Sources primaires > LE ROY, Coup foudroyant, 1754.
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nous avons suivi celui qui a été le premier employé, comme le plus simple. Aujourd'hui on met 
ordinairement un bouchon dans la bouteille, au travers duquel passe un fil de fer qui va tremper 
dans l'eau, & dont l'extrémité qui déborde le bouchon, est courbée comme un anneau : on 
l'appelle le crochet. Par ce moyen on se sert plus commodément de cette bouteille ; & 
l'ayant chargée, on peut la transporter où l'on veut. 
Après avoir donné notre explication des causes de l'expérience du coup foudroyant, il est à 
propos de dire, comme nous l'avons promis, deux mots de celles qu'en ont donné les plus habiles 
physiciens, comme MM. l'abbé Nollet, Jallabert, Watson & Franklin. 
Selon le premier, tout dans cette expérience consiste à électriser un corps fortement, lequel 
cependant on puisse toucher & manier sans lui rien faire perdre de sa vertu ; & la commotion que 
l'on ressent, vient de ce que la matière électrique du corps non-électrisé qui fait 
l'expérience, est vivement & en même temps choquée d'un côté par celle qui sort du conducteur ; 
& de l'autre, par celle qui s'élance de la bouteille. Selon M. Jallabert, au moment de 
l'expérience, deux courants d'un fluide très élastique mûs avec violence, entrent & se 
précipitent dans le corps par deux routes opposées, se rencontrent, se heurtent, & leur mutuelle 
répulsion cause une condensation forcée de ce fluide en diverses parties du corps. Selon M. 
Watson, lorsque la personne qui fait l'expérience de Leyde ou du coup foudroyant, tire 
l'étincelle du conducteur, elle perd au moment de l'explosion qui se fait alors autant de feu de 
son corps qu'il y en avait d'accumulé dans l'eau & dans le canon de fusil ; & elle sent dans ses 
deux bras l'effet du courant de son feu qui passe à travers l'un, au canon de fusil ; & à travers 
l'autre, à la fiole ou à la bouteille. Enfin, selon M. Franklin, la commotion n'a lieu qu'en 
conséquence de la prodigieuse condensation du fluide électrique dans la surface touchée par le 
corps électrisable par communication du verre électrisé, comme l'eau, le métal, &c. & raréfié 
au même degré dans la surface opposée ; & ce fluide, pour se rétablir en équilibre, ne pouvant 
passer à travers le verre, qui selon cet auteur, y est imperméable ; ce fluide, dis-je, dans 
l'instant que l'on tire l'étincelle, se précipite avec une rapidité inexprimable à travers le 
corps électrisable par communication, qui fait la jonction du conducteur à la bouteille, pour 
entrer dans la surface du verre de cette bouteille, dans laquelle il avait été tant raréfié. 
On voit par cet exposé de la doctrine de M. Franklin sur la cause du coup foudroyant, que la 
nôtre y a assez de rapport. Nous prétendons en effet, comme lui, qu'il se fait un mouvement du 
fluide électrique, du crochet de la bouteille vers son ventre ; & il faut en convenir. Il est le 
premier qui, à cet égard, ait bien observé ce qui se passe dans cette expérience, & nous sommes 
d'accord avec lui, quant aux effets en général, mais d'une opinion très différente de la sienne. 
On vient de voir que selon lui, le verre est imperméable à la matière électrique ; que lorsqu'on 
charge la bouteille, il sort autant de fluide électrique de sa surface intérieure [extérieure], 
qu'il en entre par l'extérieure [intérieure]. Or il ne prouve nullement l'imperméabilité du 
verre à la matière électrique, d'une manière décisive, non plus que la seconde proposition : 
tous les faits qu'il allègue à ce sujet étant équivoques, & pouvant tout aussi bien provenir 
d'autres causes. Enfin on ne voit pas comment, dans son système, il pourrait expliquer ce qui 
arrive dans l'expérience que j'ai rapportée, où deux personnes ayant tout à la fois les mains 
sur la bouteille, celle qui ne tire pas l'étincelle du conducteur, ne laisse pas de sentir une 
secousse, & même assez vive, dans la partie qui communique avec la bouteille, car dans la 
supposition de M. Franklin, n'y ayant aucun fluide qui la traversât, elle ne devrait ressentir 
aucun choc ; mais c'est ce qui est directement contraire à l'expérience. Quoi qu'il en soit, il 
faut rendre à cet habile physicien la justice de dire qu'il est le premier qui, par un grand nombre 
d'expériences ingénieuses, nous ait mis sur la voie de bien analyser ce qui se passe dans 
l'expérience du coup foudroyant ; & en cela on peut dire qu'il n'a pas rendu un petit service à 
l'électricité. En effet, parmi tous ses différents phénomènes, il n'en est point dont il soit 
plus essentiel d'avoir une connaissance exacte que de celui-ci, au moins quant à la route qu'y 
tient le fluide électrique. J'exhorte tous les Physiciens à la chercher, & à tâcher de la 
reconnaître ; car comme on a cru qu'une expérience de cette nature devait sûrement agir sur le 
corps humain, & qu'en conséquence on a cru en devoir faire l'application à différentes maladies, 
il est de la plus grande conséquence de savoir quelle route prend le fluide électrique ; s'il va 
de la bouteille à travers la personne au conducteur, ou de celui-ci à travers la personne à la 
bouteille. Pour peu effectivement qu'on y fasse attention, on voit que si l'on n'a pas une 
connaissance exacte de cette route, on peut, en appliquant cette expérience au corps humain, donner 
lieu à des effets directement contraires à ceux que l'on se proposait de produire. 
Après avoir donné une idée de ce qui se passe dans l'expérience du coup foudroyant, & fait voir 
qu'elle n'est qu'une suite des différentes propriétés du verre, & des corps non électriques par 
eux-mêmes qu'on y emploie, il ne sera pas difficile de satisfaire à plusieurs questions que l'on 
peut faire par rapport à cette expérience, & au procédé que l'on observe pour la faire. Ces 
questions nous paraissent pouvoir se réduire aux suivantes : 1°. si on peut substituer 
indifféremment toutes sortes de matières à l'eau que l'on met dans la bouteille : 2°. si la 
grandeur ou la forme du vase n'y change rien : 3°. si l'on peut en augmenter la force, & comment ; 
enfin si plusieurs personnes peuvent faire cette expérience tout à la fois comme une seule ; ou, 
ce qui revient au même, si le circuit, le cercle ou la chaîne des corps non électriques par 
eux-mêmes, qui font la communication du ventre de la bouteille avec le conducteur dont on tire 
l'étincelle, peut avoir telle étendue qu'on veut ; & si alors dans cette grande étendue l'effet 
est instantané. 
On a vu qu'il n'était question dans cette expérience, que d'électriser le verre par 
communication. Toutes les substances capables de s'électriser de cette façon, & disposées sous 
une forme à toucher le verre en un grand nombre de points tout à la fois, y seront donc propres ; 
ainsi tous les métaux réduits en limaille ou en feuilles, le plomb en grains, le mercure, un corps 
animé, &c. y conviendront fort bien, & enfin toutes les matières bien électrisables par 
communication. Il y a cependant une remarque assez intéressante à ce sujet, par rapport aux 
métaux : c'est que lorsqu'ils sont calcinés on ne peut plus les y employer ; quoique réduits en 
limaille, ils y servent très bien : ainsi la céruse, le minium, & en général toutes les chaux de 
métaux, n'y conviennent pas, comme l'a observé M. Watson. Cela est d'autant plus singulier que 
pour revivifier un métal de sa chaux, il ne faut, comme on sait, qu'ajouter à celle-ci un peu de 
phlogistique. Or comme il y a toute apparence que c'est le phlogistique qui fait les corps 
originairement électriques, puisque nous voyons que la plupart de ceux qui en contiennent beaucoup 
sont dans ce cas, il semblerait que cette addition devrait rendre le métal moins électrisable par 
communication, 
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