Saint-Hilaire. |
Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 255 photo : CNRS, CAK-CRHST
Notes autographes
Dans ce document grossièrement rédigé, Ampère étudie la correspondance entre six paires d'appendices des "articulés les plus complets des insectes" et les membres des vertébrés. |
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Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 255 photo : CNRS, CAK-CRHST
Schémas autographes : systèmes circulatoires de différentes espèces
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Ici, Ampère compare le système sanguin de différents animaux, toujours avec la même idée de trouver une structure générale commune dans la disposition des organes. |
Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 255 photo : CNRS, CAK-CRHST
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