Eglé
Idylle

Un jour dans ce bocage
Sous cet ombrage frais
Eglé cherchait la paix
Que l’on goûte à son âge.
De ses naissants attraits,
Elle ignorait l’usage.
Mais déjà dans son cœur
Une flamme secrète
Se glissait en cachette
Et troublait la douceur
Du repos insipide
Que son âme timide
Prenait pour le bonheur.
L’amour était son guide,
Il conduisit ses pas
Aux bords d’une onde claire
Où la jeune bergère
Ne vit point ses appâts
Sans se sentir émue.
Une force inconnue
L’attirait sur ces bords,
Et son âme ingénue
Lui cédait sans effort.
Dans l’eau de cette source
Qui suspendait sa course
Pour lui faire un miroir,
Elle aimait à se voir,
A contempler ses charmes,
A préparer les armes
Qui devaient sur nos cœurs
Assurer son empire.
On la voyait sourire
Aux attraits enchanteurs
Dont elle était ornée.
Et la belle, étonnée
De ce nouveau désir
Poussait de longs soupirs
Sans en savoir la cause.
La couronne de roses
Qui ceignait son chapeau,
Son jardin, son troupeau,
Son chien et sa houlette,
Tout était oublié.
Elle fuyait Annette
Dont la tendre amitié
Lui fut toujours si chère.
Elle errait lentement
Dans ce lieu solitaire
Et trouvait plus charmant
Ce bosquet solitaire
Dont les rameaux épais
Dérobaient la bergère
Aux yeux indiscrets,
Ce tapis de fougères
Asile du mystère
De l’ombre et de la paix
Que ces rives fleuries,
Que ces vertes prairies
Dont les piquants attraits,
Avant que dans son âme,
Le dieu qui fait aimer
Eut allumé la flamme,
Pouvaient seuls la charmer.
Jeune et tendre bergère,
Redoutez ses appâts,
S’il commence à vous plaire
Pour voler dans vos bras,
Cet enfant téméraire
N’a plus qu’à faire un pas.