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Parcours historique > De Faraday à l'Exposition de 1900

Michael Faraday (1791-1867) : un savant exemplaire ?

Par Christine Blondel et Bertrand Wolff

Les biographies de savants ont longtemps ressemblé à des hagiographies, c'est-à-dire à des vies de saints. Le savant éprouve une passion sans limite pour le savoir en lui-même. Il a le courage d'aller contre les idées dominantes et les théories officielles. Il fait preuve de rigueur, de persévérance, d'imagination ainsi que de valeurs morales telles que la modestie, le désintéressement, l'honnêteté et le dévouement au bien-être de l'humanité. A la différence de l'artiste, il peut bénéficier d'une vie familiale harmonieuse, mais il doit rester indifférent aux honneurs.

Il se trouve que la biographie de Faraday est sans doute une de celles qui répondent le mieux à ce modèle idéal ! Sans compter les nombreuses célébrations en Grande-Bretagne, la figure de Faraday fut notamment mise en avant en France par Jean Perrin lors de son combat pour le financement de la recherche fondamentale et la création du Palais de la découverte en 1937 : c'est la science qui a permis la remarquable ascension sociale de ce modeste apprenti-relieur à l'origine de découvertes fondamentales pour la science moderne.

Les historiens ont bien montré que les biographies de savants ont souvent servi d'autres finalités que la seule connaissance de la vie et des accomplissements d'un individu particulier. Une biographie de savant peut avoir une vocation éducative : un grand nombre furent publiées lors de la création de l'école obligatoire à la fin du XIXe siècle. Elle peut soutenir la reconnaissance et l'identité d'une discipline scientifique à travers ses "pères fondateurs", la défense d'un type d'activité scientifique comme la recherche fondamentale ou d'une catégorie professionnelle comme les ingénieurs, la valorisation de la science d'un pays ("la science française"), ou encore la possibilité de concilier la science et d'autres domaines comme la religion. A travers Faraday, c'est en premier lieu une certaine approche de la physique, exploratoire, expérimentale et qualitative, ainsi que l'alliance entre la physique et la chimie qui sont mises en avant.

Un modeste apprenti-relieur (1791-1812)

Michael Faraday naît le 22 sept 1791, d'une famille pauvre dans un faubourg de Londres. Son père, forgeron, meurt alors qu'il a dix-huit ans. La famille appartient à une petite secte dissidente du protestantisme, les sandémaniens, dont Faraday deviendra lui-même un membre actif. Les sandémaniens veulent faire revivre l'esprit de l'Eglise primitive : amour et sens de la communauté. Ils n'acceptent aucun intermédiaire entre eux et la parole divine transmise par la Bible. Ils se défient des interprétations des exégètes, des hiérarchies religieuses et humaines. Faraday a lui-même exprimé des vues hérétiques au regard de la science de son temps. Il exprime une conscience aiguë de la faillibilité humaine, y compris la sienne, et sa conviction que l'unité de l'univers découle de l'unité et de la bienveillance du Créateur.

Michael ne reçoit qu'une éducation élémentaire, n'allant guère au-delà des rudiments de la lecture, de l'écriture et du calcul. A treize ans, pour contribuer aux ressources familiales, il entre comme apprenti chez un émigré français, Riebau, libraire, papetier et relieur.


La boutique de Riebau, libraire, papetier et relieur, où Faraday fut apprenti.

Il a ainsi l'occasion de relier - et donc la possibilité de lire - de nombreux ouvrages. Sa formation d'autodidacte est marquée notamment par l'étude du traité du théologien et logicien Isaac Watts, The improvement of the mind, long recueil de conseils méthodologiques pour le perfectionnement personnel par la lecture, l'observation et la conversation. Il lit aussi des ouvrages scientifiques de référence tels ceux de Lyons sur l'électricité ou de Boyle sur la chimie :

"Pendant mon apprentissage, j'aimais lire les livres scientifiques qui passaient entre mes mains ; et, entre autres, j'ai pris plaisir à lire les Conversations sur la Chimie de Mme Marcet et les articles sur l'électricité de l' Encyclopedia Britannica. J'ai fait cette sorte d'expériences simples de chimie dont les frais ne dépassent pas quelques pence par semaine et j'ai aussi construit une machine électrique [...] ainsi que d'autres appareils électriques du même genre."

L'apprenti n'est pas ordinaire, le patron non plus : Riebau encourage les lectures de Faraday et le laisse réaliser ses expériences de chimie dans l'arrière-boutique. En 1810 Faraday commence à suivre, le soir, des conférences publiques sur la science et ses applications. Il y voit fonctionner les appareils récemment inventés comme la pile de Volta. Il rédige soigneusement les notes qu'il prend au cours de ces conférences, puis les relie dans l'atelier de son patron. Lors de ces conférences il rencontre d'autres jeunes gens passionnés de science, avec qui il noue des amitiés qui dureront toute sa vie. Cette absence d'enseignement formel a entraîné son ignorance des mathématiques mais la multiplicité de ses lectures a sans doute contribué à son ouverture d'esprit face aux théories consacrées.

De la reliure à la Royal Institution

La maison Riebau est fréquentée par un public cultivé, amateur d'art, de littérature ou de science :

"... j'ai eu la bonne fortune, grâce à la gentillesse de M. Dance, qui était un habitué de la boutique de mon maître et aussi un membre de la Royal Institution, d'entendre quatre des dernières conférences de Sir Humphry Davy [en 1812]. Je les ai prises en note, puis j'ai recopié les conférences sous une forme plus complète, en y introduisant les dessins que je pouvais. Le désir de prendre part à une activité scientifique, fusse-t-elle la plus humble, me conduisit [à écrire] à Sir Joseph Banks, alors président de la Royal Society."

Mais la lettre du jeune Faraday au président de la Royal Society reste sans réponse. Toujours encouragé par Dance, il écrit alors à Davy lui-même :

"Mon désir d'échapper au monde du commerce, qui me paraissait vicieux et égoïste, et d'entrer au service de la Science, dont je m'imaginais qu'elle rendait ceux qui la cultivent aimables et généreux, me conduisit finalement à entreprendre la démarche simple et audacieuse d'écrire à Sir H. Davy [...] ; je lui adressais en même temps les notes que j'avais prises de ses conférences."

Chimiste réputé, Humphry Davy vient d'être anobli pour ses dernières découvertes : il a notamment isolé deux nouveaux éléments chimiques, le sodium et le potassium, en décomposant la soude et la potasse à l'aide de puissantes piles voltaïques.

Cette démarche qualifiée par Faraday d'audacieuse - écrire à un grand homme - n'était pas chose si exceptionnelle. Le "patronage" jouait en effet un grand rôle dans la société britannique du début du XIXe siècle. De fait, Davy reçoit le jeune relieur et lui propose au début de 1813 un poste d'assistant de laboratoire à la Royal Institution.

Recueil des conférences de Davy, calligraphié et relié par Faraday.  [Avec l'aimable autorisation de la Royal Institution of Great Britain]


"En même temps qu'il [Davy] satisfaisait ainsi mon désir d'un emploi scientifique, il me conseillait encore de ne pas abandonner les perspectives qui s'offraient à moi, me disant que la Science était une rude maîtresse, et que d'un point de vue pécuniaire elle ne récompensait que pauvrement ceux qui se consacraient à son service. L'idée que j'avais conçue de la supériorité morale des savants le fit sourire, et il ajouta qu'il laisserait à l'expérience de quelques années le soin de m'éclairer à cet égard." [23 décembre 1829]

Les tâches du jeune Faraday consistent à "assister les conférenciers et professeurs dans la préparation des conférences et pendant celles-ci", et à s'occuper des instruments scientifiques. Le salaire est très modeste, mais Faraday peut s'installer dans deux pièces à la Royal Institution. Durant les conférences, il observe attentivement l'orateur, ses qualités et ses défauts. Il assiste Davy dans ses expériences de chimie, ce qui n'est pas de tout repos : lors d'une explosion - elles ne sont pas rares - tous deux se trouvent blessés.

Le laboratoire de chimie à la Royal Institution (1819)

Davy et Faraday sur le continent (1813-1815)

En 1813, Davy se prépare pour un voyage de dix-huit mois sur le continent. La France et l'Angleterre sont en guerre, mais Napoléon accorde à Davy l'autorisation de voyager en France et en Italie. Davy propose à Faraday de l'accompagner comme secrétaire et assistant. Mais ce dernier doit en outre remplacer de manière imprévue le valet de Sir Davy, fonction qu'il doit accepter à contrecœur et dans laquelle la femme de Davy, devenue une Lady, tente de le maintenir.

Au cours de ce voyage à travers l'Europe aux côtés d'un des plus grands chimistes de l'époque, Faraday perçoit les différences de style entre les savants de différents pays. Ainsi juge-t-il que les chimistes français "raisonnent théoriquement, sans démonstration expérimentale, ce qui produit des erreurs". Par ailleurs il se trouve placé au cœur des questions de chimie les plus vives. Les controverses vont bon train en France sur le caractère composé ou élémentaire, c'est-à-dire impossible à décomposer, du chlore ou du fluor. Une substance inconnue s'introduit dans le débat. Produisant des vapeurs violettes lorsqu'on la chauffe, elle a été extraite en 1811 d'une algue marine par le salpétrier Courtois, puis étudiée par les chimistes Clément et Desormes. Peu de temps avant l'arrivée de Davy en France, Ampère lui signale dans une lettre l'existence de cette "substance nouvelle", précisant qu'à son avis il s'agit d'une substance élémentaire, du même type, d'après lui, que le chlore et le fluor. Un mois après son arrivée à Paris, Ampère remet un échantillon de cette substance mystérieuse à Davy qui l'étudie aussitôt à l'aide de son laboratoire de voyage. Ce dernier publie peu après, en concurrence avec Gay-Lussac, ses conclusions sur la nature élémentaire de ce corps qu'il baptise l'iode (violet en grec).

Vapeurs d'iode, le nouvel élément identifié par Davy en 1813

A Genève, plaque tournante culturelle entre la France, l'Italie et l'Allemagne, Faraday noue de nombreuses amitiés, notamment avec le physicien genevois Gaspard De la Rive, avec qui il entretiendra par la suite une correspondance suivie, ainsi qu'avec son fils Auguste.

A Florence, Davy profite de la grande lentille du duc de Toscane pour brûler un diamant en y concentrant l'action de la lumière solaire. Il montre ainsi que le diamant est une variété de carbone, comme le graphite ou le noir de fumée.

A Paris enfin, où ils séjournent longuement, Davy et Faraday rencontrent les grands noms de la littérature et de la science française, Laplace, Ampère, Arago, Chevreul, Gay-Lussac, Dumas, Biot, Mme de Staël et bien d'autres... Le jeune assistant participe aux discussions et aux expériences, il se fait reconnaître et apprécier.

Une vie à la Royal Institution

La façade de la Royal Institution en 1837

"Je revins avec [Davy] en avril 1815 et repris mon poste à la Royal Institution, et j'y suis resté depuis."

La Royal Institution de Londres est une société savante privée, fondée en 1799 dans le but de promouvoir l'enseignement et la vulgarisation des sciences et de leurs applications, en particulier par des séries de conférences. En contrepartie de ces conférences, les professeurs de la Royal Institution bénéficient de la possibilité de mener des recherches personnelles dans les laboratoires de l'Institution.

Davy ne traite plus Faraday en simple assistant. Ainsi il l'associe à la conception d'une lampe de sûreté pour les mineurs de charbon, il lui confie des analyses et l'encourage à entreprendre des recherches personnelles. A partir de 1818, Faraday entreprend un important travail visant à améliorer la qualité des aciers, en vue de les rendre inoxydables et plus faciles à aiguiser. Il se fait reconnaître en synthétisant les deux premiers composés connus de chlore et de carbone (C2Cl6 et C2Cl4).

En novembre 1820, Davy se fait élire à la présidence de la Royal Society, l'équivalent anglais de l'Académie des sciences de Paris, avec cette différence que la Royal Society compte parmi ses membres une proportion importante d'amateurs plus ou moins éclairés appartenant à l'aristocratie et à la haute société. Son effectif dépasse six cents membres, contre une soixantaine à l'Académie des sciences. Davy va désormais s'occuper davantage de l'administration de la science que de nouvelles recherches.

1821 est pour Faraday une année heureuse. En mai, il devient surintendant du laboratoire de la Royal Institution. En juin il épouse Sarah Barnard, issue comme lui d'une famille de l'Eglise sandémanienne. De cette union, Michael dira plus tard qu'elle a été la plus grande source de bonheur dans sa vie. En septembre, il fait sa première grande découverte en électricité, celle des "rotations électromagnétiques continues" [Voir la page Faraday, Ampère, et le mystère des rotations continues]. Le jour de Noël, il appelle sa femme pour lui montrer une expérience spectaculaire : le mouvement de rotation continu d'un fil conducteur parcouru par un courant, sous la seule action du magnétisme terrestre.

En 1823, lorsque la candidature de Faraday est présentée à la Royal Society, elle rencontre l'opposition de Davy, son nouveau président, ce pour des raisons autant institutionnelles que personnelles. Cependant l'autorité scientifique de Faraday, après de nouvelles découvertes comme la liquéfaction du chlore en 1823, étant devenue indiscutable, il est élu quasiment à l'unanimité. Comme l'écrit plus tard Faraday, c'est la fin de sa relation privilégiée avec Davy même si ce dernier le propose, en 1825, comme directeur du Laboratoire de la Royal Institution.

La Royal Institution est alors dans une situation financière critique. Encore en 1832 Faraday n'y bénéficie que d'un très modeste salaire et de l'usage de deux pièces, avec le charbon et les chandelles. Il complète ses revenus en effectuant à titre privé des analyses chimiques ou des expertises scientifiques. S'il avait continué dans cette voie de l'expertise, ses revenus auraient été très largement supérieurs. Mais au cours des années 1830, il renonce à ces activités privées pour se consacrer entièrement à ses recherches et au développement de la Royal Institution. Il reste toutefois conférencier à l'Académie militaire Royale de Woolwich et accepte, à partir de 1836, une tâche de conseiller scientifique auprès du service des phares et balises.

Le cabinet de travail de Faraday

Critiquant l'ouverture de la Royal Society à des non-scientifiques, Faraday ne participe plus à ses réunions à partir de 1835 et se contente d'y communiquer ses mémoires. En 1857, il en refuse la présidence. Insistant sur son refus d'être anobli, la légende lui fait dire que le titre de baronnet ne devant rien lui apprendre, ne pouvait lui servir à rien.

Jusqu'en 1858, date à laquelle la reine Victoria met à sa disposition une maison appartenant à la couronne, la vie de Faraday se déroule tout entière au sein de la Royal Institution. Pour passer de son appartement au laboratoire, ou du laboratoire à l'amphithéâtre des conférences publiques, il lui suffit de changer d'étage.

Une vulgarisation scientifique qui fait date

Outre ses activités de recherche, Faraday se consacre à la diffusion et à la vulgarisation des sciences et des techniques. Il crée des "conférences du vendredi soir", puis des "conférences de Noël" destinées aux jeunes gens, conférences qui se tiennent encore aujourd'hui à la Royal Institution. Jusqu'aux années 1860, il en assure lui-même le plus grand nombre, qu'il prépare avec soin, notamment en ce qui concerne les démonstrations expérimentales. Il rédige de longues pages de conseils sur l'art du conférencier. Lui-même a pris des leçons particulières d'élocution et son talent oratoire lui vaut de faire régulièrement salle comble, malgré le prix assez élevé des billets d'entrée. Ces conférences répondent à une demande de culture scientifique des classes aisées de l'Angleterre victorienne et contribuent à l'intérêt croissant des gouvernants pour la science. Elles contribuent également à renflouer les caisses de la Royal Institution.



Faraday donnant une de ses conférences de Noël

Dans ses conférences de Noël, Faraday traite de sujets qui lui tiennent à cœur. Ainsi en 1859, il évoque les relations mutuelles entre les diverses forces existant dans la nature. Sa dernière conférence, en 1860, L'histoire d'une chandelle, est la plus célèbre. Elle a été traduite en de nombreuses langues :

"J'ai l'intention [...] de vous raconter l'histoire chimique d'une chandelle [...]. Toutes les lois qui régissent notre univers se manifestent dans les phénomènes qu'une simple chandelle nous fournira l'occasion de passer en revue [...]. Bien que le sujet soit vaste et que je désire le traiter à fond, sérieusement et philosophiquement [...], cela ne m'empêchera pas d'employer un langage familier, afin de rester à la portée des écoliers et écolières dont je m'imagine, pour l'occasion, être le camarade."

A quelques modifications de nomenclature chimique près, cette "histoire" reste aujourd'hui un merveilleux moyen d'initiation à la chimie, à partir de quelques expériences simples et ingénieuses.


La 6ème édition française de L'histoire d'une chandelle de Faraday (vers 1867)

Une méthode de travail : le "journal de laboratoire"

Pendant une bonne quarantaine d'années Faraday tient, dans une série de carnets, le journal (diary) de ses activités. Publié en 1936, et réédité en 2008, ce Diary remplit sept gros volumes. A partir de 1832, les paragraphes du journal sont numérotés par ordre chronologique jusqu'à atteindre, en 1860, 16 041 paragraphes. Faraday travaillant souvent simultanément dans des domaines très divers, les sujets y sont donc mêlés. Des renvois à d'autres paragraphes par leur numéro se révèlent très utiles, d'autant que Faraday souffrait de troubles de mémoire. Mais la tenue de ce journal obéissait avant tout à une conviction dans l'efficacité de cette méthode, préconisée dans l'ouvrage de Watts, Improvement of Mind, qu'il avait étudié dans sa jeunesse :

"Je dois déjà beaucoup à ces notes, et je pense que cela vaut la peine, pour chaque homme de science, de tenir ce genre de recueil."

Dans ce journal de laboratoire les idées, interprétations et projets, voisinent avec les descriptions d'expériences. Faraday note les échecs aussi bien que les réussites. La mention "aucun résultat", assez fréquente, ne signifie pas qu'il faille abandonner une piste : une meilleure approche peut toujours se dessiner dans le futur. On voit ici une différence frappante entre les méthodes de travail de Faraday et d'Ampère, ce dernier multipliant les feuilles volantes, remaniant ses textes sans les dater, affirmant le résultat de certaines expériences avant de les avoir réalisées, etc.

Quelques paragraphes du Diary, au moment de la découverte de l'induction (1831)    [Aimable autorisation et copyright : The Royal Institution of Great Britain & HR Direct]

De plus Faraday tient une correspondance scientifique très abondante, où l'on retrouve également les interrogations, les projets, les récits d'expériences. Le journal et la correspondance de Faraday constituent une source exceptionnelle pour l'historien des sciences. On y trouve, de jour en jour et parfois même d'heure en heure, outre le récit minutieux des expériences, un aperçu du travail intime de la réflexion du savant. Autant que la résolution de problèmes, la recherche des problèmes "à poser" tient une place majeure. On voit s'y dessiner une conception exploratoire de la physique expérimentale. On est loin d'une démarche où l'expérience n'interviendrait que pour vérifier ou infirmer une théorie, mais très loin également d'une démarche par essais et erreurs. Le foisonnement des expériences successives n'est pas synonyme d'essais au hasard. Il s'agit de relier les faits les uns aux autres et de poursuivre l'exploration de voies latérales. Et lorsqu'une expérience réussit, il reste à en rechercher toutes les variantes possibles, à tenter d'en amplifier les résultats, de façon à passer d'un phénomène "suggéré" à des procédures fiables, démonstratives, qui rendent ce phénomène évident pour le public auquel il s'adresse.

Faraday chimiste

Par son statut, Faraday est professeur de chimie et de 1816 à 1830 la chimie est son principal champ d'action. L'intermède électrique de 1821, avec les rotations continues, puis les tentatives répétées de "convertir le magnétisme en électricité" ne l'en détournent que peu de temps. Il travaille plusieurs années à la liquéfaction des gaz. Un procédé simple et ingénieux lui permet de liquéfier le chlore et plusieurs autres gaz en 1823. Le gaz est produit par une réaction chimique entre réactifs condensés, dans un tube de verre épais hermétiquement scellé et refroidi. Le gaz produit par la réaction se liquéfie sous sa propre pression... lorsqu'il ne se produit pas une explosion : "[en huit jours] j'ai été interrompu deux fois en cours d'expérience par des explosions - l'une m'a brûlé les yeux, l'autre les a blessés [...]". Tous les gaz sont-ils susceptibles d'être liquéfiés ? Après de multiples essais, Faraday écrit en 1844 à Jean-Baptiste Dumas qu'il y a peu d'espoir d'arriver à liquéfier l'hydrogène, l'oxygène ou l'azote et il dénomme "gaz permanents" les gaz qui ne peuvent être liquéfiés.

Le frère de Michael travaille dans l'industrie londonienne du gaz d'éclairage, produit par le chauffage d'une huile d'origine animale. En analysant le résidu liquide de ce chauffage, Faraday y découvre un nouveau corps qui va devenir très important pour la chimie organique, le benzène.

La chimie des verres l'occupe ensuite à la demande de la Royal Society qui souhaite améliorer les performances des instruments d'optique, en particulier les télescopes. Les images fournies par une lentille de verre sont en effet systématiquement déformées et colorées. Le seul moyen de corriger ce défaut d'aberration chromatique consiste à associer deux lentilles faites avec des verres d'indices différents et donc de compositions chimiques différentes. Faraday parvient à produire un verre au plomb ayant les qualités nécessaires. Mais l'espoir d'améliorer les performances des télescopes est déçu, car on ne parvient pas à fabriquer des lentilles de dimensions suffisantes tout en conservant une bonne transparence. Ce nouveau verre servira en revanche à Faraday dans ses expériences de 1845 mettant en évidence les effets du magnétisme sur la lumière.

En 1827, il fait paraître ses Manipulations chimiques, un livre de plus de 600 pages qui demeure un classique pendant plusieurs décennies.

Plus tard, les travaux sur l'électrolyse et ses lois quantitatives (1833-34) constituent la contribution la plus célèbre de Faraday à la chimie. Mais ils s'inscrivent tout autant dans ses recherches sur l'électricité. Aussi y revenons-nous dans la page La relation entre "atomes de matière" et électricité : l'électrolyse. Lors de ces travaux, Faraday est amené à solliciter l'aide d'un éminent professeur de Cambridge, William Whewell, afin de forger les mots correspondants à ses nouveaux concepts : électrolyse, électrode, anode, cathode, ion. Son goût pour le langage et son souci constant de désignations précises se heurtent en effet au sentiment de son ignorance en philologie, faute d'études classiques.


Le vocabulaire créé par Faraday pour l'électrolyse : ion, cathode, anode, etc.

La chimie moderne trouve chez Faraday, tout particulièrement avec les lois de l'électrolyse, la base des théories atomiques sur les échanges entre matière et électricité. Mais Faraday s'est constamment défendu contre l'idée d'atome et bien qu'il soit conscient de cette traduction possible de ses lois, une formulation en termes de nombre d'ions ou d'atomes n'est pas la sienne.

"Mais je dois avouer que je n'aime pas le mot atome, car s'il est aisé de parler d'atomes, il est très difficile de former une idée claire de leur nature."

Loin de l'attachement français aux lois newtoniennes d'attraction à distance, Faraday, selon le chimiste Jean-Baptiste Dumas "ne voyait dans l'univers qu'une seule force obéissant à une seule volonté. Ce qu'on appelle matière n'était à ses yeux qu'un assemblage de centres de force."

Les recherches sur l'électricité et le magnétisme (1831-1839)

A partir de 1831, s'ouvre une période extrêmement féconde dominée par une série de grandes découvertes fondatrices de l'électricité moderne. C'est d'abord la découverte de l'induction électromagnétique, publiée dans la première série des Experimental Researches in Electricity [Voir la page Créer de l'électricité avec le magnétisme ? La découverte de l'induction].

L'induction électromagnétique ajoutait une nouvelle forme de courant électrique à l'électricité de frottement et à l'électricité de la pile. Faraday montre que ces trois formes sont identiques car elles produisent les mêmes effets : étincelles, déviation d'une aiguille aimantée et décompositions chimiques. Plus tard il montre que l'électricité animale produite par les poissons électriques produit également des effets magnétiques et électrolytiques. L'unité entre toutes les formes d'électricité est considérée comme établie.

Ceci l'amène à étudier plus systématiquement l'électrolyse et à en établir les lois quantitatives, en reliant la quantité de produit chimique dégagée au cours d'une électrolyse à la quantité d'électricité ayant circulé dans le circuit.

Revenant sur la théorie de la pile, il clôt également le débat sur l'origine chimique ou électrostatique du courant électrique. La mise en mouvement de l'électricité ne résulte pas, comme le prétendait Volta, du simple contact de deux métaux différents, mais d'une conversion électrochimique, inverse de celle qui est à l'œuvre dans une électrolyse.

Lorsqu'en 1835 il s'attaque à l'électrostatique, Faraday a une approche très différente de celle des physico-mathématiciens français Coulomb ou Poisson, fondée sur les conséquences mathématiques d'une loi d'action à distance newtonienne, en 1/d2, entre particules. L'idée d'action à distance à travers un espace vide ne le satisfait pas. Guidé par la conviction que "la matière ne peut agir là où elle n'est pas", il réexamine les phénomènes d'influence électrique en termes de lignes de forces électriques reliant les corps chargés aux corps qu'ils influencent.

Ceci l'amène à s'intéresser aux isolants, qu'il nomme diélectriques, situés entre les conducteurs chargés. L'influence d'un conducteur électrisé sur un autre conducteur s'exerce en effet non seulement à travers le vide, mais aussi à travers les isolants. Pour Faraday les particules d'un diélectrique soumis à l'action d'un conducteur chargé se polarisent. Il remplit l'espace entre deux sphères conductrices de divers diélectriques, et constate que les capacités des condensateurs ainsi constitués diffèrent, ce qui le conduit à caractériser chaque diélectrique par sa "capacité inductive spécifique", en termes modernes sa constante diélectrique.

Les sphères métalliques concentriques utilisées par Faraday pour l'étude des diélectriques (placés entre deux sphères)
[Avec l'aimable autorisation de la Royal Institution of Great Britain]

Parmi ses travaux d'électrostatique, sa "cage" est restée célèbre : il s'enferme dans une cage métallique cubique de plus de 3 mètres de côté, soumise à de fortes décharges, montrant ainsi de façon spectaculaire qu'aucune charge ne pénètre à l'intérieur de la cage, et que l'électricité reste à la surface des conducteurs. Ceci était déjà bien connu depuis les expériences de Coulomb [Voir la page L'électricité reste à la surface des conducteurs : Coulomb, Cavendish, Faraday et la vidéo Des hémisphères de Cavendish à la cage de Faraday ]. Mais Faraday ne fait pas que changer la dimension du dispositif, il montre également que les charges placées à l'intérieur d'une "cage" conductrice n'ont pas d'effet à l'extérieur.

Il s'intéresse enfin aux décharges électriques dans l'air raréfié, mettant en évidence l'existence d'une zone obscure au voisinage de l'électrode négative, nommée depuis "espace sombre de Faraday",

Du repos forcé (1839-1844) aux découvertes de 1845 : "le magnétisme agit sur toute la nature"

A plusieurs reprises, Faraday souffre de maux de tête, de vertiges et de pertes de mémoire. Une crise particulièrement sérieuse le condamne à une première période de repos forcé, entre 1839 et 1844.

En 1845, il reprend un de ses thèmes de recherche favoris : l'unité entre les forces de la nature, et plus précisément les interactions possibles entre la lumière et l'électricité :

"J'ai depuis longtemps l'opinion, presque la conviction [...] que les diverses formes sous lesquelles les forces de la matière se manifestent ont une origine commune ; ou en d'autres termes elles sont si directement reliées et dépendantes les unes des autres, qu'elles peuvent se convertir, en quelque sorte, l'une en l'autre et possèdent des équivalents de pouvoir dans leurs actions". [...] Cette puissante conviction s'étendait au pouvoir de la lumière et elle m'a conduit, par le passé, à beaucoup d'efforts ayant pour objet la découverte d'une relation directe entre la lumière et l'électricité [...]. "

Mais toutes ses tentatives pour agir sur la lumière à l'aide d'un champ électrique échouent. Un tel effet, l'effet Kerr découvert en 1875, existe effectivement mais il est très faible. En revanche, Faraday réussit à montrer l'effet du magnétisme sur la lumière. Lorsqu'un rayon de lumière polarisée traversant un type particulier de verre au plomb est soumis à l'action d'un fort électroaimant, il se produit une rotation du plan de polarisation de la lumière. Faraday en conclut : "il est ainsi prouvé que force magnétique et lumière ont des relations mutuelles". C'est l'effet Faraday.

Inversement, la lumière ne pourrait-elle pas avoir des effets électriques ou magnétiques ? Ici encore ses diverses tentatives échouent. En revanche, grâce à ses puissants électroaimants, il montre que "le magnétisme agit sur toute la nature". Jusqu'alors l'aimant ne semblait agir que sur le fer et quelques rares métaux comme le nickel et le chrome. Toujours en 1845, Faraday constate qu'un très grand nombre de matériaux - dont le bismuth, le papier, le charbon ou... la viande de bœuf - subissent au voisinage d'un aimant puissant une faible action répulsive. Taillés en forme d'aiguille, suspendus à un fil, et soumis à l'action d'un aimant, ces matériaux s'orientent perpendiculairement à la direction que prendrait une boussole placée au même endroit. Faraday, après avoir encore consulté Whewell, baptise diamagnétisme cette propriété. En 1848, il découvre que quelques matériaux non ferromagnétiques, tels que le chlorure ferrique et autres sels de fer, s'orientent cependant comme la boussole et les baptise paramagnétiques.

En 1846, il publie un court article Pensées sur les vibrations de rayonnement où il envisage que la propagation de la lumière soit le résultat d'une vibration transversale des "lignes de force qui relient entre elles les particules [...] de matière", et non des vibrations de l' "éther", ce milieu mystérieux censé remplir l'espace, invoqué par les théories de l'époque, milieu bizarrement à la fois infiniment élastique et sans masse, sans résistance au mouvement. Bien que ce ne soit, pour Faraday lui-même, que "l'ombre d'une spéculation", Maxwell cite en 1864 ces Pensées comme une anticipation de sa propre théorie électromagnétique de la lumière.

Dès la découverte de l'induction en 1831, la représentation des actions magnétiques ou électriques par des "lignes de force" reliant les particules de matière est centrale chez Faraday. En 1852, dans la vingt-neuvième et dernière série des Experimental Researches, Faraday insiste encore sur cette notion de lignes de forces et sur la puissance de leur représentation visuelle. La limaille de fer permet en effet de visualiser non seulement l'orientation des lignes de force magnétique, mais encore leur densité, c'est-à-dire les directions où le magnétisme est plus ou moins intense, et les points neutres où la force magnétique est nulle.

Pour Faraday, les lignes de force électriques ont autant de réalité que les lignes de force magnétiques.

Matérialisation par la limaille de fer des lignes de force magnétiques existant dans l'espace entre aimants.

Les décharges entre deux conducteurs électrisés matérialisent, selon Faraday, les lignes de forces électriques qui existaient entre ces conducteurs avant la décharge.

Dernières activités scientifiques

Dans les années 1850, les problèmes de santé amènent Faraday à ralentir à nouveau son activité scientifique. Il tente, sans succès, de trouver des relations entre électricité et gravitation. Enfin, dans sa dernière expérience, en 1862, il cherche une nouvelle fois une interaction entre lumière et magnétisme et tente de décomposer un rayon lumineux par l'action d'un aimant mais conclut à nouveau : "pas le mondre effet". A la fin du siècle, inspiré par cet essai de Faraday, Pieter Zeeman reprend l'expérience et découvre un très faible dédoublement des raies spectrales (c'est l'effet Zeeman).

Entre 1850 et 1865 Faraday continue par ailleurs à s'occuper de l'amélioration des phares et s'intéresse à la lutte contre la pollution à Londres. Il a aussi été consulté pendant la vogue du spiritisme et des tables tournantes dans les années 1850. Il montre l'importance des mouvements musculaires involontaires dans la rotation des tables mais il se désintéresse de cette vogue : "Je laisserai les esprits trouver par eux-mêmes comment ils peuvent attirer mon attention" !

"Je n'ai pas connu d'homme plus digne d'être aimé, d'être admiré, d'être regretté"

Les scientifiques s'entendent fort bien à construire des figures mythiques. Dès la fin du XIXe siècle, Faraday devient un des pères fondateurs de la science expérimentale. On souligne la diversité de ses découvertes, en chimie comme en physique. Ainsi le physicien anglais William Bragg en 1932 :

"Faraday est généralement considéré comme le plus grand des physiciens expérimentateurs. Presque toutes les sciences lui sont redevables ; et c'est principalement à son travail que certaines sciences doivent leur existence. La liquéfaction des gaz, le benzène, l'induction électromagnétique, le pouvoir inductif spécifique, les lignes de force, la 'conduction magnétique' ou perméabilité, la décharge sombre, l'anode, la cathode, l'effet magnéto-optique, l'équivalent électrochimique, tous ces termes évoquent ses recherches fondamentales, et c'est pour décrire ses découvertes que beaucoup d'entre eux virent le jour."

En France, dans la grande tradition des éloges académiques, le chimiste Jean-Baptiste Dumas insiste sur ses qualités d'enseignant et de vulgarisateur, ainsi que sur ses qualités morales :

"un professeur plein de feu pour la diffusion de la vérité, un artiste infatigable, plein d'entrain et de gaieté dans son laboratoire, le meilleur et le plus doux des hommes au sein de sa famille, et le prédicateur le mieux inspiré au milieu de l'humble troupeau religieux dont il suivait la foi. La simplicité de son cœur, sa candeur, son amour ardent de la vérité, sa franche sympathie pour tous les succès, son admiration naïve pour les découvertes d'autrui, sa modestie naturelle, dès qu'il s'agissait des siennes, son âme noble, indépendante et fière, tout cet ensemble donnait un charme incomparable à la physionomie de l'illustre physicien. Je n'ai pas connu d'homme plus digne d'être aimé ; d'être admiré ; d'être regretté."

Les qualités morales deviennent garantes des qualités scientifiques : exactitude, honnêteté, persévérance, etc. La modestie de caractère est associée à la modestie des moyens nécessaires à la recherche scientifique. Ainsi Hermann Von Helmholtz contribue à forger le mythe du laboratoire pauvre dans lequel le savant réussit à faire des découvertes fondamentales :

"Il est simple, doux et aussi modeste qu'un enfant. Je n'ai encore jamais rencontré un homme si aimable. De plus, il eut l'obligeance de me montrer personnellement tout ce qu'il y avait à voir. C'était peu, cependant, car quelques bouts de bois, un peu de fil et quelques morceaux de fer semblaient lui suffire pour faire les plus grandes découvertes." [1853]

Certes Faraday, comme Ampère et la plupart des physiciens de l'époque, a réalisé des expériences simples avec du matériel rudimentaire, mais le laboratoire de la Royal Institution était sans doute l'un des mieux équipés d'Europe. La pile électrique avec laquelle il fit ses expériences d'électrolyse comportait plusieurs centaines de plaques et les électroaimants avec lesquels il mit en évidence l'action du magnétisme sur la lumière étaient sans doute les plus puissants de l'époque. Faraday, figure populaire dans son pays dès les années 1830, un des hommes les plus photographiés des débuts de la photographie, est lui-même très attentif à la façon dont il est vu et perçu. Ayant souffert de contestations lors de ses premiers travaux, il se montre très pointilleux sur les questions de priorité. Par ailleurs, il reconnait qu'il ne sait pas travailler avec d'autres ou former des jeunes. Certes il loue le dévouement de son assistant qui travaille à ses côtés de 1827 à 1866, mais ce dernier fut un serviteur obéissant et non un émule comme Faraday l'avait été avec Davy. Un savant, si digne d'éloges soit-il, n'est pas un saint...

Pour en savoir plus

DUMAS, Jean-Baptiste. Eloge historique de Michael Faraday, Paris : F. Didot Frères, 1868. [Voir le PDF]
THOMPSON, Silvanus P., Michael Faraday, His Life and Work, New-York, (1898) Elibron Classics, 2004. [Voir le PDF]

JAMES, Frank A. J. L., Michael Faraday : A Very Short Introduction, Oxford, Oxford University Press, 2011.
GOODING, David ; JAMES, Frank A.L. (eds). Faraday Rediscovered : Essays on the Life and Work of Michael Faraday, 1791-1867, New York : Stockton Press, 1985.
TWENEY, Ryan D. ; GOODING, David (eds.). Michael Faraday's ‘Chemical Notes, Hints, Suggestions and Objects of Pursuit' of 1822, London: Peter Peregrinus in association with the Science Museum, 1991.


Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité.



Mise en ligne : mai 2010 (dernière révision : septembre 2011)

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