@. Ampère et l'histoire de l'électricité |
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Manuscrits d'Ampère > Une sélection commentée d'une soixantaine de documents > Philosophie et métaphysiquePhilosophie et métaphysiqueLa réflexion philosophique est pour Ampère une préoccupation constante. Dès sa jeunesse, il manifeste le souci de développer une vision intégrée de l'ensemble des connaissances humaines et des relations entre les différentes sciences. Une autre question qui le hante est celle du degré de certitude qu'on peut attribuer à ces connaissances. Avec le philosophe Maine de Biran, il étudie les mécanismes de la pensée et de la construction du savoir. Au terme de plus de trente ans de réflexions, Ampère aboutit à l'idée d'une relation entre les méthodes que l'esprit humain met en oeuvre (analyse, synthèse, observation, calcul, etc...) et la classification des sciences qu'il a peu à peu dégagée. Il conclut que ce parallèle entre le fonctionnement de l'esprit humain et sa classification en fait une classification "naturelle", et donc objective. "Plan d'un cours sur la théorie des probabilités appliquée aux diverses branches des connaissances humaines" "Plan d'un cours sur la théorie des probabilités appliquée aux diverses branches des connaissances humaines"
Académie des sciences (Institut de France) - carton VI, chemise 112 "Projet d'un cours élémentaire sur la théorie mathématique et métaphysique des probabilités"Postérieur au précédent, ce document se rapporte au cours qu'Ampère donna à l'Athénée de Paris, à l'hiver 1806-1807. Venu à Paris après la mort de sa première femme, Ampère est en plein désarroi existentiel quand il arrive dans cette ville inconnue. C'est alors qu'il se prend de passion pour la métaphysique. Celle-ci consiste essentiellement, à l'époque, en une réflexion sur le raisonnement et la notion de certitude. Ampère (dont le premier mémoire mathématique portait sur les jeux de hasard) élabore un projet de cours sur la théorie des probabilités, qui "se compose d'une partie purement mathématique lorsque l'on a des données assez précises pour qu'on puisse parvenir à l'évaluation numérique du nombre des chances, et d'une partie métaphysique ou logique qui trouve son application dans le cas contraire". Cette seconde partie expose les "facultés auxquelles l'homme doit toutes ses connaissances" et "ces notions d'après [lesquelles] nous devons juger de la probabilité, ou du plus ou moins grand degré de certitude de nos connaissances". Ce document ébauche déjà l'Essai sur la philosophie des sciences publié à la fin de sa vie. C'est à l'Athénée qu'il dispense ce cours (cf. lettre L559 à Maine de Biran). Mais le contenu en est complexe, peu adapté à son public, et Ampère traverse au même moment de graves déboires personnels avec l'échec de son second mariage. Le cours n'est donc pas une grande réussite. Académie des sciences (Institut de France) - carton VI, chemise 112 "Tableau de l'entendement"L'entendement, c'est-à-dire la connaissance humaine, est au XVIIIe siècle la question qui occupe les métaphysiciens : comment l'homme parvient-il à la connaissance, et ce qu'il sait sur le monde est-il certain ? John Locke (1632-1704) avait développé la théorie de l'empirisme, selon laquelle toute connaissance vient de l'expérience, s'opposant à l'innéisme de René Descartes (1596-1650). Pour ce dernier, Dieu a comme imprimé en l'homme des semences de vérité, que l'expérience ne vient que confirmer. D'Alembert suit Locke lorsqu'il écrit, dans le discours préliminaire de l'Encyclopédie, que "c'est à nos sensations que nous devons toutes nos connaissances". Etienne Bonnot de Condillac (1715-1780) poursuit dans la même voie dans son Essai sur l'origine des connaissances humaines et son Traité des systèmes, avant de s'orienter davantage vers l'étude des sensations, qui sont selon lui la véritable source de toute connaissance : c'est le sensualisme. La pensée de Condillac inspire au début du XIXe siècle un puissant courant de philosophes, animé par Antoine Destutt de Tracy (1754-1836) et Pierre Cabanis (1757-1808). Etudiant le processus par lequel les idées se forment dans l'esprit humain, ils sont couramment appelés les Idéologues et constituent un petit groupe informel : la société d'Auteuil. À son arrivée à Paris, c'est d'abord avec eux que se lie Ampère. Il explore ensuite la pensée d'Emmanuel Kant (1724-1804), qui distingue les phénomènes (ce que l'on peut percevoir) et les noumènes (les choses en-soi, la connaissance absolue des choses). Pour lui, la connaissance n'est fondée que sur l'immanence ; la transcendance est inaccessible à l'homme. Défendant ainsi un agnosticisme métaphysique, il reste cependant déiste car il faut, dit-il, une garantie à la conduite morale des hommes. Mais Ampère, tout "homme des Lumières" qu'il est, est également profondément chrétien. Même si sa foi est alors vacillante, il ne peut admettre totalement l'idée que l'individu ne puisse que recevoir passivement des sensations comme l'affirment les sensualistes, et que toute certitude objective soit impossible à atteindre comme Kant conduit à le penser. Sur ce point, il rejoint Pierre Maine de Biran (1766-1824), avec qui il entretient une correspondance durable (de 1805 à la mort de Maine de Biran) et extrêmement dense. Les deux hommes abandonnent assez rapidement le sensualisme au profit d'un spiritualisme, élaborant la notion d'un moi actif et pensant librement. Cette réflexion philosophique passionne Ampère, pour qui la métaphysique est la seule science "importante". Ce petit tableau, daté par lui (ce qui est rarissime), n'est qu'un des innombrables témoignages de cette passion que conserve aujourd'hui le fonds Ampère. Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 256 "Programme d'un cours de logique"En 1819, Ampère se propose pour assurer un cours de logique à l'Ecole normale (cf. lettre de Royer-Collard à Ampère, L1065). En 1819-1820, il dispene également un cours de philosophie à la Faculté des lettres de Paris, en Sorbonne. Mais à partir de septembre 1820, ses travaux sur la découverte d'Oersted vont l'éloigner pour quelques années de la philosophie. Académie des sciences (Institut de France) - carton XVII, chemise 269 La classification des connaissances humainesUn temps éclipsée par l'électrodynamique, la réflexion philosophique revient au premier plan des préoccupations d'Ampère à la fin des années 1820. Il s'attelle alors à la classification de toutes les sciences, qui l'occupera jusqu'à sa mort et donnera lieu à la publication de l'Essai sur la philosophie des sciences, en 1834 pour le premier tome et 1843 pour le second (publication posthume assurée par son fils). Quelques documents du fonds, comme ce tableau, laissent penser qu'Ampère a, un temps, imaginé un système ternaire. Mais la classification finalement élaborée par Ampère repose sur un système de subdivisions binaires successives, allant jusqu'à 128 sciences "du troisième ordre". La première dichotomie est opérée entre les sciences qui étudient le monde, dites sciences cosmologiques (du grec cosmos : le monde ordonné), et les sciences qui étudient l'intelligence humaine, dites sciences noologiques (du grec noos : la pensée). Chacun de ces deux règnes est divisé en deux sous-règnes, eux-mêmes en deux embranchements, et ainsi de suite. Sur le brouillon suivant, Ampère a exposé les grands principes de cette classification. Académie des sciences (Institut de France) - carton XIV, chemise 256
Académie des sciences (Institut de France) - carton XV, chemise 257 Pour classer une science, Ampère considère le point de vue sous lequel son objet (d'étude) est étudié. Il définit quatre "points de vue", du plus simple (examiner ce qui est évident) au plus complexe (déterminer les effets des phénomènes). Ainsi les sciences sont-elles classées de façon hiérarchique : chacune a besoin des connaissances de celle(s) qui la précède(nt). Dans les deux pages d'épreuve d'imprimerie ci-dessous, Ampère applique ces points de vue à la technologie, qui est dans son esprit la science de la transformation des corps "pour les approprier à nos besoins ou à nos jouissances". Académie des sciences (Institut de France) - carton XV, chemise 260
Académie des sciences (Institut de France) - carton XV, chemise 259
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