@. Ampère et l'histoire de l'électricité |
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Parcours historique > Des grenouilles de Galvani à la pile de Volta | |||||||||
Eloge historique de la grenouillePar Christine Blondel et Bertrand Wolff "L'éloge historique" constitue un genre dans lequel ont excellé plusieurs secrétaires de l'Académie des
sciences tels Fontenelle au XVIIe siècle, Condorcet au XVIIIe ou Arago au XIXe.
Les éloges de Fresnel, Volta ou Ampère par Arago sont ainsi restés célèbres. La grenouille a bon cœur...Sans elle, William Harvey aurait-il découvert la circulation du sang ? Chez les animaux à sang froid comme le crapaud ou la grenouille, les mouvements du cœur sont plus lents et plus faciles à analyser que chez les mammifères. Et c'est sur ces animaux qu'Harvey fait ses premières observations. Dans son ouvrage De motu cordis (Des mouvements du cœur, 1628), il affirme que le sang est expulsé par le cœur vers les artères, et y retourne par les veines. "C'est ainsi que j'ai commencé à me demander s'il n'y avait pas un mouvement circulaire du sang". Mais Harvey meurt sans avoir trouvé ce que devient le sang entre les artères et les veines. le poumon dévoué à la science...C'est encore grâce à la grenouille que l'énigme de la circulation complète du sang est résolue. Observant au microscope les poumons d'une grenouille, Marcello Malpighi remarque des vaisseaux très fins, les capillaires, qui relient les petites artères aux petites veines. Il écrit en 1661 : "Les choses apparaissent beaucoup plus clairement chez les grenouilles [...]. L'observation microscopique révèle des choses encore plus prodigieuses [...]. Je pus voir clairement que le sang se divisait et circulait dans des vaisseaux tortueux..." C'est donc lors de sa traversée des poumons que le sang des veines repasse dans les artères. Mais pour ce résultat, avoue Malpighi - à moins qu'il ne s'en glorifie - : "J'ai presque entièrement sacrifié la race des grenouilles, chose qui ne s'était jamais produite, même au cours de la furieuse bataille entre les rats et les grenouilles décrite par Homère". ... et des pratiques sexuelles soumises au voyeurisme des savantsLes théories de la "génération" - c'est-à-dire de la reproduction - suscitent au XVIIIe siècle des querelles passionnées. Une de ces querelles porte sur la fécondation : quel est le rôle de la semence mâle ? La grenouille, animal très commun et se reproduisant rapidement, a en outre le bon goût de pratiquer là encore la transparence... Elle se reproduit en effet par fécondation externe, les œufs pondus par la femelle étant aussitôt recouverts par la semence du mâle.
Jan Swammerdam, Biblia naturae, Leyde, 1737-1738 [le manuscrit date de 1679] Au XVIIe siècle déjà, Jan Swammerdam s'était intéressé à la reproduction de la grenouille. A
l'aide d'une En 1768 Lazzaro Spallanzani met à une grenouille mâle une petite culotte de cuir souple, non sans difficulté, car l'animal cherche à s'en débarrasser ! "Ce qui assure le tout, c'est que j'ai donné des bretelles à ces culottes. Je les fais passer sur les bras de la grenouille mâle, sous la tête, entre son corps, et celui de la femelle." Les femelles accouplées à ces mâles en "caleçon" libèrent des œufs, mais ceux-ci pourrissent et ne se transforment pas
en têtards. A l'intérieur des caleçons, Spallanzani trouve en revanche des gouttes d'une liqueur transparente. Il
prélève alors dans les ovaires d'une grenouille des œufs vierges, dont il sait désormais par expérience qu'ils ne peuvent
se développer spontanément. Il les humecte de la semence qu'il a recueillie et constate quelques jours après que ces œufs
se développent tout aussi bien que s'ils avaient été naturellement fécondés par le mâle. Elle a du nerf, et de la cuisse !Au milieu du XVIIe siècle, le naturaliste hollandais Jan Swammerdam avait exploré un autre domaine de la vie : la transmission de l'influx nerveux. Une grenouille peut continuer à nager même si on lui a extrait le cœur, alors que sans cerveau elle s'immobilise. La circulation du sang n'est donc pas indispensable au mouvement (en tout cas pour la grenouille). En 1658 il démontre, devant le duc de Toscane, la contraction du muscle d'une cuisse de grenouille, séparé de la grenouille avec son nerf, sous l'action d'une simple compression du nerf. Alors qu'il n'y a plus aucun lien entre ce nerf et la moelle épinière, la contraction peut être répétée à volonté. Swammerdam conclut de ses expériences, à l'encontre de l'hypothèse la plus répandue au XVIIe siècle, que la contraction musculaire ne peut s'expliquer par l'action d'un fluide qui s'écoulerait, à l'intérieur du nerf, depuis la moelle épinière et jusqu'au muscle.
Les détails des expériences et conclusions de Swammerdam sont peu diffusés car, renonçant aux sciences pour se consacrer à la spiritualité, il brûle une partie de ses manuscrits. Ce qui reste ne sera publié qu'un demi-siècle plus tard, mais ses démonstrations publiques et sa correspondance ont fait connaître ses travaux auprès des savants européens. L'extrême sensibilité de la grenouille, et la facilité avec laquelle on peut isoler ses nerfs, en ont fait un sujet de choix dans l'étude de la commande nerveuse. Dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, on excite les nerfs de la cuisse de grenouille par pression, par "irritation", par action chimique de l'opium ou du curare, ou encore par l'application directe de l'électricité. Elle est "le plus délicat électromètre jusqu'ici découvert" (Galvani, 1786)Le nouveau stimulant découvert par Galvani - une étincelle à distance - provoque un étonnement général et une nouvelle vague de recherches. On ne refera pas ici le récit de l'aventure qui mène des grenouilles de Galvani à la pile de Volta. [Voir la page Galvani et l'électricité animale et Electricité animale ou électricité métallique ? ...] On se contentera de noter que Volta rejoint Galvani dans l'éloge du précieux batracien : "J'ai choisi la grenouille de préférence à tout autre animal, à cause qu'elle est douée d'une vitalité très durable, et qu'il est fort aisé de la préparer" (Lettre à Cavallo, 1793)
Les "galvanistes" partisans de l'électricité animale et les "voltaïstes" partisans de l'électricité métallique enrôlent l'animal dans leur controverse. Le grand voyageur et naturaliste Alexander von Humboldt transporte dans ses bagages, "même à cheval", pinces, scalpel, et plaques métalliques afin de défendre la thèse de l'électricité animale sur les grenouilles locales, toujours accessibles dans les mares voisines. Aujourd'hui la manipulation d'animaux n'étant plus autorisée dans le cadre scolaire, la démonstration publique doit être remplacée par un autre média. [Voir la vidéo Des expériences de Galvani à la pile de Volta ] Pionnière de la TSF, elle capte les ondes électromagnétiques !
De son bocal, elle prédit le tempsLa sagesse populaire en matière de prévision du temps s'exprime en une multitude de dictons faisant appel à la grenouille :
Dans les années 1970 sur Europe 1, le célèbre météorologue à la voix éraillée Albert Simon, attribuait la qualité de ses prévisions à sa grenouille qui, dans son bocal, montait ou descendait son échelle suivant les variations du baromètre. Un "fragment privilégié du monde vivant"Revenons aux sciences de la vie. L'étude de la parthénogenèse, c'est-à-dire la reproduction sans mâle, en particulier par le biologiste et vulgarisateur Jean Rostand, s'est encore faite sur la grenouille. En infligeant à un œuf non fécondé un traumatisme approprié, on peut en effet obtenir la division cellulaire de cet oeuf. Des milliers de crapauds, de grenouilles et de têtards furent l'objet de ces expériences : "On peut étudier chez la grenouille tous les problèmes. Les gens croient que la grenouille est un petit sujet mais ce n'est pas un petit sujet. Il y a toute la biologie dans la grenouille. On peut étudier les cellules, les spermatozoïdes, les ovules, la parthénogenèse, etc. Enfin, même la mutation et l'hérédité. On peut tout étudier sur la grenouille" qui constitue "un fragment privilégié du monde vivant". Une nouvelle forme de reproduction sans mâle, le clônage, fut réalisée pour la première fois en 1962 sur une grenouille, avant la brebis Dolly, par introduction du noyau d'une cellule intestinale dans un ovule dont le noyau avait été extrait. On laissera la conclusion à Georges Canghilem, philosophe et historien des sciences de la vie : "La grenouille a été si l'on ose dire, bonne fille pour les physiologistes ; ils l'ont beaucoup utilisée et elle les a bien servis" Nous ajouterons que si elle trouve place ici, c'est qu'elle fut également bonne fille pour les "électriciens". Mise en ligne : mai 2007
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Directeur de publication :
Christine Blondel. Responsable des développements informatiques : Stéphane Pouyllau ; hébergement Huma-Num-CNRS |