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Parcours historique > Des grenouilles de Galvani à la pile de Volta

Galvani et "l'électricité animale"
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Par Christine Blondel et Bertrand Wolff

Comment sont provoquées les contractions musculaires

Tout au long du XVIIIe siècle la question des phénomènes physiques et chimiques à l'œuvre dans le mouvement musculaire est largement débattue chez les naturalistes et plus généralement dans le monde savant. Les interprétations mécanistes en vogue à la fin du XVIIe siècle expliquent ce mouvement, comme l'avait fait Descartes, par la théorie des "esprits animaux". Ces fluides subtils, émis par le cerveau et s'écoulant par les nerfs, assimilés à des tubes, provoqueraient un gonflement des muscles, entraînant ainsi la contraction musculaire.
Ces interprétations sont progressivement battues en brèche et de nouvelles voies de recherche s'ouvrent faisant intervenir la chimie puis l'électricité. Ainsi Lavoisier montre que, lors d'un travail musculaire, l'organisme accroît sa consommation d'oxygène et, simultanément, sa production de gaz carbonique et de vapeur d'eau.
Quant à l'action possible du "fluide électrique" sur les corps vivants, c'est la découverte de la bouteille de Leyde, au milieu du siècle, qui fait surgir la question, soulevant immédiatement un intérêt qui s'étend bien au delà du monde savant. [Voir la page L'énigme de la bouteille de Leyde et la vidéo La terrible secousse... ]

Les décharges de la bouteille de Leyde provoquant de fortes contractions musculaires et des sensations inattendues, cela ne pourrait-il pas aller jusqu'à guérir les paralysies et d'autres maladies ? De nombreuses guérisons par l'électricité sont annoncées dans les journaux et à la fin du siècle les machines électriques se multiplient dans les hôpitaux. L'électricité médicale est également pratiquée par des hommes qui ne sont ni médecins ni physiciens [Voir L'électricité médicale dans le Journal des Savants]. Marat (le futur révolutionnaire), des prêtres, des démonstrateurs d'électricité amusante se font électriciens guérisseurs. Mais la réalité des guérisons observées est discutée par plusieurs savants comme l'abbé Nollet et Benjamin Franklin. La question restait ouverte.

Tandis que les "électriciens guérisseurs" expérimentent sur l'homme, les anatomistes appliquent l'électricité à des membres d'animaux sur leur table de dissection. La toute jeune "science électrique" fait irruption dans le domaine de la physiologie animale. C'est ainsi qu'en 1756, à Padoue, Caldani étudie les effets de la décharge électrique sur le cœur et sur divers muscles. La grenouille se révèle être l'animal le plus sensible pour mettre en évidence l'action de l'électricité sur les nerfs.

L'idée d'une analogie entre fluide nerveux et fluide électrique fait son chemin : même invisibilité, même capacité de traverser les corps sans laisser de trace, même extraordinaire rapidité de transmission. Mais cette analogie d'action entre les deux fluides ne suffit pas à prouver leur identité de nature. Ainsi Albrecht von Haller, la plus grande autorité de l'époque en physiologie, écrit-il dans les articles Nerf et Fluide nerveux , de l'Encyclopédie (Suppléments, 1776-77):

"Une fibre solide pourrait être à la vérité suivie par un courant électrique ; mais les phénomènes du corps animal ne paraissent pas permettre que l'esprit animal soit un fluide électrique." En effet "La matière électrique suit d'autres lois [que celles du fluide nerveux] : elle ne pourrait pas être retenue par des ligatures, elle ne resterait pas dans le nerf, elle se répandrait dans les espaces voisins destitués d'une matière pareille, & se remettrait en équilibre."

Les arguments de Von Haller, en particulier l'interruption du fluide nerveux par une simple ligature, défendent avec force la spécificité du fluide nerveux et témoignent de l'intensité du débat.

Le laboratoire de Galvani

Luigi Galvani (1737-1798), professeur d'anatomie à Bologne, s'intéresse à son tour à l'influence de l'électricité sur les nerfs. Rien d'étonnant donc à ce qu'on trouve dans son laboratoire une machine électrique, des bouteilles de Leyde, et des grenouilles "préparées de la manière habituelle", c'est-à-dire en ne conservant que les membres inférieurs, avec leurs nerfs cruraux reliés à la moelle épinière (Planche I, coin inférieur gauche).

Galvani, Commentaire..., 1791, planche I

Figure Ω :Grenouille préparée pour l'expérience  
Figure 1 : Machine électrique
Figure 2 : Le fil de fer E traversant la moelle est en contact avec une baguette de fer G, et prolongé par le long fil conducteur KK
Figure 3 : Une grenouille préparée est enfermée dans un récipient en verre A, un très long fil de fer E E E peut être joint en C au fil de fer B planté dans sa moelle épinière
Figure 5 : Bouteille de Leyde  
Figure 6 : Expérience dans le vide

Ses notes de laboratoire montrent qu'il débute ces expériences dès novembre 1780 mais c'est seulement en 1791, lorsqu'il est certain d'avoir accumulé assez de preuves en faveur d'une électricité d'origine animale, que Galvani fait connaître les résultats d'une expérimentation tenace et scrupuleuse, souvent menée avec le concours de sa femme et de ses deux neveux. Son ouvrage est publié en latin, comme cela était encore courant dans le domaine de la médecine : De viribus electricitatis in motu musculari. Commentarius (Commentaire sur les forces électriques dans le mouvement musculaire). Entre-temps quelques mémoires non publiés, mais lus devant l'Académie des Sciences de Bologne, ainsi que ses manuscrits, permettent de se faire une idée de la chronologie de ses découvertes.

L'action à distance de l'étincelle électrique sur la grenouille

Son point de départ est une observation étonnante, mentionnée dans ses notes de 1781, et ainsi relatée dans son Commentaire : 

"J'ai disséqué et préparé une grenouille [et] j'ai placé celle-ci sur la table sur laquelle se trouvait une machine électrique, à l'écart du conducteur de la machine et à une assez grande distance de celui-ci [Le conducteur C sur la planche I, supporté ici par un bougeoir isolant]. Lorsque l'un de mes aides, par hasard, toucha légèrement avec la pointe de son scalpel, les nerfs cruraux internes de cette grenouille, on vit tous les muscles de ses membres se contracter de telle sorte qu'ils paraissaient pris de très violentes contractions tétaniques. Un autre des assistants qui était présent lors de nos expériences sur l'électricité eut l'impression que ces contractions se produisaient au moment où une étincelle jaillissait du conducteur de la machine. [...] Je fus alors pris d'un incroyable désir de refaire l'expérience et d'expliquer le mystère de ce phénomène. J'approchai donc la pointe du scalpel de l'un ou l'autre des nerfs cruraux, tandis que l'un des assistants faisait jaillir une étincelle. Le phénomène se reproduisit de la même manière. [...] Frappés de la nouveauté du phénomène, nous décidâmes de répéter l'expérience de différentes façons, en employant cependant toujours le même scalpel [...]. Ce nouvel effort ne fut pas vain. Nous comprîmes en effet que l'effet obtenu dépendait de la partie du scalpel que nous tenions entre nos doigts : si nous tenions le scalpel par son manche en os, aucun mouvement ne se produisait au jaillissement de l'étincelle tandis que ces mouvements se produisaient lorsque nous tenions le scalpel par sa lame métallique, ou par les clous fixant la lame au scalpel."

Galvani varie de multiples manières les conditions de l'expérience et conclut : 

"... il nous apparut clairement que, pour que le phénomène se produise, il était nécessaire, non seulement qu'un corps conducteur fût en contact avec le nerf, mais aussi que celui-ci devait avoir une certaine grandeur et une certaine longueur."

L'ensemble conducteur formé par le scalpel et l'expérimentateur peut ainsi être remplacé par un long fil de fer
(Planche I, fig. 2, fil KK). C'est sous cette forme que l'expérience est reproduite dans la vidéo Des expériences de Galvani à la pile de Volta .

Mais comment une étincelle peut-elle déclencher à distance une contraction de la cuisse ? N'y aurait-il pas "accès du fluide électrique de la machine, de quelque manière que cela se fasse, à l'animal et à ses conducteurs" ? Pour que "toute voie [soit] coupée au fluide de la machine" Galvani imagine toutes sortes de dispositifs, comme celui de la figure 3 où la grenouille est placée dans un bocal, de l'autre côté d'un mur traversé par un fil de fer (EE). Et si, malgré tout, "la machine, l'animal et son conducteur communiquaient entre eux par l'air ambiant" ? Il place alors le dispositif à deux bocaux représenté figure 6 sous la cloche d'une pompe à vide : 

"...je fis jaillir l'étincelle, tantôt lorsque l'air avait été extrait, tantôt lorsqu'il ne l'avait pas été. Les contractions se produisirent dans l'un et l'autre cas ..."

Le phénomène résiste à toute explication dans le cadre des connaissances de l'époque. Il faudra attendre la fin du XIXe siècle pour établir qu'une étincelle électrique entraîne une brève émission d'ondes électromagnétiques. C'est l'origine des parasites produits dans les émissions de radio en modulation d'amplitude par les décharges d'orages ou de moteurs électriques mal protégés. Le fil conducteur relié au nerf de la grenouille de Galvani jouait ainsi le rôle d'antenne réceptrice et stimulait électriquement le nerf.

L'action de l'électricité atmosphérique

Galvani, qui possède de nombreux ouvrages d'électricité dans sa bibliothèque, sait bien que l'éclair d'un orage est une décharge d'électricité de même nature que l'électricité "artificielle" produite par les machines.

"Après la découverte que nous venons d'exposer des forces de l'électricité artificielle dans les contractions musculaires, nous ne souhaitions rien d'autre que de rechercher si l'électricité dite atmosphérique produisait ou non les mêmes phénomènes, c'est-à-dire si, en employant les mêmes procédés, le jaillissement de l'éclair provoquerait des contractions musculaires, comme le jaillissement des étincelles."

Galvani, Commentaire..., 1791, planche II

A droite : La grenouille est placée dans un récipient en verre C, AA est un fil de fer isolé. Une extrémité du fil de fer D touche les pattes et l'autre plonge dans l'eau du puits.
Au centre : La grenouille est posée sur une table recouverte d'un revêtement huileux, un fil de fer la relie au mur. Les phénomènes sont identiques.

Un jour d'orage, en 1786, il installe des grenouilles préparées, munies de leur fil conducteur, sur sa terrasse
(planche II) : 

"Chaque fois qu'un éclair jaillissait, les muscles subissaient au même moment de nombreuses et violentes contractions et, comme la lueur des éclairs, les mouvements musculaires de ces animaux et leurs contractions précédaient le tonnerre et, d'une certaine manière, nous en avertissaient."

Là encore, Galvani multiplie les essais en variant les conditions. Il constate en particulier qu'un ciel menaçant, même sans éclairs orageux, conduit parfois aux mêmes effets. Dans ce cas, les électromètres sensibles qu'il a placés sur sa terrasse "donnent des signes évidents d'électricité". Il en conclut : 

"La chose ayant été soigneusement examinée, il apparaît que l'électricité artificielle et l'électricité atmosphérique ont la même façon d'agir."

Des contractions musculaires sans source d'électricité !

Lors des expériences menées sur sa terrasse, il est arrivé à Galvani d'observer des contractions occasionnelles, même par temps calme.

"Comme j'avais vu des grenouilles préparées, munies de crochets de cuivre dans la moelle épinière et posées sur les barreaux de fer qui entourent la terrasse de notre maison, montrer les contractions habituelles, non seulement lorsque le ciel était plein d'éclairs, mais aussi parfois lorsqu'il était calme et clair, je pensai que ces contractions prenaient leur origine dans les modifications [de l'électricité atmosphérique] qui se produisaient durant la journée. "

Pourrait-il y avoir, un jour sans orage, une lente accumulation d'électricité atmosphérique dans la grenouille ? Pour en avoir le coeur net, Galvani poursuit ses observations "pendant de nombreuses journées". "Lassé d'une attente vaine", il presse les crochets de cuivre fixés dans les moelles épinières contre les barreaux de fer et observe alors "de fréquentes contractions", qui lui semblent "sans rapport avec les états électriques de l'atmosphère".

"Cependant, comme je n'avais observé la présence de ces contractions qu'à l'air libre [...] je fus sur le point de ramener ces contractions à la pénétration de l'électricité de l'atmosphère dans l'animal, à son accumulation dans celui-ci et à sa sortie rapide au contact du crochet avec les barreaux en fer. Il est facile en effet, lors d'expériences, de se tromper et de penser avoir vu et avoir découvert ce que nous souhaitons voir et découvrir."

Pour vérifier ou infirmer le rôle de l'électricité atmosphérique, Galvani redescend dans son laboratoire : 

"... après avoir transporté l'animal dans une pièce fermée et l'avoir placé sur un plateau de fer, je commençais à presser contre ce plateau le crochet fixé dans la moelle épinière, et alors se produisirent les mêmes contractions, les mêmes mouvements. "

L'électricité atmosphérique est alors mise hors de cause ! Galvani multiplie les expériences. Finalement il utilise deux tiges courbées de métaux différents, l'une en contact avec le nerf, l'autre en contact avec le muscle, constituant ce qu'il appelle " l'arc conducteur" et que l'on appellera par la suite l'arc galvanique. Il varie le choix des métaux, et les contractions se produisent à chaque fois que les deux tiges sont mises en contact par leur extrémité libre.

"... l'emploi de plusieurs corps métalliques différents avait beaucoup plus d'effet que l'emploi d'un seul et même corps métallique dans l'obtention ou l'augmentation des contractions musculaires [...] Si [...] un de ces éléments est en fer et un autre en cuivre, ou encore mieux en argent [...] les contractions seront beaucoup plus importantes et de plus longue durée."

[Dans la vidéo l'expérience est réalisée avec du cuivre et du zinc]

Galvani, Commentaire..., 1791, planche III

Figure 9 : l'animal est posé sur un plateau de verre, une bande de plomb est placée en A et une bande de laiton en C. Les contractions se produisent lorsque ces bandes sont reliées par l'arc conducteur D (cuivre recouvert d'argent).
Figure 10 : le crochet C est en cuivre, l'arc AA est formé de deux parties, dont l'une est isolante. On n'observe pas de contractions.
Figure 11 : "Si l'on tient une grenouille suspendue par une patte de telle sorte que le crochet fixé dans sa moelle épinière touche un plateau en argent, l'autre patte s'agitant librement au-dessus de ce même plateau, aussitôt que cette patte touche le plateau, les muscles se contractent, ce qui fait que la patte se dresse et se soulève, puis se relâchant d'elle-même et retombant vers le plateau, vient à nouveau en contact avec lui. Elle est à nouveau, pour la même raison, renvoyée en l'air, et ainsi alternativement, elle continue à s'élever et à s'abaisser, de telle sorte que cette patte semble, au grand étonnement et au plaisir de l'observateur, imiter le pendule électrique."
Figure 12 : "Les contractions sont obtenues de façon plus évidente et plus rapide" lorsqu'on emploie deux arcs métalliques, dont l'un est en cuivre et l'autre en argent.
Figure 13 : Ce dispositif permet d'éliminer le soupçon d'une stimulation mécanique au moment de la mise en contact d'un métal avec le nerf ou le muscle. La grenouille est posée sur un carreau de verre dont les deux faces sont revêtues d'une feuille métallique. En H les nerfs et la moelle sont recourbés de sorte qu'il y ait contact avec la feuille inférieure, tandis que les muscles reposent sur la feuille supérieure. C'est au moment où les deux feuilles sont reliées par le conducteur constitué des deux tiges métalliques et du corps de l'opérateur que les contractions se produisent, donc sans que l'animal ait été touché.
Figure 14 : Le tube en verre K est rempli de différents liquides. Lorsqu'il s'agit d'oléagineux (isolants) les contractions n'ont pas lieu.

Galvani, Commentaire..., 1791, planche IV

Figure 17 : Des contractions sont observées même lorsque l'arc conducteur est d'une longueur importante (ici, il inclut les deux personnages).
Figure 18 : La grenouille est placée sur un plateau en verre armé de deux feuilles métalliques différentes, F en argent et G en cuivre.
Figure 19 : En BB deux récipients en verre remplis d'eau font partie de l'arc conducteur.
Figures 20 et 21 : La contraction musculaire peut être obtenue avec des animaux à sang chaud.
Fig. 21 : il s'agit de la patte d'un poulet, en B le nerf crural et en D les muscles de la cuisse.

Il est important de noter - cela jouera un rôle important dans la controverse qui va suivre - que dans un premier récit de l'observation faite sur la terrasse en l'absence d'orage, les crochets plantés dans la moelle sont en fer, tout comme les barreaux du balcon. Dans son laboratoire, Galvani observe également des contractions avec un arc constitué d'un seul métal, mais beaucoup plus faibles qu'avec deux métaux différents. En revanche, s'il remplace un des métaux par un isolant, rien ne se passe, ce qui établit à ses yeux la nature électrique du phénomène. Mais puisqu'il ne s'agit plus de l'électricité "artificielle" d'une machine, ni de l'électricité atmosphérique, quelle est l'origine de cette électricité ?

"Ces résultats provoquèrent en moi un grand étonnement et commencèrent à me faire soupçonner [l'existence d'] une électricité inhérente à l'animal lui-même. [Et, après une longue série d'expériences ...] il me sembla qu'on pouvait conclure, sans aucune hésitation, que cette électricité [...] se trouvait dans l'animal préparé [...]"

Galvani formule ici l'hypothèse d'une "électricité animale" qui émanerait du cerveau et se déchargerait lorsque nerf et muscle sont reliés par les métaux. Les expériences antérieures, sur les effets de l'étincelle de la machine ou de l'éclair, montrent que cette électricité animale "est excitée par l'électricité commune".

Certains récits font le portrait d'un Galvani qui aurait cherché depuis le début de ses travaux la confirmation d'une hypothèse a priori, sur l'électricité animale. Aussi n'est-il pas inutile de mentionner une note de 1781, où en accord avec celui qu'il nomme "l'immortel Haller", il écrivait : "le fluide habitant les nerfs n'est pas électrique [...et] les esprits animaux ne sont pas le fluide électrique". Cependant son point de vue n'est pas figé puisqu'il lui arrivait, dans certains cours publics, de présenter comme probable l'identité du fluide nerveux et du fluide électrique. A la suite de ses expériences sur l'action à distance des étincelles et éclairs, il considère la grenouille comme un simple détecteur d'électricité. Elle constitue "l'électromètre le plus sensible jamais découvert" mais elle n'est pas source d'électricité. C'est la série d'expériences avec l'arc métallique qui l'amène à adopter en 1791 l'hypothèse de l'existence d'une électricité propre à l'animal.

"Conjectures et conclusions"

Tel est le titre de la dernière partie du Commentaire où Galvani expose ses conclusions, longuement argumentées. Un demi-siècle plus tard, celles-ci sont considérées comme fondatrices par le célèbre physiologiste allemand Emil Dubois-Reymond (1818-1896) qui les reprend ainsi : 
1. Les animaux ont une électricité qui leur est spécifique, dite électricité animale.
2. Elle émane du cerveau et elle est distribuée par les nerfs.
3. C'est la substance interne du nerf qui conduit l'électricité, tandis que la couche grasse externe constitue un isolant qui empêche sa dispersion.
4. L'électricité est reçue par les muscles, qui peuvent être assimilés à un grand nombre de bouteilles de Leyde : la surface externe de chaque fibre musculaire est assimilée à l'armature négative de la bouteille, et la surface interne à l'armature positive. L'arc conducteur est le moyen "le plus efficace pour provoquer la décharge" de cette bouteille de Leyde.
5. Le mouvement musculaire résulte de la décharge de la "bouteille de Leyde musculaire" via le nerf.

Mais Galvani, au-delà de ce qui lui semble "suffisamment établi", souligne les points obscurs de son interprétation, émet des hypothèses et propose des perspectives thérapeutiques : 
- Quels sont les points communs et les différences entre l'électricité animale et l'électricité ordinaire ? L'électricité de la torpille est-elle différente de celle des autres animaux, ou est-elle seulement plus puissante ? [La forte commotion provoquée par ce poisson étonnant, connue depuis l'Antiquité, était supposée soulager certaines douleurs et sa nature électrique avait été établie dans les années 1770 par l'Anglais Walsh.]
- Que se passe-t-il à l'intérieur d'une fibre musculaire lorsqu'elle se contracte ? Cela "est très difficile à savoir et très obscur". Comment agit l'électricité animale lors d'une action mécanique sur le nerf, ou lors de l'action à distance d'une étincelle ? Comment agit-elle lors de mouvements volontaires, commandés par le cerveau ? [Toutes ces questions restent ouvertes].
- Certaines maladies, comme les apoplexies ou les épilepsies ne trouveraient-elles pas leurs causes dans des dérèglements électriques ? Les altérations de l'électricité atmosphérique n'auraient-elles pas une influence sur notre santé ? Quelles sont les vertus respectives de l'électricité positive et de l'électricité négative ? La compréhension de l'électricité animale devrait permettre "l'invention de nouvelles méthodes d'administration de l'électricité, plus efficaces que celles découvertes jusqu'ici".

Mais "cessons ces hypothèses", conclut Galvani , "ce sont avant tout les découvertes relatives aux effets de l'électricité [...] sur le mouvement musculaire [...] que je souhaitais faire connaître aux savants".

Pour en savoir plus

GALVANI, Luigi. Commentary on the effect of electricity on muscular motion, trad. Robert Montraville Green, Cambridge, Mass. : E. Licht, 1953. [Lire sur Internet Archive]

Voir la page Electricité animale ou électricité métallique ? La controverse Galvani-Volta et l'invention de la pile

COHEN, I. B., Introduction to GALVANI, Luigi. Commentary on the effects of electricity on muscular motion, Norwalk: Burndy Library, 1953.

PERA, Marcello. The Ambiguous Frog : The Galvani-Volta Controversy on Animal Electricity, Princeton: Princeton University Press, 1996


Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité.



Mise en ligne : mars 2007 (dernière révision : septembre 2011)

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