@. Ampère et l'histoire de l'électricité |
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Parcours historique > Des lois pour le courant : Ampère, Ohm et quelques autres... | |||||||
Faraday, Ampère, et le mystère des rotations continuesPar Christine Blondel et Bertrand Wolff
Au retour de sa tournée d'inspection de l'été 1821, Ampère a quelque peu oublié l'électromagnétisme. Le mémoire de Faraday relance ses recherches. "Ce mémoire contient des faits électromagnétiques très singuliers, qui confirment parfaitement ma théorie, quoique l'auteur cherche à la combattre pour lui en substituer une de son invention". De plus Ampère croit voir dans ces rotations continues, à son grand étonnement, la production permanente d'une "force vive" [en termes modernes, d'énergie cinétique] capable de vaincre les frottements, et cela sans dépense de travail. Comment expliquer une telle production apparemment "gratuite" de mouvement ? Et en quoi consiste l'opposition théorique des deux physiciens ? Ampère laisse provisoirement de côté la première question, mais reprend aussitôt les expériences de Faraday, en cherchant à les intégrer à sa théorie.
Faraday : "J'attends de nouvelles preuves"Pour expliquer les rotations continues mettant en jeu un aimant, Ampère s'appuie sur son hypothèse de l'existence de courants électriques à l'intérieur des aimants. A partir de sa formule, donnant la force s'exerçant entre deux éléments de courants, il est en effet possible, du moins théoriquement, de "soumettre les phénomènes au calcul" [Voir la page A la recherche d'une loi newtonienne pour l'électrodynamique]. La rotation d'un conducteur autour d'un pôle d'aimant, ou réciproquement, apparaît ainsi chez Ampère comme un fait composé, résultant d'une multitude d'actions élémentaires. Pour Faraday au contraire, c'est la rotation elle-même qui constitue le fait primitif, tandis que l'hypothèse de courants dans les aimants lui paraît superflue et hasardeuse. "Je suis naturellement sceptique en matière de théorie et par conséquent vous ne devez pas m'en vouloir de ne pas admettre immédiatement ce que vous avez avancé. L'ingéniosité et les applications sont surprenantes et exactes, mais je ne puis comprendre comment les courants sont produits et particulièrement s'ils sont supposés existant autour de chaque atome ou particule et j'attends de nouvelles preuves de leur existence avant de les admettre." [2 février 1822, Voir la lettre] La rotation d'un courant sous l'action d'un courant, obtenue par Ampère ne suffit pas à modifier l'opinion de Faraday. Pour ce dernier ce sont les attractions et répulsions entre courants qui doivent être considérées comme des faits composés, résultant d'une combinaison d'actions révolutives. Mais il ne poursuit pas le débat, atténuant son désaccord par l'évocation de son "insuffisance dans les connaissances mathématiques" et de ses faiblesses dans le domaine théorique. "En lisant vos publications et vos lettres, je n'ai pas de difficulté à suivre vos raisonnements ; mais, à la fin, il me semble que j'attends quelque chose de plus pour conclure. J'imagine que l'habitude que j'ai prise de compter trop strictement sur l'expérimentation a un peu émoussé ma faculté de raisonnement et m'enchaîne à terre [...].En ce qui regarde l'électro-magnétisme, me sentant incapable de raisonner comme vous le faites, je suis effrayé de recevoir tout à coup les conclusions auxquelles vous arrivez (quoique, pour leur simplicité et leur beauté, je sois bien tenté de les adopter) [...] Je diffère non parce que je les trouve précipitées ou erronées, mais parce que j'attends quelques faits pour me venir en aide. [3 septembre 1822, Voir la lettre] Le mouvement perpétuel grâce à l'électricité ?Les expériences candidates au titre d'ancêtre du moteur électrique ne manquent pas [Voir la page Ampère a-t-il inventé le galvanomètre,..., le moteur électrique ?]. Les expériences de rotations continues de Faraday ne montrent-elles pas la possibilité d'utiliser la force électromagnétique pour produire un mouvement rotatif continu ? Pourtant ce sont les implications théoriques, et non l'éventuelle utilisation motrice, qui suscitent l'intérêt d'Ampère et de ses contemporains. Tout d'abord les rotations continues fournissent à Ampère un argument qui lui semble décisif face aux théories électromagnétiques reposant, comme celle de Biot, sur une magnétisation des conducteurs. En effet il est impossible d'obtenir ces rotations continues seulement avec des aimants. Par ailleurs, un aspect des expériences d'Ampère et Faraday suscite un grand étonnement chez les théoriciens. Comme on l'a vu, Ampère croit y voir une production gratuite de "force vive". C'est ce qu'il exprime dans l'Exposé qu'il lit en séance publique à l'Académie des Sciences, en avril 1822 : "Un mouvement qui se continue toujours dans le même sens, malgré les frottements, malgré la résistance des milieux, et [...] produit par l'action mutuelle de deux corps qui demeurent constamment dans le même état, est un fait sans exemple dans tout ce que nous savions des propriétés que peut offrir la matière inorganique". Un mouvement produit par l'action mutuelle de deux corps demeurant dans le même état, n'est-ce pas la définition du mouvement perpétuel, même si l'on n'ose en prononcer le nom ? Un tel mouvement, obtenu sans dépense de travail, est bien un "fait sans exemple", que l'Académie des sciences refuse de prendre en considération depuis 1775 ! Le phénomène ne nous étonne plus comme il étonnait Ampère et ses contemporains car nous prenons en compte le principe de la conservation de l'énergie, formulé au milieu du XIXe siècle. Des transformations chimiques se produisent à l'intérieur de la pile et il s'y produit une conversion d'énergie chimique en énergie électrique. Avec la rotation du circuit mobile, cette énergie électrique est convertie en énergie mécanique. De son côté, prenant en compte le fait que l'électricité au repos n'avait jamais provoqué ce type de phénomènes, Ampère avance l'hypothèse selon laquelle "on ne peut attribuer cette action [responsable de la rotation continue] qu'à des fluides en mouvement".
Pour en savoir plusFARADAY, Michael ; FISHER, Howard J. (ed.). Faraday's experimental researches in electricity: Guide to a first reading, Santa Fe, New Mexico : Green Lion Press, 2001. LOCQUENEUX, Robert. Ampère, encyclopédiste et métaphysicien. Les Ulis : EDP sciences, 2008. HOFMANN, James R.. André-Marie Ampère. Cambridge : Cambridge University Press, 1996. BLONDEL, Christine. Ampère et la création de l'électrodynamique, 1820-1827. Paris : Bibliothèque nationale, 1982. Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité. Mise en ligne : juin 2009 (dernière révision : septembre 2011)
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