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> LE MONNIER, Feu électrique, [octobre] 1756.
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FEU ELECTRIQUE, phénomène de l'électricité. Nous apercevons le feu électrique lorsque la 
matière de l'électricité étant suffisamment rassemblée & dirigée d'une manière convenable, 
éclate & brille à nos yeux, s'élance comme un éclair, embrase, fond, & consume les corps 
capables d'être consumés, & produit dans ces corps plusieurs effets du feu ordinaire. 
On entend aussi par le feu électrique ce fluide très délié & très actif, qui est répandu dans 
tous les corps, qui les pénètre, & les fait mouvoir suivant certaines lois d'attraction & de 
répulsion, & qui opère en un mot tous les phénomènes de l'électricité. On a donné à ce 
fluide le nom de feu, à cause des propriétés qui lui sont communes avec le feu élémentaire, 
entr'autres celle de luire à nos yeux au moment qu'il s'élance avec impétuosité pour entrer ou 
sortir des différents corps, d'allumer les matières inflammables, &c. Voyez FEU.  
Nous devons donc considérer le feu électrique sous deux points de vue différents : premièrement 
comme phénomène de l'électricité ; nous examinerons sa production, sa force, sa propagation, &c. 
Ensuite nous les considérerons comme cause des effets de l'électricité, & nous rapporterons les 
sentiments des principaux physiciens, sur sa nature & sur la manière dont il produit les 
phénomènes électriques. 
Otto Guericke & Boyle ont remarqué qu'en frottant vivement certains corps électriques, ils 
répandaient une lumière plus ou moins vive dans l'obscurité, que quelques-uns, comme les 
diamants, conservaient pendant un temps assez considérable. On trouve dans le recueil des 
expériences d'Hauksbee une suite d'observations très curieuses sur la lumière que répandent 
plusieurs corps frottés contre différentes matières, tant en plein air que dans le vide de la 
machine pneumatique. Mais alors les Physiciens regardaient cette lumière plutôt comme un phosphore 
que comme le fluide électrique rendu sensible à nos yeux par l'effet du frottement. 
Ce fut à l'occasion de la douleur que ressentit M. Dufay, en tirant par hasard une étincelle de 
la jambe d'une personne suspendue sur des cordons de soie, qu'il pensa que la matière électrique 
était un véritable feu, capable de brûler aussi bien que le feu ordinaire ; & que la piqûre 
douloureuse qu'il avait ressentie, était une vraie brûlure. Enfin plusieurs savants d'Allemagne 
ayant répété les expériences de M. Dufay, & poursuivi ses recherches, M. Ludolf vint à bout 
d'enflammer l'esprit-de-vin par une étincelle électrique qu'il tira du pommeau d'une épée, & 
confirma par cette belle expérience, la vérité de ce qu'avait avancé M. Dufay, sur la 
ressemblance du feu & de la matière électrique. 
On sait aujourd'hui que tous les corps susceptibles d'électricité, c'est-à-dire presque tous les 
corps de la nature, font apercevoir le feu électrique d'une manière plus ou moins sensible, dès 
qu'on les électrise à un certain degré. Dans les corps naturellement électriques, on ne manque 
guère de produire ce feu en les frottant un peu vivement, après les avoir bien dépouillés de 
toute leur humidité : la lumière qu'ils répandent est plus ou moins vive, suivant la nature de 
ces corps ; celle du diamant, des pierres précieuses, du verre, &c. est plus blanche, plus vive, & 
a bien plus d'éclat que celle qui sort de l'ambre, du soufre, de la cire d'Espagne, des matières 
résineuses, ou de la soie. Les uns & les autres brillent encore davantage, lorsqu'ils sont frottés 
avec des substances peu électriques, comme du papier doré, la main, un morceau d'étoffe de laine, 
que lorsqu'on emploie une étoffe de soie, la peau d'un animal garnie de poil, ou même du cuir : 
mais quelles que soient les matières que l'on emploie pour frotter les corps électriques, ils ne 
rendent presque point de lumière si les corps avec lesquels on les frotte n'ont quelque 
communication avec la terre, soit immédiatement, soit par une suite de corps non électriques. Par 
exemple, si une personne étant sur le plancher frotte vivement un tube de verre, elle en verra 
bientôt sortir des éclats de lumière : mais si cette personne fait la même opération étant 
montée sur un pain de résine, avec quelque vivacité qu'elle frotte le tube, la lumière 
s'affaiblit, s'éteint, & ne reparaît que lorsque la personne se remet sur le plancher, ou 
lorsqu'on approche d'elle quelque corps non électrique qui communique avec la terre. 
Cette lumière est plus abondante & a encore plus d'éclat, lorsque les frottements se font dans le 
vide, ou sur quelque vaisseau dont on a épuisé l'air intérieur par la machine pneumatique ; on 
peut dire en général que le feu électrique se manifeste bien plus aisément dans un espace vide, 
ou presque vide, que dans celui qui est rempli d'air : en voici les preuves. 
Lorsqu'on frotte contre un coussin un globe plein d'air, l'un & l'autre renfermés sous le 
récipient de la machine pneumatique, ce globe, après qu'on a épuisé l'air intermédiaire, 
répand continuellement & tant que dure le frottement, une lumière très vive & très abondante : 
cette lumière s'affaiblit à mesure qu'on laisse rentrer l'air, quoique l'on continue de frotter le 
globe avec la même force. Il en est de même d'un globe vide d'air que l'on frotte dans l'air libre 
; le plus léger frottement excite dans son intérieur beaucoup de lumière, dont l'éclat diminue 
graduellement à mesure que l'on introduit de l'air dans le globe. C'est une observation assez 
générale que la lumière que l'on excite dans un vaisseau épuisé d'air paraît toujours plus 
dans son intérieur, & y prend sa direction de tous les points de la surface : elle ne s'attache pas 
aux doigts, lorsqu'on les approche à une petite distance, comme dans le cas ordinaire ; elle 
s'anime seulement & devient plus vive à l'approche du doigt, même quelque temps après qu'on a 
cessé de frotter. Cependant tous les traits de lumière tendent toujours vers l'intérieur du 
globe. 
Le feu électrique se répand avec tant de facilité au travers d'un espace vide d'air, qu'on 
l'excite sur le champ dans un récipient, ou dans tout autre vaisseau bien vidé, par la simple 
approche du tube ou de tout autre corps électrisé ; & on a observé que cette lumière était 
encore plus vive lorsque les vaisseaux vides d'air tournaient sur leur axe, ou 
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