Sources primaires > LE ROY, Coup foudroyant, 1754.
|<       <      Page 341      >      >|
 vous tirez cette étincelle, vous acquérez du fluide électrique qui tend à se décharger de 
toutes parts, & qui se déchargerait effectivement au plancher à travers vos souliers, si dans le 
même instant le cul de la bouteille ne l'attirait : or comme dans le même temps que d'une main 
vous tirez l'étincelle du conducteur, la bouteille tire ou pompe l'électricité de l'autre main 
qui la touche, comme nous l'avons dit, vous devez en conséquence sentir instantanément deux 
secousses dans les parties du corps opposées, c'est-à-dire dans le poignet, &c. de la main qui 
tient la bouteille, & dans celui de celle qui tire l'étincelle. En effet, dans le bras qui tire 
l'étincelle, vous devez sentir une secousse produite par le fluide électrique qui y entre ; & dans 
celui qui tient la bouteille, une autre secousse produite au contraire par le fluide qui en sort : & 
c'est aussi ce que l'on ressent, non seulement dans les poignets, mais encore dans les coudes, &c. 
comme nous l'avons dit au commencement de cet article. Cette double sensation distingue d'une 
manière bien précise l'effet de cette expérience, de celui d'une simple étincelle que l'on tire 
du conducteur. Dans ce dernier cas on ne ressent qu'une seule secousse, & cela dans la partie qui 
tire l'étincelle. Il est vrai que lorsque l'électricité est très forte, on en ressent une aussi 
quelquefois en même temps dans la cheville du pied ; ce qui a fait dire à quelques physiciens, que 
le choc de l'expérience de Leyde ne différait de celui que produit une simple étincelle, que par 
la force ; mais ils ne faisaient pas attention à cette double sensation simultanée que l'on 
éprouve toujours dans cette expérience, quelque faible même que soit l'électricité, & qui par 
là en fait, pour ainsi dire, le caractère. 
L'expérience suivante forme une nouvelle preuve en faveur de l'explication que nous venons de 
donner des causes du coup foudroyant.  
Que, tout restant de même, on suppose la bouteille placée sur un guéridon de bois, & deux 
personnes ayant chacune une main posée dessus, toujours dans la partie qui répond à celle où 
l'eau se trouve intérieurement ; si l'une d'elles tire une étincelle du conducteur, elles seront 
frappées toutes les deux en même temps ; mais l'une, celle qui tout à la fois touche la bouteille 
& tire l'étincelle, recevra le coup foudroyant ; & l'autre, dont la main repose dessus, ne sera 
frappée, quoiqu'assez vivement, que dans le bras & le poignet de la main qui touche à la 
bouteille. La raison en est sensible. Lorsqu'une des personnes tire l'étincelle du conducteur, le 
verre de la bouteille pompe le fluide électrique de tous les corps qui touchent les points de sa 
surface extérieure, répondant à ceux que touche l'eau intérieurement : il doit donc non 
seulement en pomper de la personne qui tire l'étincelle, & par là lui faire recevoir le coup 
foudroyant, mais encore de celle qui ne fait que reposer sa main dessus, quoique cette personne ne 
participe aucunement au reste de l'expérience. 
Avant d'aller plus loin, il est à propos de répondre à une difficulté que l'on pourrait nous 
faire. Selon vous, nous dira-t-on, les secousses que l'on ressent dans le coup foudroyant, sont 
produites par l'entrée du fluide électrique d'un côté, & par sa sortie de l'autre. Or ce fluide 
entrant par la main qui tire l'étincelle, & sortant par celle qui tient la bouteille, il semblerait 
que ces secousses devraient se faire sentir aux deux mains, & cependant vous dites que c'est aux 
poignets, aux coudes, &c. Comment cela se fait-il ? Le voici. Ce n'est pas tant l'entrée ni la 
sortie du fluide électrique dans un corps, qui produit un effet ou une sensation, que la manière 
dont ce fluide entre ou sort. La raison en est que la transmission de l'électricité d'un corps à 
un autre qui le touche immédiatement se fait sans choc, sans étincelle, enfin sans aucun effet 
apparent ; au lieu que si elle se fait d'un corps à un autre qui ne le touche pas, il y a toujours 
étincelle & choc. Ainsi, que l'on électrise une chaîne de fer non tendue, & dont les chaînons 
soient à quelque distance les uns des autres, le passage de l'électricité de l'un à l'autre 
deviendra sensible par une étincelle qui partira successivement de chacun d'eux ; mais si la 
chaîne est bien tendue, en sorte que tous les chaînons se touchent bien intimement, la 
transmission se fera d'un bout à l'autre dans un instant, & sans que l'on s'en aperçoive. 
Appliquons ceci à ce qui se passe dans un homme qui fait l'expérience du coup foudroyant. Dans cet 
homme se trouvent des articulations aux poignets, aux coudes, aux épaules, &c. Dans ces parties la 
continuité n'est pas bien entière ; elles ressemblent donc en quelque façon aux chaînons qui ne 
se touchent pas immédiatement : il s'ensuit donc qu'il doit y avoir une espèce de choc, lorsque 
l'électricité passe de l'une à l'autre, comme nous avons dit qu'on l'observe. Cependant le doigt 
ne laisse pas de ressentir une douleur, mais plutôt d'une forte piqûre brûlante ; & si la main 
qui touche la bouteille ne ressent rien ordinairement, c'est que le fluide électrique se 
déchargeant par tous ses pores, l'impression qu'elle fait est trop faible pour être aperçue. Vous 
vous assurerez que c'en est là l'unique cause, si au lieu d'appuyer la main toute entière sur une 
bouteille bien électrisée, vous ne la touchez que du bout des doigts ; car vous y ressentirez une 
douleur très vive en faisant l'expérience, le fluide électrique faisant alors une impression fort 
sensible, parce qu'il ne sort que par le petit nombre de pores qui sont au bout des doigts. 
Non seulement l'expérience que nous avons rapportée plus haut, paraît confirmer notre 
explication des effets de la bouteille de Leyde, mais encore la plupart de celles que l'on 
peut faire avec cette bouteille ; ainsi lorsqu'elle fait partie d'un système de corps électrisés, 
quoique d'abord l'électricité paraisse plus faible que lorsqu'il n'y en a pas, cependant elle 
augmente successivement jusqu'à devenir très forte : ce qui arrive lorsque cette bouteille a 
acquis la plus grande vertu possible, relativement à l'intensité de la force électrique qui vient 
du globe. On dit alors qu'elle est chargée, & l'électricité devient en quelque façon constante, 
& n'augmente ni ne diminue point à chaque instant, comme cela arrive lorsque cette bouteille ne 
fait point partie du système des corps électrisés ; en sorte qu'elle forme comme une espèce de 
réservoir à l'électricité : or cet effet est une suite naturelle de ce que nous avons dit plus 
haut de la propriété qu'a le verre de fournir du fluide électrique par la surface qui en a reçu, 
& d'en pomper par celle qui en a donné : car par cette propriété on voit que lorsque le verre de 
la bouteille de Leyde a été fortement électrisé, si le globe vient à fournir moins 
d'électricité, ce verre en redonne à l'eau, &c. en en pompant de la personne ou du support 
non-électrique sur lequel il est appuyé : la force qu'ont le globe & la bouteille pour fournir 
chacun de l'électricité, étant, comme nous l'avons dit plus haut, pour ainsi dire en équilibre 
lorsque celle-ci est bien chargée. On voit encore, par la même raison, que la vertu qu'a cette 
bouteille de conserver longtemps son électricité est une suite de la même propriété. En effet, 
tant qu'elle conserve la faculté de pomper du fluide électrique des corps qui la touchent, elle 
conserve celle d'en fournir, & par conséquent de paraître électrique. Le temps que cette 
bouteille conserve son électricité va quelquefois jusqu'à trente-six, quarante heures, & plus. 
Dans la description que nous avons donnée du procédé que l'on observe dans cette expérience,
|<       <      Page 341      >      >|