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> LE MONNIER, Feu électrique, Fluide électrique, ou Matière électrique, [octobre] 1756.
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FEU ELECTRIQUE, FLUIDE ELECTRIQUE, ou MATIÈRE ELECTRIQUE ; on entend sous ces différentes 
dénominations ce fluide très subtil, très mobile, qui se trouve répandu dans tous les corps, qui 
pénètre avec la plus grande facilité la plupart des milieux ; enfin qui cause immédiatement tous 
les phénomènes de l'électricité, comme l'attraction & la répulsion des corps légers, 
l'explosion de l'étincelle, les émanations lumineuses, &c.  
Les Physiciens sont partagés sur la nature du fluide électrique : les uns considérant ses 
propriétés singulières & différentes de celles de tous les autres fluides connus, le distinguent 
absolument des autres, & en font une espèce particulière ; ainsi que les propriétés de l'aimant, 
qui paraissent bornées à cette pierre & aux corps aimantés, ont fait donner le nom de 
magnétique au fluide subtil qui les produit ; d'autres trouvent dans le feu électrique 
beaucoup de propriétés du feu élémentaire, dont la présence échauffe, agite, & raréfie les 
corps, qui les pénètre tous par sa grande subtilité, dans lesquels il éprouve cependant 
différents degrés de résistance, qui se fixe & se concentre dans quelques-uns, d'où il ne cesse 
de lancer pendant quelque temps des émanations lumineuses ; d'autres enfin veulent que le feu 
électrique soit l'éther des anciens, cet agent universel, que les philosophes grecs regardaient 
comme l'instrument de toutes les opérations de la nature, & dont le mouvement variable à l'infini 
leur paraissait agiter tout le reste de la matière. Ces derniers commencent donc par établir 
l'existence d'un fluide subtil & répandu partout, qui reçoit le mouvement immédiatement des mains 
de Dieu, & le communique à tous les corps solides & fluides, suivant des lois que sa Sagesse 
infinie a établies pour entretenir l'ordre dans l'Univers ; & ils rapportent à la diversité de 
ces lois, la variété des opérations de la nature. Ainsi les effets de gravité, de ressort, de 
dureté, de chaleur, de magnétisme, & d'électricité, leur paraissent produits par les mouvements 
de cet éther, dirigés par le Créateur suivant de certaines lois, qui suffisent pour différencier 
tous ces effets d'une même cause. Voyez ETHER, &c.  
Il est vrai qu'il n'est pas facile de comprendre au premier abord comment les mouvements de 
l'éther peuvent être assez variés dans un même corps, par exemple dans une barre d'acier, pour 
produire à la fois & sans le moindre trouble, les effets de gravité, de ressort, de magnétisme, & 
d'électricité. Car pour nous borner seulement aux effets de chaleur & d'électricité, il est 
incontestable qu'ils existent souvent ensemble dans les mêmes corps, & qu'ils y sont susceptibles 
d'accroissement & de diminution indépendamment l'un de l'autre. 
On sait, par exemple qu'une barre de fer peut être échauffée jusqu'au blanc dans une de ses 
parties, ou refroidie par le plus grand froid, agitée, dilatée, ou condensée aux plus grands 
degrés auxquels nous puissions parvenir, sans que tous ces différents effets apportent de 
changement sensible à son état d'électricité ; & réciproquement un corps rempli de matière 
électrique attire & repousse de très loin les corps légers, contracte une atmosphère très 
sensible, étincelle même de toute part, sans qu'il en paraisse plus échauffé, ni le moindrement 
augmenté de volume. Or on peut demander comment l'éther appliqué en si grande abondance à des 
corps très échauffés ou très électrisés ne produit-il pas quelque chaleur, quelque dilatation 
sensible dans ceux-ci, ou quelques effets d'attraction & de répulsion dans ceux-là ? comment le 
milieu de cette barre, entouré ou pénétré de l'éther igné, n'arrête-t-il pas, n'absorbe-t-il 
pas, ne dissipe, ne raréfie-t-il pas l'éther électrique que l'on a communiqué à la barre ? 
enfin comment la matière électrique, loin de se confondre avec l'atmosphère du fer embrasé, la 
pénètre-t-elle, s'étend-elle, se conserve-t-elle dans une densité uniforme, aussi bien sur la 
partie la plus échauffée de la barre que sur celles qui sont demeurées froides ? 
Il faut avouer que ces différents mouvements d'un même fluide qui s'exécutent à la fois dans un 
corps, ne se présentent pas bien clairement à l'esprit ; cependant ce système est encore plus 
simple : car si on faisait dépendre ces mêmes effets de chaleur & d'électricité, de deux 
différents fluides qui exerçassent en même temps & sans confusion chacun leurs mouvements 
particuliers, il est clair que cette explication ne serait pas plus heureuse & deviendrait sujette 
à des difficultés d'autant plus grandes qu'on aurait à rendre raison d'un plus grand nombre 
d'effets, comme dans l'exemple d'une barre d'acier, dans laquelle on considérerait les effets de 
pesanteur, de ressort, de dureté, d'électricité, de magnétisme, de chaleur, &c.  
On peut citer en faveur de ceux qui n'admettent que l'éther pour cause de la plupart des 
phénomènes, des exemples de plusieurs effets différents qui sont produits par des mouvements 
variés d'un même fluide. Par exemple, le vent & le son sont deux effets très différents, qui 
dépendent certainement de deux mouvements bien distincts excités dans l'air ; & l'on est très 
assuré que ces deux sortes de mouvements peuvent exister ensemble ou séparément dans ce fluide, 
sans que la violence de l'un puisse jamais nuire à l'uniformité de l'autre. 
Le feu différemment modifié dans un même corps produit les effets de chaleur, de dilatation, de 
coruscation. La lumière du soleil réfléchie par un miroir concave échauffe des particules 
de sable exposées au foyer & les dissipe par une répulsion semblable à celle qu'elles 
éprouveraient, si elles étaient placées sur l'extrémité d'une barre de fer électrisée. Or, 
pour nous rapprocher de notre objet, le fluide électrique produit, quand nous voulons, des effets 
d'attraction, des étincelles & du magnétisme. En effet, l'explosion d'une violente étincelle 
électrique altère quelquefois la boussole ou aimante de petites aiguilles, suivant la direction 
que l'on donne à cette étincelle ; or il y a longtemps que l'on a observé qu'un éclat de 
tonnerre (qui n'est qu'une grosse étincelle électrique) est capable d'aimanter toute sorte 
d'outils de fer & d'acier enfermés dans des caisses ; de donner aux clous d'un vaisseau assez de 
vertu magnétique pour faire varier d'assez loin les boussoles ; en un mot, de changer en 
véritables aimants les croix de fer des anciens clochers, qui ont été plusieurs fois exposés aux 
vives impressions de ce terrible fluide. Voyez MAGNETIQUE, où nous détaillerons plus amplement ces 
effets. 
Ces exemples, & plusieurs autres qu'il serait facile de rapporter, prouvent qu'il n'est pas 
impossible qu'un fluide dont les parties sont agitées par différentes sortes de mouvements ne 
puisse produire des effets qui nous paraissent si peu tenir ensemble que nous sommes portés à les 
attribuer à des causes absolument différentes ; que si nous découvrions les lois suivant 
lesquelles le Créateur a réglé ces sortes de mouvements, nous serions en état d'expliquer 
beaucoup de phénomènes qui nous paraissent incompréhensibles. C'est à la recherche que d'habiles 
physiciens ont faite de ces lois que nous devons les explications les plus satisfaisantes que nous 
ayons des phénomènes de l'électricité ; & l'on peut dire que si ces explications ne sont pas 
entièrement conformes à la nature ; ou nous paraissent insuffisantes pour expliquer certains 
phénomènes, elles n'ont pas moins servi à étendre infiniment nos connaissances sur cette 
matière. 
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