@. Ampère et l'histoire de l'électricité |
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Parcours historique > L'expérience de Hans-Christian Œrsted (1820) | |||||||||
Promenade à travers les manuels depuis 1820Par Christine Blondel et Bertrand Wolff 1. Les premiers traités de physique publiés après la découverte d'Oersted (1820-30)René-Just Haüy, Traité élémentaire de physique, 3ème
édition, 1821, "Ouvrage pour l'enseignement dans les collèges". "Ce n'était pas encore la dernière des surprises dont l'électricité galvanique devait fournir le sujet, et elle en réservait d'autres non moins propres à en faire naître de nouvelles pour le moment où M. Oersted, l'un des hommes dont s'honore le Danemark, deviendrait à la fois l'inventeur et le premier témoin de l'expérience si remarquable où le fluide électrique semble se transformer dans la pile en fluide magnétique, pour rompre l'équilibre entre les forces qui maintiennent l'aiguille aimantée dans sa position naturelle [...]. Et l'on jugera combien elle a gagné depuis qu'elle est connue en France, par l'extension que lui ont donné deux physiciens très distingués, MM. Ampère et Arago, en variant et en multipliant les effets de l'appareil qui avait servi aux expériences du savant Danois." (tome 1, p. 392-393) Dans le chapitre Du magnétisme (tome 2), il écrit : "il paraît bien prouvé que le fluide magnétique est distingué, par sa nature, du fluide électrique" et réaffirme que les expériences d'Oersted "ont prouvé que le fluide magnétique [...] concourait réellement aux phénomènes de la pile". Haüy semble suivre ici Biot et son interprétation de l'action sur la boussole par une aimantation temporaire du fil conducteur. Il souligne toutefois un peu plus loin le caractère inachevé de ce type d'interprétation. C'est donc la science en train de se faire qui est présentée aux lecteurs. César-Mansuète Despretz, Traité élémentaire de physique, 2ème édition, 1827. César Despretz, professeur au collège Henri IV, a mené des expériences en collaboration avec Ampère. La présentation de l'électrodynamique dans son traité de physique s'écarte radicalement de celle de Haüy et montre la nouveauté des recherches d'Ampère. Il n'est plus question de magnétisation temporaire du fil conducteur et le courant électrique, caractérisé par un nouvel instrument, constitue la cause des interactions entre courants et aimants : "M. Oersted, de l'Académie de Copenhague, a découvert en 1819, un
phénomène tout à fait remarquable, celui de l'action du courant voltaïque sur
l'aiguille aimantée. Cette découverte a donné lieu à un grand nombre de belles
recherches en France et dans le reste de l'Europe. [...] (p. 490 ; on retrouve le même texte p. 542 dans la 4ème édition, 1836. (Voir le PDF) Claude-Servais-Matthias Pouillet, Elémens de physique expérimentale et de météorologie, 1ère édition, 1828. Dans son traité de physique, publié un an après celui de Despretz, Pouillet précise la définition du courant électrique et adopte l'hypothèse d'Ampère : le magnétisme n'est pas dû à des fluides magnétiques mais au mouvement de l'électricité. Dans son chapitre De l'action des courants sur les aimants, on peut lire : "§ 408. Découverte de l'électro-magnétisme. (tome 1, p. 674-5 ; on retrouve le même texte dans la 2ème édition, 1832, t. 1, 2ème partie, p. 236-7. (Voir le PDF) "§ 409. Le courant tend à tourner l'aiguille en croix avec lui, le pôle austral à gauche." [A l'époque on appelle pôle austral d'une boussole celui qui pointe vers le pôle nord (boréal) géographique terrestre. Selon la convention actuelle il s'agit donc du pôle nord de l'aiguille aimantée, ce qui nous oblige à considérer le nord géographique comme un "sud" magnétique !] "Dans ces phénomènes la force électro-magnétique est combattue par
l'action directrice que la terre exerce sur l'aiguille, et pour observer l'effet
seul de cette puissance nouvelle qui agit d'une manière si énergique et en même temps
si singulière, il est nécessaire de neutraliser la force terrestre : c'est ce que l'on
peut faire de plusieurs manières [...] ; avec ces précautions on découvre le
vrai caractère de la force électro-magnétique, on voit qu'elle n'est ni une force
attractive ni une force répulsive, mais une force directrice qui tourne toujours
l'aiguille perpendiculairement au fil conducteur, sans attirer un pôle de préférence
à l'autre, c'est-à-dire que la ligne des pôles est toujours en croix avec le
courant. [...] Ce n'est pas assez de définir ainsi la direction de l'aiguille ; il faut
encore assigner la position de ses pôles [...], soit que le courant se propage dans un
sens ou dans l'autre. Dans les premiers temps on éprouvait de grands embarras pour
exprimer en peu de paroles ces rapports de position et de direction qui se compliquent
de mille manières ; mais M. Ampère a levé toutes ces difficultés au moyen d'une
comparaison qui semblera peut-être aussi bizarre qu'elle est ingénieuse. M. Ampère ne
se contente pas de donner une direction au courant, il lui donne une tête,
des pieds, une droite et une gauche ; il en fait un homme.
Concevons dans une portion quelconque du fil conducteur une petite figure d'homme couchée
dans le sens de la longueur, [...] de telle manière que [...] le courant entre par les
pieds et sorte par la tête ; concevons que cette figure ait toujours la face
tournée vers le milieu de l'aiguille sur laquelle agit le courant, alors l'effet est
tel, que l'aiguille se trouve en croix avec le courant, son pôle austral à
gauche. 2. La deuxième moitié du 19ème siècleAdolphe Ganot, Traité élémentaire de physique expérimentale et appliquée et de météorologie, 2ème édition, 1853. Les auteurs des ouvrages précédents étaient eux-mêmes des savants. La réforme de 1852, qui fait une plus large place à l'enseignement scientifique, amène Adolphe Ganot, professeur dans une école privée, à publier son cours personnel. Parmi les manuels de physique publiés après cette réforme, le " Ganot " a une place particulière. Réédité pendant près de 80 ans - au total plus de 200 000 exemplaires -, traduit en plusieurs langues, il a servi à l'enseignement de la physique dans le monde entier. Le "Ganot" exploite la technique de la gravure sur bois qui permet d'intercaler les figures dans le texte (360 dès la 1ère édition, 773 dans la 13ème), alors que les ouvrages antérieurs regroupaient les figures dans des planches dépliables, en fin de volume. [Sur l'histoire du "Ganot" voir F. Khantine-Langlois, Un siècle de physique à travers un manuel à succès : le traité de physique de Ganot, dossiers de la Société française de chimie, 2006] Ci-dessous, un extrait de la partie Electricité dynamique, 2ème édition, 1853, p. 569. Les lettres a et b désignent respectivement les pôles "austral" et "boréal".
Louis Figuier, Les merveilles de la science, tome 1, 1867. Louis Figuier (1819-1894), docteur en médecine, puis docteur ès sciences physiques, fut professeur à l'école de pharmacie de Montpellier puis de Paris avant d'abandonner sa carrière de professeur pour se consacrer à la vulgarisation. Sa production de journaliste scientifique est foisonnante. Les quatre tomes de ses Merveilles de la science ou description populaire des inventions modernes, illustrés de nombreuses gravures, sont, en ce qui concerne notamment l'histoire de l'électricité, remarquablement documentés.
...et celles illustrant le sens de déviation de l'aiguille :
3. De la fin du 19ème siècle à nos jours, ou comment le fil conducteur horizontal devient vertical...Ch. Drion et E. Fernet, Traité de physique élémentaire, 12ème édition, 1893. Au cours du 19ème siècle, la présentation de l'expérience d'Oersted dans les traités de physique élémentaire destinés à l'enseignement secondaire (Ganot, Drion et Fernet, Le Noir) n'a guère évolué. L'expérience était considérée comme un des effets du courant électrique et était le plus souvent immédiatement suivie de l'application de la déviation de l'aiguille à la mesure des intensités dans les galvanomètres. La notion de champ magnétique, élaborée par Faraday et Maxwell, apparaît seulement à l'extrême fin du siècle dans les manuels français. Ceux-ci traitent alors encore de manière qualitative des interactions entre courants et aimants à l'aide de la théorie d'Ampère. La notion de champ entraîne une reformulation de l'électromagnétisme. Ainsi peut-on lire dans l'introduction de la 12ème édition du traité de Drion et Fernet, en 1893 : "De toutes les parties de l'ouvrage, c'est l'étude de l'électricité et du magnétisme qui a subi les modifications les plus profondes [...]. Le chapitre de l'électromagnétisme repose tout entier sur la considération du champ magnétique créé par un courant." L'expérience d'Oersted, déjà décrite dans le chapitre "lois des courants", est présentée dans une nouvelle perspective au début du chapitre "Electromagnétisme".
E. Bouant et H. Pariselle, Cours de physique, classe de 1ère C et D, 1912. A partir de la réforme de l'enseignement secondaire de 1902, qui augmente encore la place des sciences dans l'enseignement, sont publiés des manuels spécifiques à chaque classe qui se substituent progressivement aux gros traités de référence. Dans le " Bouant et Pariselle ", conforme au programme de 1912, on retrouve quasiment le même plan que dans le " Drion-Fernet " de 1893 : ELECTROMAGNETISME. I. Champ magnétique d'un courant. [la figure est pratiquement la même que ci-dessus] R. Faucher, Cours de physique, Classe de 1ère C/D/E, programme 1966. Le programme de 1966 consacre une évolution vers un accroissement des contenus en électricité, celle-ci représentant deux bons tiers du cours de physique de 1ère scientifique. L'électromagnétisme y tient une place importante, et si Oersted n'est pas explicitement cité dans le programme, c'est par cette " expérience fondamentale " que le cours de Faucher ouvre le chapitre " champs magnétiques créés par les courants ". Le cours de Faucher, d'une très grande rigueur, est par ailleurs particulièrement riche en indications historiques... Charlot, Gougeon, Walter (Collection Cros), Fondements de la physique, Terminales C et E, 1979. Le programme de 1979 pour les classes de terminales scientifiques est, en ce qui concerne l'électromagnétisme, très ambitieux, moderniste et résolument a-historique. Le champ magnétique y est introduit par son action sur un faisceau d'électrons et le courant électrique dans un fil est assimilé à un flux d'électrons. L'aiguille aimantée est présentée comme moyen d'exploration de la topographie de différents champs magnétiques, le cas particulier du champ créé par un fil rectiligne étant étudié sans mentionner l'expérience d'Oersted. Cependant après cette présentation axiomatique, une lecture " Ampère et l'électromagnétisme " introduit des textes historiques par un rappel de la découverte d'Oersted. Programmes 1983 et 1989 : 1983 : on retrouve le même programme d'électromagnétisme en terminale, légèrement allégé. 1989 : le programme est encore allégé mais la logique reste la même. Certains manuels mentionnent l'expérience d'Oersted comme exemple d'interaction courant-aimant. Elle perd en tous cas sa place d'expérience " fondatrice ". Programmes 1993 : On assiste à une quasi disparition du magnétisme dans l'enseignement des lycées. Un chapitre " Interaction magnétique, champ magnétique " dans le cours de terminale présente le champ d'un solénoïde et celui des bobines de Helmholtz, mais non celui d'un fil rectiligne. Certains manuels continuent cependant à présenter l'expérience d'Oersted comme exemple d'interaction courant-aimant. Programmes 2001 : Le magnétisme disparaît du programme de terminale S, revient en 1ère S sous forme d'un ou deux chapitres où doivent être présentés le champ d'un conducteur rectiligne et celui d'un solénoïde. Les textes officiels actuels distinguent contenus obligatoires et activités d'accompagnement, parmi lesquelles des activités documentaires. Dans la liste d'activités concernant le magnétisme, figure Etude documentaire sur l'histoire du magnétisme et de l'électromagnétisme. Aussi trouve-t-on dans quelques rares manuels une activité centrée sur l'expérience d'Oersted. Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité. Mise en ligne : mars 2006
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