@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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Parcours historique > La longue histoire des unités électriques

Le coulomb, l'ampère, le volt, le watt, l'ohm... Quand sont nées les unités électriques ?

Par Gérard Borvon et Christine Blondel

Dans le domaine de l'électricité, l'ampère, le volt, le watt sont d'une telle banalité que chacun, ayant un jour remplacé une ampoule ou un fusible, connaît au moins leur nom. Et ceci, où que cette personne habite sur la planète et quel que soit son niveau d'instruction. A chaque grandeur physique doit en effet être associée une unité. Mais quand, où et comment ces unités ont-elles été définies ?

Du système métrique aux premières mesures électriques

L'époque n'est pas si ancienne qui a d'abord vu naître le système décimal. Un nom s'impose alors : celui de Lavoisier à la fin du XVIIIe siècle. Seul un système décimal, affirme-t-il, peut permettre la communication entre chimistes de différentes nationalités et plus généralement entre tous ceux dont l'activité implique la mesure : savants, artisans, apothicaires, manufacturiers, marchands, etc. Dans son Traité élémentaire de chimie, publié en 1789, Lavoisier se livre à un plaidoyer en faveur du système décimal et établit des tables de conversion avec les unités alors en usage (toise, pied, grain, etc. ). Très concrètement, il fait fabriquer des boites de masses décimales pour ses balances de précision.

Lavoisier fait ensuite partie de la Commission des poids et mesures, chargée par le pouvoir révolutionnaire de mettre au point un système décimal légal pour toutes les unités de longueur, de masse et de temps. Mais il est arrêté et guillotiné en 1794 avant que ce travail n'aboutisse. Le 7 avril 1795 (18 germinal de l'an III), le mètre et le gramme deviennent les unités de mesure républicaines et le système décimal est officiellement instauré. Des préfixes grecs (déca, hecto, kilo) sont choisis pour les multiples des unités et des préfixes latins (déci, centi, milli) pour leurs sous-multiples. Ce système deviendra, comme l'avait souhaité Lavoisier, un langage quasiment universel.

La science de l'électricité est alors pour l'essentiel encore qualitative. Avant de pouvoir effectuer une mesure, il faut tout un travail préalable pour définir une grandeur (charge, tension, etc.) et concevoir un instrument susceptible de la mesurer. Jusqu'à la fin du XVIIIe siècle les différents instruments électriques construits pour estimer l'électricité produite par les machines à frottement ou accumulée dans les bouteilles de Leyde, qu'ils soient à paille, à fil ou à feuille d'or, demeurent des "électroscopes" plutôt que des "électromètres". En effet on ne peut pas comparer deux mesures faites avec des instruments différents. A la fin du siècle, la balance de Coulomb permet cette comparaison mais c'est un instrument très délicat à manipuler.

La découverte de la pile électrique et de l'électrolyse en 1800, puis de l'électromagnétisme en 1820, entraînent de nombreuses recherches expérimentales sur la nouvelle forme de l'électricité : le courant électrique. Ampère définit la grandeur "intensité du courant" et propose de mesurer le courant parcourant un conducteur par son action sur une aiguille aimantée ou sur un deuxième conducteur mobile. Faraday montre qu'une "quantité d'électricité" peut être mesurée, lors d'une électrolyse, par le volume de gaz qui se dégage à une électrode ou par la masse de métal qui s'y dépose. Mais ces questions de mesure des grandeurs électriques restent longtemps limitées aux laboratoires de physique.

C'est le développement de la télégraphie électrique, au milieu du siècle, puis des moteurs, génératrices et systèmes d'éclairage, à partir des années 1880 qui donnent à la mesure des grandeurs électriques une importance industrielle et commerciale. Toute cette activité technique demande des moyens de mesure à la fois pratiques et fiables. De nouveaux instruments de mesure sont mis au point et, suivant les pays, des unités différentes sont proposées. Or pour juger des différentes machines et des tensions électriques fournies par l'industrie, il faut des mesures comparables. Une harmonisation des diverses initiatives s'impose.

L'Angleterre en avance

Dans ce domaine l'Empire britannique qui a établi son réseau télégraphique à travers le monde au cours de la deuxième moitié du XIXème siècle, a largement devancé les autres pays européens. La British Association for the Advancement of Science (Association britannique pour l'avancement des sciences) reprend en 1862 le principe de mesurer une grandeur électrique ou magnétique à l'aide des grandeurs fondamentales de la mécanique : longueur, masse et temps. C'est ainsi que Gauss avait mesuré le champ magnétique terrestre dans les années 1830 et que son collaborateur, le physicien allemand Wilhelm Weber, avait ultérieurement mesuré des résistances et des courants. Gauss et Weber participaient en outre à la diffusion du système métrique en utilisant le millimètre, le milligramme et la seconde.

Sous l'impulsion de William Thomson (le futur lord Kelvin), très impliqué dans l'aventure de la télégraphie transatlantique, et de James Clerk Maxwell, la British Association généralise la méthode de Gauss et Weber en montrant la possibilité d'exprimer toutes les grandeurs électriques et magnétiques à partir des trois grandeurs de la mécanique. Parmi les diverses possibilités, la British Association choisit la force électromagnétique d'Ampère comme loi fondamentale et ajoute l'expression de l'énergie électrique ainsi que celle de la loi d'Ohm [Voir la page Les systèmes d'unités électriques et leur unification]. L'unité de travail, et donc l'énergie, devenait "le grand lien entre toutes les mesures en physique". Les Anglais remplacent en outre le mm par le cm, et le mg par le gramme, plus adaptés aux mesures habituelles de laboratoire. La British Association insiste aussi sur la distinction à faire entre une unité et sa représentation matérielle ou étalon (standard en anglais). Le nouveau système, repris dans les pays anglo-saxons et en France, est alors connu sous le nom de système CGS (cm, g, seconde) ou "Système BA" (pour British Association).

Dans ce système d'unités électriques CGS, "absolu", et "électromagnétique" car fondé sur la force électromagnétique, une résistance électrique a la dimension d'une vitesse et s'exprime en cm/s [Voir la page Les systèmes d'unités électriques...]. Mais cette unité électrique de résistance étant extrêmement faible par rapport aux résistances usuelles, la Bristish Association propose un système dérivé du système CGS, le système pratique dans lequel, par convention, l'unité de résistance vaut 109 fois 1 cm/s, l'unité absolue de résistance.

Cette unité pratique se rapprochait non seulement des valeurs des résistances utilisées dans l'industrie mais aussi de la valeur de l'étalon de résistance alors utilisé par les Allemands. Maxwell fit en outre remarquer que ces 109 cm/s, soit 10 millions de m/s, rappellent les 10 millions de mètres du quart du méridien terrestre, à la base de la définition du mètre. On retrouvait le désir d'universalité du système métrique.

Les unités pratiques, déduites du système CGS par des multiples de 10, furent baptisées de noms d'un type nouveau, des noms de savants, considérés comme plus faciles pour les techniciens, et rendant hommage à trois savants de la science électrique : ohm pour la résistance, volt pour la force électromotrice et weber pour l'intensité. Les trois unités électriques du système pratique - ohm, volt et weber - sont liées par la formule U = RI, un weber étant l'intensité du courant qui circule dans une résistance d'un ohm sous l'action d'une force électromotrice d'un volt.

Avant 1881 : des systèmes d'unités nationaux

  

Les unités de résistance

En Angleterre coexistent donc deux systèmes : pour les savants, le système absolu et, pour les ingénieurs, le système pratique qui en est dérivé. Une fois définies les unités pratiques, restait à définir leurs représentations matérielles et à construire des étalons. La British Association choisit de réaliser des étalons de résistance sous forme de bobines métalliques. Maxwell les décrit précisément : elles sont

"faites d'un alliage à 2 parties d'argent et une partie de platine, en forme de fils de 0,5 mm à 0,8 mm de diamètre et de 1 m à 2 m de longueur. Ces fils sont soudés à de grosses électrodes de cuivre. Le fil lui-même est couvert de deux couches de soie, noyé dans une masse de paraffine et renfermé dans une boîte de cuivre mince, de façon qu'on puisse le porter aisément à la température pour laquelle sa résistance est exactement de 1 ohm. Cette température est inscrite sur le support isolant".

Ces étalons sont déposés à Londres comme références pour l'industrie électrique naissante.



Résistance étalon du système britannique
(James Clerk Maxwell, Traité d'électricité et de magnétisme, trad. 1885, t. 1, p. 524)

En France les ingénieurs télégraphistes comptent en "kilomètres de résistance". Cette unité, établie par le constructeur Louis Breguet, est la résistance d'un fil de fer télégraphique de quatre millimètres de diamètre et 1 km de longueur. Elle vaut environ 10 ohms anglais. Des étalons sont construits mais leur valeur dépend assez fortement du fer utilisé.

En Allemagne on utilise l'unité Siemens, proposée par le constructeur Werner von Siemens et désignée par le symbole SE (Siemens Einheit). C'est la résistance d'une colonne de mercure de 1m de longueur et de 1 millimètre carré de section. Sa valeur est très voisine d'un ohm anglais (0,9536).

   Les unités de force électromotrice

Autre avantage du système pratique anglais, l'unité de force électromotrice, le volt (défini comme 108 unités CGS), se trouve très voisine de la force électromotrice de la pile Daniell qui servait de référence aussi bien en France ou en Allemagne qu'en Grande-Bretagne. Cette pile, dite "impolarisable", a en effet une fem constante de 1,079 volts. Mise au point par l'Anglais John Daniell en 1836, elle comporte une électrode de cuivre plongeant dans une solution saturée de sulfate de cuivre et une électrode de zinc plongeant dans une solution de sulfate de zinc.

   Les unités d'intensité

Comme on l'a vu, l'unité pratique d'intensité de la British Association, le weber, est l'intensité du courant qui traverse une résistance d'un ohm soumise à une force électromotrice d'un volt. Sa valeur est de 0,1 unité C.G.S. Cette unité permet de couvrir de façon commode la gamme des intensités alors utilisées : depuis l'intensité des courants télégraphiques de quelques milliwebers jusqu'aux courants alimentant les cuves de galvanoplastie qui pouvaient atteindre une centaine de webers.

En Allemagne, l'unité d'intensité est l'intensité traversant un étalon de résistance Siemens (colonne de mercure) relié aux pôles d'une pile Daniell. Sa valeur est de 1,16 weber.

La France ne présente pas de choix tranché en la matière. Les unités britanniques et allemandes y sont utilisées, mais à côté d'autres unités comme la quantité de gaz dégagé par minute aux électrodes d'un électrolyseur à acide sulfurique ou la quantité de cuivre déposé par heure à la cathode d'un électrolyseur à sulfate de cuivre.

Les électriciens utilisent donc des unités très différentes suivant les pays. Mais avec le développement de l'électricité industrielle, à la fin des années 1870, un langage commun devient souhaitable pour les échanges et les comparaisons de machines et appareils divers. La France jouit d'une certaine autorité dans le domaine des négociations internationales en métrologie, ayant réuni à Paris en 1875 la Convention du mètre qui a abouti à un traité international signé par les diplomates de dix-sept États. Le système métrique présente dès lors un caractère international pour les unités mécaniques. Dans le même temps est créée la Convention Générale des Poids et Mesures (CGPM) et le Bureau International des Poids et Mesures (BIPM) dont le siège est fixé au pavillon de Breteuil à Sèvres, près de Paris. La France, qui fonda le système métrique sous la Révolution, prolonge sous la Troisième République son implication dans le domaine de la métrologie internationale. Et c'est le gouvernement français qui organise le premier Congrès international d'électricité, tenu à Paris en 1881, pendant la première Exposition internationale d'électricité. Son objectif majeur est précisément la définition d'un système international d'unités électriques.

L'Exposition internationale d'électricité (La Nature, 1881, 2ème semestre, p. 201)

1881 : le premier Congrès international d'électricité

Malgré l'opposition entre les savants britanniques qui tiennent à une définition théorique des unités électriques, reliées à la mécanique au travers du système C.G.S, et les physiciens et ingénieurs allemands attachés à une définition de l'unité de résistance par l'étalon mercuriel de Siemens, le congrès de Paris se termine par un accord [Voir la page Dans les coulisses du premier Congrès international d'électricité]. A la suite d'une série de vives discussions, les électriciens adoptent le principe du système pratique de la British Association.

Comme on l'a vu, l'unité pratique de résistance (l'ohm) est définie par convention par la valeur 109 cm/s (unité CGS) et l'unité de force électromotrice (le volt) par 108 unités CGS. Mais pour l'étalon de résistance, les congressistes adoptent le principe de l'étalon allemand : une colonne de mercure, à la température de zéro degré centigrade, d'un millimètre carré de section et dont la longueur reste à déterminer. Une commission internationale est chargée de déterminer cette longueur.

Toutes les autres unités électriques forment un système cohérent se déduisant de l'ohm et du volt : l'unité d'intensité pratique de courant, est dénommée "ampère" par le congrès. C'est l'intensité du courant produit par un volt dans un ohm ; l'unité de quantité d'électricité, dénommée "coulomb", est la quantité de courant débitée par un courant d'un ampère pendant une seconde ;  l'unité de capacité, dénommée "farad", est définie par "un coulomb dans un farad donne un volt".

Les Français Ampère et Coulomb étant mis à l'honneur au congrès de 1881, Weber encore vivant et dont le nom désignait deux valeurs différentes pour l'unité d'intensité en Allemagne et en Angleterre, en fait les frais. Mais le congrès lui adresse un message de félicitations pour le cinquantième anniversaire de son entrée à l'université de Göttingen... et son nom sera donné, après sa mort, à l'unité de flux magnétique.

Le choix de donner aux unités pratiques des noms de savants ne fait d'ailleurs pas l'unanimité. A l'occasion du congrès de 1889, Marcellin Berthelot regrette ce choix : "Poncelet, Ampère, Watt, Volta, Ohm, sont maintenant des racines de noms dont la plupart n'ont pas de rapport nécessaire et immédiat avec les hommes qui les ont illustrés". "Le contraste est bien remarquable, ajoute-t-il, avec l'allure essentiellement impersonnelle qu'avait la nomenclature scientifique, il y a seulement quatre-vingt ans". Et il prévoit : "il est bien à craindre que le siècle prochain, par la force même de la marche en avant et des modifications des sciences, ne supprime cette terminologie".
Comme on le sait, ces noms se sont imposés, en particulier au travers de la vulgarisation scientifique très vigoureuse à la fin du XIXe siècle avec des revues richement illustrées, les expositions internationales et les musées, dans lesquels le savant devient un héros de la science.

Les suites du congrès de 1881 : le joule, le watt...

Toute une série de congrès sera nécessaire, réunissant des physiciens, des ingénieurs électriciens et des représentants des administrations télégraphiques, pour préciser la définition des unités dérivées et des étalons internationaux. Entre les conférences, de nombreux travaux sont menés dans les laboratoires de physique ainsi que dans les laboratoires nationaux qui sont créés dans les principaux pays occidentaux.

La Conférence internationale pour la détermination des unités électriques, réunie à Paris en 1884, fixe à 106 cm la longueur de la colonne de mercure de section 1 mm2, à 0°C, dont la résistance constitue l'étalon de l'ohm, l'étalon le plus important pour la pratique. Des étalons mercuriels, mais aussi des étalons métalliques anglais, seront construits dans les divers pays européens et comparés entre eux.





Compteur Edison.
La quantité d'électricité débitée est mesurée par la variation de masse des électrodes de cuivre d'une cuve à électrolyse. (La Nature, 1882, 1er semestre, p. 340)

En 1889, le Congrès international d'électricité revient à Paris à l'occasion de l'Exposition internationale. Il dénomme "joule" le volt-coulomb, l'unité de travail déduite des grandeurs électriques, et choisit "watt" (le volt-ampère) pour désigner l'unité de puissance électrique. Le kilowatt est retenu à la place du cheval-vapeur pour la mesure de la puissance des moteurs électriques. La conversion avec les unités de travail et de puissance utilisées par les mécaniciens donne alors :
  1 kilogrammètre = 9,81 joules
  1 cheval-vapeur = 736 watts
De façon quelque peu provocatrice, le congrès d'électricité invite le congrès des mécaniciens qui se tient en parallèle à renoncer au cheval-vapeur, à adopter le système CGS et à clarifier les notions de "force" et de "travail" trop souvent utilisées l'une pour l'autre par les mécaniciens.

La résistance des mécaniciens

Les mécaniciens précisent alors leurs propres grandeurs. Le mot travail désignera le produit d'une force par le chemin que décrit son point d'application dans sa propre direction et le mot puissance sera exclusivement employé pour désigner le quotient d'un travail par le temps employé à le produire.
En revanche, ils ne renoncent pas à leurs unités propres, aussi archaïques puissent-elles paraître à leur confrères électriciens :
  L'unité de force reste le kilogramme-force (poids, à Paris, d'une masse d'un kilogramme).
  L'unité de travail reste le kilogrammètre (travail d'une force d'un 1 kilogramme-force qui déplace son point d'application d'un 1 mètre dans sa direction).
  L'unité de puissance est, au gré de chacun : le cheval-vapeur de 75 kilogrammètres par seconde et le poncelet de 100 kilogrammètres par seconde.
Le mot énergie subsiste alors comme une généralisation utile comprenant les différentes formes équivalentes : travail, force vive, chaleur... Il n'existe pas d'unité spéciale pour l'énergie envisagée dans toute sa généralité : on l'évalue numériquement suivant les circonstances, au moyen du kilogrammètre, de la calorie, etc.
L'obstination des mécaniciens vaudra aux lycéens français de continuer à apprendre, jusqu'aux années 1960, que la force s'exprime en kilogramme-force (kgf), le poids en kilogramme-poids (kgp), le travail en kilogrammètres, la puissance mécanique en cheval-vapeur.

Les étalons prennent le dessus sur les unités absolues

En 1893, au Congrès international d'électricité de Chicago, les gouvernements des pays participants sont officiellement représentés et les décisions auront force de loi internationale. Un changement profond intervient sous la pression des praticiens : les unités fondamentales sont définies par leurs représentations matérielles et non plus par le système CGS. Ces représentations matérielles sont précisées : 106,3 cm de longueur et une masse de 14,4521 gramme pour la colonne de mercure représentant l'ohm, un courant qui dépose 0,00118 gramme d'argent par seconde à la cathode d'un électrolyseur à nitrate d'argent pour la représentation matérielle de l'ampère, 1000/1434 de la fem d'une pile Clark pour la représentation matérielle du volt. La puissance invitante n'est pas oubliée : le henry (d'après le physicien américain Joseph Henry) est désigné comme unité internationale de mesure de l'inductance magnétique d'un circuit électrique.

Des commissions internationales sont ensuite mises en place pour travailler entre les congrès et établir régulièrement des comparaisons entre les étalons mis au point dans les laboratoires nationaux de Washington, Berlin, Londres et Paris. A partir de 1910, les unités sont d'ailleurs définies par les valeurs moyennes d'étalons nationaux.

De la proposition de Giovanni Giorgi à l'adoption du système MKSA

Mais entre les deux guerres, les physiciens expriment le désir de revenir à une définition théorique, et non plus matérielle, des unités électriques. Parallèlement on discute de la proposition faite en 1901 par l'ingénieur électricien Giovanni Giorgi, insatisfait de plusieurs aspects du système CGS.

Dans son système, Giorgi ajoute une unité électrique fondamentale aux trois unités de la mécanique. Ainsi les grandeurs électriques ne s'expriment plus comme des vitesses ou autres combinaisons d'unités mécaniques. Il remplace le centimètre par le mètre et le gramme par le kilogramme, ce qui élimine les facteurs 10 qui apparaissaient dans certaines formules. S'appuyant sur la théorie de Maxwell et développant des suggestions d'Heaviside, il introduit des constantes électrique et magnétique du vide (ε0 et μ0) qui ne sont pas de simples nombres mais sont des grandeurs physiques caractéristiques des propriétés électrique et magnétique du vide [Voir la page Les systèmes d'unités électriques et leur unification]. Le système Giorgi est dit "rationalisé" car les facteurs 4π, qui apparaissaient sans raison dans certaines formules, ne sont plus présents que dans les deux lois fondamentales de Coulomb et d'Ampère. Il présentait surtout l'avantage majeur d'unifier le système CGS "électromagnétique" avec un autre système, alors également utilisé, le système CGS "électrostatique" où la loi de Coulomb est prise comme loi fondamentale. Enfin, condition indispensable à son adoption, les unités pratiques (ohm, ampère, volt, etc.) et donc leurs étalons étaient conservés. Ce système répondait donc parfaitement à la demande des praticiens.

En 1948, lors de la 9ème Conférence Générale des Poids et Mesures, le mouvement aboutit malgré les réticences des physiciens habitués au système CGS, à l'adoption du système Giorgi. L'ampère est pris comme unité fondamentale aux côtés du mètre, du kilogramme et de la seconde, ce qui constitue le système MKSA. La Conférence adopte également le newton comme unité de force (force capable de procurer à une masse de 1kg une accélération de 1m/s2). Le joule, alors défini comme l'énergie dégagée pendant une seconde par un courant d'un ampère traversant une résistance d'un ohm, devient également le travail d'une force d'un newton déplaçant son point d'application d'un mètre dans sa direction.
Les unités mécaniques et électriques sont enfin unifiées.

En 1960, le nouveau système prend le nom de système SI (Système international) et le 3 mai 1961 la République française publie le décret n° 61-501 rendant légal le système SI en France [Voir la page Le système international d'unités]. C'est la victoire définitive du système des électriciens sur celui des mécaniciens. Professeurs et lycéens français peuvent désormais oublier kilogramme-force, kilogrammètre et cheval-vapeur au profit des newton, joule et watt.

Le moteur électrique remplace le moteur à vapeur. Les unités des électriciens s'imposent aux mécaniciens.
(La Nature, 1881, 2ème semestre, p. 281).

[Voir la page Quelques exercices à proposer en classe sur le thème de la naissance des unités électriques ]

Pour en savoir plus 

MAXWELL, James Clerk. Traité élémentaire d'électricité. Traduit de l'anglais par Gustave Richard. Paris : Gauthier-Villars. 1884.
MAXWELL, James Clerk. Traité d'électricité et de magnétisme, t. I et II, traduction de la 2ème édition anglaise par A. Séligman-Lui. Paris : Gauthier-Villars. 1885.
THOMSON William (Lord KELVIN). Conférences scientifiques et allocutions, 1893, traduites et annotées sur la 2ème édition par P. Lugol. Paris : Gauthier-Villars et fils.
BRUHAT G. Cours de physique générale, Electricité. 2ème éd. G. Goudet. Paris : Masson et Cie. 1967.
BLONDEL, Christine. Négociations entre savants, industriels et administrateurs : les premiers congrès internationaux d'électricité. Relations internationales 1990, n°62, p. 171-182.



Mise en ligne : mars 2008

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