facilité. Il est d'une molesse presque égale à celle de la moelle allongée, mais il est plus
rouge. Il en est à peu près de même de tous les autres nerfs.
Ils sont bien éloignés d'être tendus : ils sont collés aux artères, aux tissus cellulaires les
plus voisins, arrêtés dans toute leur longueur par une infinité de filets absolument incapables
d'aucun balancement, & très souvent d'une molesse, très remarquable dans les nerfs, qui partent du
tronc sympathique. S'il y en a de durs, ce sont les nerfs des extrêmités, qu'un tissu cellulaire
serré enveloppe, en liant ensemble les faisceaux dont le nerf est composé. L'extrêmité des nerfs
est très souvent d'une molesse égale à celle du cerveau, ils le sont généralement dans les
organes de la vue, de l'ouïe & de l'odorat ; c'est dans ces organes cependant, & surtout dans ceux
de l'ouïe, qu'on les supposerait le plus capables d'oscillation.
Qu'on découvre un nerf quelconque, qu'on le divise, il ne se retire pas, sa section n'accroît
point ; c'est bien le contraire, les deux extrêmités du nerf divisé s'allongent & deviennent
assez longues pour être placées à côté l'une de l'autre.
Les nerfs ne sont point irritables. On a placé des nerfs sur les divisions d'un instrument de
mathématique ; ces divisions étaient assez fines pour rendre le plus petit déplacement sensible.
On a irrité le nerf, le muscle, qui en reçoit les branches, s'est contracté. Le nerf lui-même
n'a changé de place en aucune manière, & le microscope n'y a point apperçu de mouvement. Il est
étonnant que la prévention ait pu s'élever contre une expérience aussi simple.
Si le nerf est incapable d'osciller, s'il est trop mou pour être élastique, si toute dureté est
accidentelle chez lui, s'il est immobile dans cette partie même, ce ne peuvent plus être des
temblements qui portent l'impression des objets extérieurs jusqu'au siège de l'âme : il faudra
revenir à une liqueur pour expliquer ce transport.
C'est cette liqueur qu'on appelle fluide nerveux, & qui a porté le nom d'esprit
animal, ou vital. Cette liqueur, dont nous tâchons de fixer la nature, sera
ébranlée par le choc imprimé à l'organe : son mouvement sera continué au cerveau, elle
ébranlera à son tour le siège corporel de l'âme.
On a fait une objection qui n'est pas sans ressemblance. L'objet extérieur frappe le nerf, dit-on
; on comprend assez si le nerf agit par sa partie solide, que ce solide ébranlé cause une
sensation : on ne comprend pas de même, comment l'âme peut s'apercevoir d'une impression faite sur
un fluide, toujours mobile, & qui cède au choc.
On n'a pas pris garde que l'âme ne sent pas dans l'organe, & qu'elle ne sent que dans le cerveau.
Dans l'amaurose l'oeil peut être parfaitement bien constitué ; le pinceau optique se dessinera sur
la rétine, mais l'âme ne le voit pas. C'est qu'une tumeur placée entre l'oeil & son origine aura
comprimé le nerf ; si donc l'impression du pinceau optique ne peut être représentée à l'âme
que dans le cerveau, il est certainement bien plus probable que ce soit par un liquide mis en
mouvement dans l'oeil, & qui vient frapper une fibre médullaire, vrai organe de l'âme. Le choc de
la moelle solide du nerf optique pourrait bien plus difficilement se continuer à une grande
distance, du doigt, par exemple, jusqu'au cerveau, vu l'inertie, la molesse & l'incapacité pour les
oscillations, propriétés évidentes de la moelle nerveuse.
Ce liquide invisible & impalpable doit avoir des attributs, sans lesquels il ne saurait s'acquitter
de sa fonction.
Il doit être extrêmement subtil, puisqu'il a des canaux de la plus grande finesse à parcourir :
extrêmement mobile, puisqu'il va dans le moment même animer un muscle éloigné, & puisque de
certains animaux parcourent très certainement un pied dans moins d'une seconde, & que dans chacun
de ces élancements une infinité de muscles sont contractés & relâchés.
Le fluide nerveux doit avoir une force suffisante pour servir d'un puissant stimulus à la
fibre musculaire, dont la contraction suit sans intervalle l'affluence de ce fluide.
Malgré sa mobilité & sa vitesse, il doit être attaché aux nerfs & ne pas les abandonner, ni se
répandre dans la cellulosité qui enveloppe le nerf. S'il pouvait s'y répandre, on ne concevrait
plus comment le fluide accéléré par la volonté, pourrait animer à une grande distance
des muscles avec tant de force. Enfin ce fluide doit être d'une nature assez exempte
d'âcreté, pour ne pas être sensible au nerf qu'il parcourt.
Il ne paraît pas que de l'eau un peu visqueuse & d'une nature approchante du blanc d'oeuf, puisse
se mouvoir avec une célérité suffisante, ni servir d'aiguillon à la fibre musculaire, dont elle
appaiserait plutôt l'irritation. L'air détruit la moelle nerveuse, il la raccourcit & la
déssèche. La matiere électrique suit d'autres lois : elle ne pourrait pas être retenue par des
ligatures, elle ne resterait pas dans le nerf, elle se répandrait dans les espaces voisins
destitués d'une matière pareille, & se remettrait en équilibre. La division d'un nerf, dont les
moitiés ne seraient pas éloignées l'une de l'autre, n'interromprait point le courant électrique.
Peut-on exiger de nous, que nous désignions la nature de ce fluide ? ne pourrait-elle pas
être isolée, différente des autres matieres connues, uniquement destinée à servir d'organe à
la sensation & à la volonté, & à irriter efficacement la fibre musculaire. Tout ce que nous en
savons, c'est que la matière de ce fluide doit se trouver dans les aliments, puisque dans
la plus grande lassitude, lorsqu'on a lieu de croire ce fluide épuisé, une nourriture
proportionnée aux besoins répare en peu de temps l'esprit animal, & rend les forces à l'animal
épuisé. Le vin agit sur l'abeille, sur le cheval, sur le singe comme sur l'homme : on enivre les
abeilles.
On a disputé si le fluide nerveux coulait dans des canaux, comme le font les autres
humeurs du corps animal, ou s'il se mouvait par une substance cellulaire. Je ne crois pas que la
lumière des tuyaux des faisceaux nerveux puisse être distinguée à l'aide d'un microscope : mais
la vitesse, avec laquelle s'exécutent les fonctions du fluide nerveux, ne paraît pas
compatible avec la route embarrassée d'un tissu, dont les petites cloisons interrompraient à tout
moment le mouvement de ce fluide.
L'origine du fluide nerveux ne pouvant être que dans la masse de nos humeurs, & cette
masse ne se communiquant aux diverses parties du corps animal que par les artères, ces tuyaux
médullaires paraissent devoir naître de ces artères. Le fluide lui-même en recevra un
mouvement lent, à la vérité, à proportion de la distance du coeur, & des obstacles que les
humeurs éprouvent en parcourant cette distance. Un autre mouvement beaucoup plus rapide est l'effet
de la sensation, de la volonté, ou de l'irritation.
Y a-t-il une différence entre les esprits animaux ou entre les nerfs subordonnés au sentiment ou
au mouvement ? Tout est conjecture là-dessus ; mais presque tous les nerfs donnent d'un côté aux
muscles des branches destinées à y produire le mouvement, & de l'autre reçoivent les impressions
des sens. Le nerf optique, qui dans les animaux plus composés se rend tout entier à la rétine,
donne dans la chenille des branches musculaires ; on en peut croire M. Lyonnet, dont l'ouvrage est
le chef-d'oeuvre de l'anatomie.
Y aurait-il dans un faisceau nerveux des tuyaux
|
|