Lettre de Gray à Mortimer
Extraits de : GRAY, Stephen. A letter to Cromwell Mortimer, containing several experiments concerning Electricity. Philosophical Transactions of the Royal Society, 1731-1732, 37, p. 18-44.
Extrait 1 : "la vertu électrique pouvait leur être communiquée à tous"
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Après avoir trouvé que l'électricité
pouvait être communiquée aux différents corps mentionnés
plus haut, je cherchai ensuite à voir sur quels autres corps le tube produirait
le même effet, en commençant par les métaux, les suspendant au tube
par la méthode indiquée plus haut ; d'abord de petites
pièces comme une guinée, un shilling, un demi-penny, un
morceau d'étain, un morceau de plomb ; puis de plus
grandes quantités de métal, en les suspendant au tube par une ficelle.
J'y attachais une pelle à feu, des pinces, un tisonnier, une bouilloire de
cuivre, qui donna d'aussi bons résultats qu'elle soit vide ou remplie d'eau
froide ou chaude, une chope d'argent. Tous se révélèrent
fortement électriques, attirant les feuilles de laiton d'une hauteur de
plusieurs pouces. Après avoir trouvé que les métaux devenaient
ainsi des "électriques", je poursuivis mes essais avec d'autres corps, tels
que silex, grès, pierre d'aimant, briques, tuiles, craie, puis diverses
substances végétales, vertes ou sèches, et je trouvai que la
vertu électrique pouvait leur être communiquée à tous,
soit en les suspendant au tube par un fil, soit en les fixant à
son extrémité par la méthode indiquée plus haut.
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Extrait 2 : la "vertu électrique" transmise horizontalement à vingt
cinq mètres.
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La première expérience fut réalisée dans
la galerie le 2 juillet 1729, vers dix heures du matin. A quatre pieds environ
de l'extrémité de la galerie il y avait un cordon transversal dont
chaque extrémité était fixée par un clou de
chaque côté de la galerie ; ce cordon était
constitué de soie dans sa partie centrale, de ficelle à
chaque extrémité ; la corde à laquelle la boule
d'ivoire était suspendue et par laquelle la vertu électrique devait
lui être transmise depuis le tube, et qui était longue de quatre-vingt
pieds et demi, reposait sur le cordon de soie transversal, de sorte que la boule pendait
environ neuf pieds au-dessous de lui. L'autre extrémité de la corde
était alors nouée par une boucle au bâton de verre, et les feuilles
de laiton étaient placées sur un morceau de papier blanc sous
la boule ; lorsqu'on frottait le tube, la boule attirait les feuilles de
laiton, et les maintenait quelque temps suspendues à son contact.
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[Dans les semaines qui suivent, en multipliant les cordons transversaux et les allers-retours de
la corde tendue sur ces supports, puis en la prolongeant à l'extérieur du
bâtiment, Gray et Wheler montrent que l'on peut transmettre la "vertu
électrique" à 765 pieds (plus de 200 mètres). Ils montrent aussi qu'on
peut la transmettre dans plusieurs directions simultanément, et qu'il suffit d'approcher
de la corde, sans contact, le tube de verre frotté pour observer une attraction à
l'autre bout de la corde. Cette dernière observation a pu leur suggérer
qu'une épaisseur d'air modérée permet de transmettre la
"vertu électrique". Selon l'explication moderne, il y a influence électrique
à distance entre le tube et la corde ou même, si l'électrisation est
suffisamment forte pour ioniser l'air, il se produit entre eux une décharge
électrique]
Extrait 3 : avec sa pipe, Gray fait des bulles très attirantes
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[Auparavant Gray a électrisé par "communication" les feuilles de
toutes sortes de végétaux]
Le 23 mars [1730], je fis dissoudre du savon dans de l'eau de la Tamise,
puis je suspendis une pipe à une corde de crin, de sorte qu'elle se tienne
à peu près horizontale, l'ouverture du fourneau tournée vers
le bas ; alors, je plongeai cette ouverture dans l'eau savonneuse et je
soufflai une bulle, et les feuilles de laiton étant placées en dessous,
le laiton fut attiré par la bulle quand le tube [de verre],
préalablement frotté, fut approché de la corde. Puis
je répétai l'expérience avec une autre bulle, en tenant le
tube près de l'extrémité de la pipe, et l'attraction fut alors
beaucoup plus forte, les feuilles de laiton étant attirées
à près de deux pouces [cinq centimètres] de distance.
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Extrait 4 : "un garçon de huit ou neuf ans"
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Le 8 avril 1730, je fis l'expérience suivante sur un garçon de
huit ou neuf ans. Son poids, habillé, était de quarante sept livres et dix
onces [environ 22 kg]. Je le suspendis en position horizontale à l'aide de deux
cordes de crin, comme celles sur lesquelles on fait sécher le
linge : elles étaient longues d'environ treize pieds [4 m], avec une
boucle à chaque extrémité. Dans la poutre maîtresse de ma
chambre, épaisse d'un pied, furent plantés face à face deux crochets,
et à deux pieds de cette paire, une autre paire fut disposée de la
même manière. Les cordes furent suspendues à ces crochets par leurs
boucles, à la manière de deux balançoires, dont la partie
inférieure pendait à environ deux pieds du plancher. L'enfant fut
alors placé sur ces cordes, le visage tourné vers le bas, une des cordes
passant sous sa poitrine, l'autre sous ses cuisses. Puis les feuilles de laiton
furent posées sur un support, fait d'une planchette ronde d'un pied de
diamètre, sur laquelle était collée du papier blanc, posée sur
un socle d'un pied de haut [...]. Le tube ayant été frotté et
tenu près de ses pieds sans les toucher, les feuilles de laiton furent attirés
par le visage de l'enfant avec beaucoup de force, au point de s'élever de huit
et parfois même dix pouces [25 cm]. Je mis ensemble un grand nombre de feuilles sur
la planche, et presque toutes s'élevèrent ensemble en même temps.
Puis l'enfant fut placé le visage vers le haut, et l'arrière de sa tête,
qui portait des cheveux courts, attira le laiton, mais pas tout à fait d'aussi haut
que le visage. Puis les feuilles furent placées sous ses pieds, qui portaient
chaussettes et chaussures, et le tube étant tenu près de sa tête,
elles furent attirées par ses pieds, mais pas tout à fait aussi haut que
par la tête. [...]
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Mise en ligne : décembre 2006
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