Vers sur les dialogues philosophiques de Mr Flexier de Réval

On dit qu’autrefois dans la Thrace,
Enivrés d’une folle audace,
Les Encelade, les Typhon,
Et tous leurs frères dont les noms
N’ont pu durer jusqu’à notre âge
Malgré leur force, leur courage,
Et leurs desseins ambitieux,
Ont osé du maître des dieux
Attaquer le brillant empire.
Je pense, moi, s’il faut le dire,
Que c’est imiter leur fureur
Que d’aller, comme l’auteur
De ces dialogues apocryphes,
Sur Newton étendre ses griffes,
Sans avoir pu sentir le prix
De son calcul mathématique
Et sans avoir jamais appris
Un petit mot de mécanique.
Mais heureusement que Newton,
Comme le frère de Junon,
N’a pas des foudres toutes prêtes
A faire éclater sur nos têtes
Quand nous voulons le déloger
De ce trône où, quoi qu’on en dise,
Sa gloire nous fait enrager
Avec l’orgueil et la sottise
Qui voudraient en vain l’égaler
Et ne peuvent voir sans trembler
La brillante et juste couronne
Que l’univers entier lui donne.
Ainsi Flexier, dormez en paix,

[*Flexier de Reval (anagramme de Xavier de Feller) : pseudonyme sous lequel l'abbé François-Xavier de Feller (1735-1802) publia plusieurs ouvrages, notamment des Observations philosophiques sur les systèmes de Newton, de Copernic, de la pluralité des mondes, etc. (Liége : J.-F. Bassompierre, 1771) accompagnées de Dialogues des morts sur le séjour des vivants, avec une dissertation sur les tremblements de terre, les épidémies, les orages, les inondations (Paris : C.-P. Breton, 1778), dans lesquelles il attaquait entre autres les théories de Newton alors que plus personne ne les contestait sérieusement.]