Exercice : Les expériences de Benjamin Franklin (1)
Par Christine Blondel et Bertrand Wolff
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Remarque à l'intention du professeur
Cet exercice peut être proposé à des élèves qui ont déjà eu l'occasion de voir
quelques expériences d'électrisation par frottement, de distinguer conducteurs et
isolants et de voir des étincelles électriques. Il est probable qu'en frottant du
verre ils n'auront obtenu que des électrisations médiocres. Les observations de
Franklin les surprendront si on ne leur indique pas qu'avec de simples tubes de
verre frottés on obtenait au XVIIIe siècle des étincelles aussi fortes qu'avec les
machines électrostatiques, à condition de se servir de longs tubes parfaitement
propres et séchés, et de bien choisir la provenance des verres.
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Une expérience de Benjamin Franklin
Dans une lettre écrite en 1747, Franklin affirme qu'on ne peut créer de l'électricité, mais
seulement la faire passer d'un corps à un autre. A l'appui de cette hypothèse, il présente
l'expérience décrite par les figures ci-dessous.
(1) Les personnes A et B sont placées sur un disque isolant. Après que A ait frotté le tube de
verre, B approche son doigt du tube, une étincelle jaillit.
(2) C approche ensuite son doigt de A, puis de B. A chaque fois, une étincelle se produit.
(3) Comme en (1), B approche son doigt du tube frotté par A, une étincelle jaillit.
(4) Lorsque A et B approchent leurs doigts, une étincelle se produit, plus forte qu'en
(2). Si maintenant C approche son doigt de A ou de B, comme en (2), il ne découvre chez eux
"aucune trace d'électricité" (pas d'étincelle).
Comment interpréter cette expérience à la manière de Franklin ?
Pour cela il faut adopter les mêmes hypothèses que lui :
- l'effet du frottement sur le verre est de lui apporter de l'électricité "en plus" par rapport à
son état normal. On dit alors qu'il est électrisé positivement. Le corps frottant, qui a cédé une
partie de son électricité au verre, en a donc moins que dans son état normal. On dit qu'il est
électrisé négativement
- Pour qu'une étincelle se produise entre deux corps, il faut qu'ils soient très inégalement
électrisés et suffisamment rapprochés. L'étincelle transporte alors de l'électricité de l'un
à l'autre.
Les personnes A et B sont placées sur un support isolant : le sol ne peut ni leur céder
de l'électricité, ni leur en emprunter.
Reprenez alors les étapes de l'expérience :
1. En (1), après que le tube de verre ait été frotté, quelle est la nature de l'électrisation
(positive ou négative) a) du tube de verre ? b) du personnage A ?
2. Pourquoi se produit-il ensuite une étincelle entre le tube et B ? Quelle est la nature
de l'électrisation (positive ou négative) de B après l'étincelle ?
3. En (2) pourquoi se produit-il une étincelle aussi bien entre C et A qu'entre C et B ? Dans
lequel des deux cas l'étincelle apporte-t-elle de l'électricité à C ou lui en enlève-t-elle ?
Pourquoi C reste-t-il malgré cela non électrisé ?
4. Pourquoi en (4) l'étincelle entre A et B est-elle plus forte qu'en (2) entre A et C ou entre
B et C ?
5. Pourquoi, après que l'étincelle se soit produite en (4), C ne peut-il obtenir une étincelle
de A ou de B ?
Conclusion : avez-vous réussi à interpréter toutes les observations ?
Les réponses :
1. L'électrisation est positive pour le verre, et donc négative pour A, qui a "cédé de
l'électricité" au verre.
2. L'étincelle se produit parce que le verre et B sont inégalement électrisés, B étant dans
son état "normal". Après l'étincelle, B a reçu du verre de l'électricité "en plus" et se
trouve donc électrisé positivement.
3. A et B sont électrisés, l'un négativement, l'autre positivement ; C n'est pas électrisé.
L'étincelle transporte de l'électricité du corps qui en a "le plus" à celui qui en a
"le moins", donc de C vers A dans le premier cas , et de B vers C dans le second. Pourtant C
ne s'électrise pas, car il n'est pas isolé du sol. Dans le premier cas l'électricité qu'il cède
à A provient de la Terre (que Franklin nomme le "magasin commun") ; dans le second cas il cède
à la Terre l'électricité qu'il reçoit de B.
4. Entre A négatif et B positif, l'inégalité d'électrisation est plus forte qu'elle ne l'était
entre A et C (non électrisé) ou B et C dans l'expérience précédente.
5. L'électricité que B avait reçue "en plus" du tube de verre est celle qui avait été donnée au
tube par A. Par l'étincelle B perd donc l'électricité qu'il avait "en plus", et A la regagne.
Tous deux retrouvent donc leur état normal.
Conclusion : les hypothèses de Franklin permettent bien d'interpréter les observations.
Mais vous êtes-vous exprimé comme Franklin ?
C'est peu probable. Le langage qu'il utilise ne nous est pas familier. Il écrit par exemple
"feu électrique" pour désigner ce que nous avons appelé, sans nous poser de question sur
sa nature, "l'électricité".
En faisant un petit effort de traduction, peut-être reconnaîtrez-vous dans les extraits du
texte de Franklin ci-dessous l'explication que vous venez de donner ?
Situations (1) et (2) : "...le feu électrique est un élément
commun, dont chacune des trois personnes a une portion égale avant le commencement de l'opération
[...] : la personne A [...] qui frotte le tube, rassemble le feu électrique de son corps dans le
verre [...] ; B [lorsqu'il approche son doigt du tube] reçoit le feu que le verre avait ramassé
de A [...]. A et B paraissent électrisés à C, qui est sur le plancher ; car celui-ci ayant seulement
la moyenne quantité de feu électrique, reçoit une étincelle à l'approche de B, qui en a de plus, et
il en donne à A, qui en a de moins."
Situation (4) : "Si A et B s'approchent [l'un de l'autre] l'étincelle est plus forte, parce que
la différence entre eux est plus grande. Après cet attouchement, il n'y aura plus d'étincelle entre
l'un des deux et C, parce que le feu électrique est réduit dans tous les trois à
l'uniformité primitive."
Remarque à l'intention du professeur
On peut faire remarquer aux élèves que lors du frottement ce n'est pas "de l'électricité en plus"
qui passe au tube de verre, mais au contraire des électrons qui lui sont enlevés. Plus généralement
les corps dont Franklin pense qu'ils ont de l'électricité "en plus" ont un défaut d'électrons, et
ceux "en moins" un excès d'électrons. A ceci près, l'interprétation de l'expérience reste celle
de Franklin, et les notions d'électricités positive et négative s'imposent aux physiciens à la fin
du XVIIIe siècle.
Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité.
Mise en ligne : juin 2008
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