Monseigneur,
Des circonstances imprévues et dont je n'ai eu connaissance qu'aujourd'hui me font
un devoir de supplier Votre Excellence de jeter les yeux sur la note ci-jointe.
Pénétré de reconnaissance pour toutes les bontés dont Votre
Excellence m'a honoré, ce ne sera pas seulement au nom de l'intérêt qu'elle
a daigné me témoigner tant de fois que je la prierai de ne pas me refuser cette
faveur, ce sera surtout dans l'intérêt même de l'Ecole royale polytechnique
à laquelle Votre Excellence sait que j'ai, depuis vingt ans, consacré la plus
grande partie de mon existence.
Je prie Votre Excellence de me permettre de saisir cette occasion pour lui offrir de
nouveau l'hommage de ma vive reconnaissance et celui de mon plus profond respect.
J'ai l'honneur d'être, Monseigneur, de Votre Excellence le très humble et
très obéissant serviteur.
A. Ampère, de l'Académie royale des sciences.
***
Note sur les titres que M. Ampère, professeur d'analyse à l'Ecole royale
polytechnique, croit pouvoir faire valoir à l'appui de la demande qu'il a
adressée, il y a environ un an, à S. E. le Ministre de la Guerre, de la place
d'examinateur des candidats à cette écoleFac-similé : cf folios 2 à 4..
Les places d'examinateur pour l'admission des candidats à l'Ecole royale
polytechnique ont toujours été accordées à des
mathématiciens qui avaient rempli dans cette école les fonctions de professeur
par interim ou de répétiteur.
Alors, ces places étaient regardées comme inférieures à celles
de professeur, depuis la réorganisation de l'école elles sont devenues bien
préférables sous tous les rapports.
Il paraît convenable de les accorder à présent aux professeurs qui les
désirent comme une juste récompense de longs et pénible travaux.
M. Ampère est le plus ancien des professeurs qui s'occupent de mathématiques.
Attaché depuis près de 22 ans à l'enseignement dans l'Ecole polytechnique,
il y a successivement rempli les fonctions de répétiteur, celles d'examinateur
par interim, et celles de professeur ; cette année est la 19ème où il
remplit ces dernières, aucun autre professeur ne demande la place que sollicite M.
Ampère.
Il serait bien pénible pour lui de se voir préférer, soit une personne
étrangère à l'Ecole, soit un simple répétiteur. Il semble
même qu'il y aurait peu de justice à son égard, à celui des autres
professeurs à qui on montrerait par là qu'il n'y a point d'avancement à
espérer pour eux dans le système des fonctions de l'école, à
l'égard même des répétiteurs qui ont pour perspective de remplacer
les professeurs appelés à des fonctions supérieures, quand ils ont fait
preuve des talents et des connaissances nécessaires pour le professorat.
Ceux qui voudraient obtenir la place à laquelle M. Ampère a acquis tant de
titres, se sont peut-être servi pour l'en écarter d'une bien singulière
accusation, celle d'être quelquefois distrait. Chargé de plusieurs examens
à l'Ecole royale polytechnique, non seulement comme examinateur par interim, mais deux
fois chaque année comme professeur, chargé pendant seize ans dans
l'université royale de France d'examens en qualité d'inspecteur
général des études, et encore actuellement des classes de physique dans
les collèges royaux, la manière dont il s'en est toujours acquitté prouve
assez combien cette accusation est dénuée de fondement, et que peu de personnes
sont aussi propres que lui, par l'usage et par les connaissances qu'il a pu acquérir sur
tout ce qui concerne les examens, à s'en acquitter avec tout le succès qu'on peut
désirer.