Ampère, André-Marie à Maine de Biran, Pierre
28 7bre 1817
Mon cher et excellent ami,
Il y a déjà bien longtemps que je me reproche de ne vous avoir pas écrit
plutôt. Il y a bien d'autres reproches du même genre à me faire,
et pour des choses malheureusement qu'il aurait été très important que
j'eusse faites et qui ne le sont pas ; ayant beaucoup à écrire pour
l'Université, soit pour des rapports à l'Institut, soit pour les
corrections qu'on peut être dans le cas à faire cette année au
programme du cours que je vais commencer à l'École par la technique; je me
suis trouvé tellement encombré que je n'ai pu faire qu'une partie
même du plus urgent, et qu'il a fallu remettre à d'autre temps toute
espèce de correspondance. Celle dont la suspension m'a été plus
pénible est sans contredit la vôtre, et quoique j'ai là bien des choses
commencées, je ne puis résister plus longtemps au plaisir de vous
écrire.
J'ai appris avec une bien grande joie que l'on n'avait pas fait dans votre
département la même sottise que l'année dernière, et que vous
pourrez reprendre comme autrefois ces discussions de la chambre dont dépendent la paix
et presque l'existence de la chambre. A Paris on a manqué faire encore pis dans le
sens opposé, j'ai été ainsi que beaucoup d'autres dans une
mortelle inquiétude pendant deux jours, heureusement qu'on a
été, du moins en grande partie, quitte pour la peur.
J'avais une foule de choses à vous écrire au sujet de cet ouvrage enfin
imprimé, où vous établissez pour la première fois depuis qu'on
s'occupe de psychologie la distinction des deux point de vue et l'origine de la notion
de cause et autres notions qui en dérivent. Mais cette lettre ne finirait pas et
à peine ai-je le temps de l'écrire. Si je pouvais me livrer à cette
occupation je n'aurais sans doute qu'à dire au sujet de presque tous les
articles, combien je les trouvent profondément vrais, mais il y en aurait quelques-uns
où je vous demanderais certaines explications, et un très petit nombre où
je chercherais à imiter Gros Jean remontrant à son curé. Plus j'avais
parlé de psychologie avec les métaphysiciens de Strasbourg, et avec mon
collègue de tournée dans la chaise de poste, plus je m'étais
confirmé dans l'idée qu'il restait une lacune dans l'explication de
certains faits intellectuels de croyance. J'y ai beaucoup pensé et repensé
depuis, mais c'est encore une chose qui rendrait cette lettre trop longue. Votre ouvrage a
achevé de me démontrer cette lacune. A force d'y réfléchir je
crois bien l'avoir comblée, mais je ne serais satisfait que quand la chose sera plus
clair le jour, et l'on sait de reste combien cela est difficile dans un sujet
enveloppé de tant d'obscurité, entassées à une époque
dont nous n'avons plus de souvenirs, et rendues presque inextricables par l'effet
d'une si longue habitude.
Voici des personnes à qui j'ai adressé des exemplaires de votre ouvrage
A Genève :
-
Mr. Prévost.
-
Mr. Roux, auteur du livre: le vulgaire et les métaphysiciens.
A Paris :
-
Mr. Degérando.
-
Mr Camille Jordan.
-
Mr. Frédéric Cuvier.
-
Mr. Maugé.
-
Mr. Deleuze.
-
Mr. de Montmeyan.
-
Mr. Christian.
-
Mr. François de Mussy.
-
Mr. Philibert de Mussy.
-
Mr. Rendu.
-
Mr. Blondeau.
-
Mr. Maurice.
-
Mr.. Thurot.
-
Un pour moi.
A Strasbourg:
-
Mr. Beautin professeur de philosophie.
-
Mr. Reslob.
-
Mr. Matther.
-
Mr. Levrault inspecteur de l'Académie.
A Lyon:
-
Mr. Bredin directeur de l'Ecole vétérinaire.
-
Mr. d'Ambérieux propriétaire, s'occupant de
psychologie.
D'après ce que m'a dit Mr. Delpit je chercherai une occasion pour
en faire parvenir un à Mr. Dugald Stewart. Comme j'ai reconnu par
expérience que quand j'en donnais on me demandait constamment de qui il
était, et que quand je ne voulais pas le direon se persuadait qu'il était de
moi en sorte que je finissais toujours par être obligé d'avouer que vous en
étiez l'auteur, j'ai suspendu jusqu'à nouvel ordre d'en donner
M.M. de Tracy et de Laromiguière; d'ailleurs cela n'aurait servi qu'à
les blesser. Ils auraient regardé comme une dérision l'envoi qui leur en
aurait été fait, et m'en auraient voulu autant qu'à moi.
C'aurait été des exemplaires perdus et je sais que tous ceux à qui
j'en ai remis les liront.
Adieu, mon cher ami, je vous embrasse bien tendrement et désire votre retour avec la
plus vive ardeur, vous me feriez bien plaisir de me marquer à peu près
l'époque de ce retour si désiré et de me donner de vos nouvelles
et celles de votre famille.
Je vous prie de présenter à Madame de Biran l'hommage de mon profond
respect . Vale et me ama.
A. AMPERE
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