De "l'électrophore perpétuel" de Volta à la machine de Wimshurst
Par Christine Blondel et Bertrand Wolff
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Alessandro Volta décrit en 1775 un nouveau dispositif électrique :
l'électrophore. A première vue rien d'extraordinaire : d'une part un
disque métallique tenu par un manche isolant, d'autre part une galette de résine.
Le fonctionnement du système est en revanche subtil. La galette de résine, frottée
avec une fourrure, s'électrise négativement. On pose alors le disque métallique sur
la galette. Bien que cela paraisse un peu étonnant, l'électricité négative de la galette
ne se transmet pas au disque. En effet le contact entre les deux surfaces se fait
seulement par des irrégularités microscopiques et la galette isolante retient ses
charges négatives. De fait on constate qu'il n'y a pratiquement pas de transfert de
son électricité négative vers le disque métallique.
En revanche cette électricité négative de la galette agit par influence sur le
disque dont les charges négatives fuient vers la terre par l'intermédiaire
de l'expérimentateur lorsque celui-ci touche le disque. Lorsqu'on retire le doigt au
contact du disque, ce dernier ayant perdu des charges négatives, se trouve
électrisé positivement.
Divers électrophores (Lycée Emile-Zola, Rennes).
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On peut mettre cette électricité en évidence en approchant un doigt du disque, ce
qui déclenche une petite étincelle (fig. 543). Mais surtout on peut aller
déposer cette charge sur un électroscope ou sur une des armatures d'un condensateur
tel que la bouteille de Leyde. On constate qu'on peut recommencer autant de fois
qu'on veut cette opération et obtenir ainsi une charge importante sur
l'électroscope ou sur l'armature du condensateur. Si l'on répétait l'opération
un nombre infini de fois, cela justifierait l'appellation d'électrophore
"perpétuel" donnée par Volta à son dispositif.
[Voir la vidéo
L'électrophore "perpétuel"
]
L'électrophore : charge (fig. 542), puis décharge par étincelle
(fig. 543).
(Adolphe Ganot, Traité élementaire de physique, 1868, 13e ed., p. 629)
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Peut-on accumuler "gratuitement" des charges électriques
positives, et créer ainsi une réserve d'énergie électrique ? Non ! Pour séparer le
disque de la galette de résine, l'opérateur doit à chaque fois fournir un travail mécanique pour
vaincre les forces d'attraction électrique entre la galette négative et le disque positif. Il y
a donc transformation d'énergie mécanique en énergie électrique, et le principe de conservation
de l'énergie n'est pas violé !
Bien avant la pile, Volta a ainsi inventé un nouveau moyen d'accumuler l'électricité. Jusque
là seul le frottement était utilisé pour séparer et isoler des charges électriques. Avec
l'électrophore, le frottement n'intervient que pour l'électrisation initiale, et c'est le
phénomène d'influence électrique qui est à l'origine de la production de charges beaucoup
plus importantes.
Machine de Wimshurst (Lycée Bertran de Born, Périgueux)
© Francis Gires ASEISTE
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Au XIXe siècle on imagine divers dispositifs ingénieux pour remplacer par
un mouvement rotatif le va-et-vient fastidieux entre la galette de résine et
la bouteille de Leyde. Dans leur principe ces machines, comme la machine de Holtz,
ne font que reprendre le procédé de Volta mais elles permettent d'atteindre
beaucoup plus efficacement des tensions élevées. La machine la plus pratique et la
plus diffusée est celle mise au point en 1882 par l'anglais Wimshurst. Sur deux
disques de verre mis en rotation par une manivelle sont collées des
languettes métalliques qui jouent le même rôle que le métal de
l'électrophore : électrisées par influence, puis déchargées vers des bouteilles
de Leyde, elles sont à nouveau électrisées lors du demi-tour suivant, etc.
Cette machine est, à puissance égale, considérablement moins encombrante que les
machines à frottement en vogue au XVIIIe siècle. C'est pourquoi la machine
de Wimshurst est toujours largement utilisée dans les établissements scolaires.
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Pour en savoir plus sur la machine de Wimshurst et peut-être construire la vôtre, cliquez
sur le lien :
BOSSERT
(François), " Machine de Wimshurst", Bulletin de l'Union des Physiciens,
n° 696, juillet-août-septembre 1987, p. 881-907.
L'auteur explique de façon détaillée le fonctionnement de la machine de Wimshurst, et en propose
la construction "très simple et très économique".
(Article également mis en ligne sur le site de l'
UDPPC )
Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité
Mise en ligne : janvier 2007 (mise à
jour : avril 2009)
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