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Sources primaires > LE MONNIER, Feu électrique, Fluide électrique, ou Matière électrique, [octobre] 1756.
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A l'égard de l'expérience de Leyde, M. l'abbé Nollet observe que la bouteille remplie d'eau, est 
très susceptible d'électricité par communication ; que l'électricité que l'eau reçoit se 
transmet au verre, qu'elle le pénètre & se répand sur sa surface extérieure ; que dans cette 
expérience la bouteille ne laisse pas que de continuer longtemps dans son état d'électricité, 
soit qu'elle soit posée sur une table ou sur d'autres corps non électriques. Maintenant la 
violence avec laquelle l'étincelle éclate & frappe dans l'expérience de Leyde dépend de ce que 
le choc est double & qu'il se fait en même temps en deux endroits différents. Le premier se fait 
à l'extrémité du doigt que l'on présente au conducteur entre la matière effluente de ce 
conducteur, & la matière affluente qui sort du doigt ; il s'en fait un autre à la main gauche qui 
tient la bouteille, entre le fluide qui sort du verre électrisé par communication, & celui qui 
arrive de cette même main vers la bouteille. Or comme par l'effet de ce double choc, la matière 
affluente rétrograde avec force de chaque côté, elle produit aux deux poignets & dans 
l'intérieur du corps une commotion subite & très violente, plus sensible dans les bras & dans la 
poitrine qui se trouvent placés dans sa direction. 
M. l'abbé Nollet applique de même son principe des effluences & affluences simultanées, pour 
expliquer les autres phénomènes de l'électricité ; mais nous renvoyons à ses ouvrages, où l'on 
trouvera toutes les preuves qu'il a réunies pour établir la vérité de ce principe. 
M. Franklin pense que la matière électrique est un véritable feu qui traverse & pénètre 
la matière commune avec tant de liberté qu'elle n'éprouve aucune résistance sensible ; il prouve 
cette pénétration intérieure des corps par l'expérience de Leyde, dans laquelle on sent une 
commotion intérieure, qui ne devrait pas arriver si la matière électrique ne faisait que glisser 
le long des surfaces. Ce feu & le feu commun ne sortent peut-être que des 
modifications du même élément, quoiqu'ils paraissent avoir des propriétés différentes : ces 
deux matières fluides, si on veut les distinguer, existent souvent ensemble dans les mêmes corps, 
en remplissent les pores, s'y meuvent avec une entière liberté sans aucune confusion dans leurs 
effets. 
Au reste le feu électrique est universellement répandu partout ; on le trouve dans l'air & dans 
tous les corps qui nous environnent : ainsi nos machines électriques ne le produisent point, mais 
elles le dirigent, le rassemblent, le condensent & le raréfient à notre volonté dans les 
différents corps. M. Franklin croit que ce fluide remplit à peu près les pores des corps 
ordinaires, & que quand au moyen de nos machines on leur en ajoute une quantité, cette quantité 
ajoutée n'entre pas dans leur intérieur, mais forme autour d'eux une atmosphère plus ou moins 
dense, suivant la quantité que l'on a ajoutée. Il suppose que les particules de matière 
électrique se repoussent mutuellement, au contraire des particules de matière commune, qui tendent 
toutes à s'attirer : & c'est à cette qualité répulsive qu'il attribue la divergence des rayons 
électriques, l'écartement de deux fils électrisés, la divergence des rayons des aigrettes 
lumineuses, l'évaporation accélérée des liqueurs électrisées, & plusieurs autres effets. Ces 
mêmes particules se repoussent entr'elles, sont très bien attirées par la matière commune avec 
une force plus ou moins grande, suivant les différentes sortes de matière : car le verre, la cire, 
l'ambre & les autres corps appelés électriques l'attirent & la retiennent plus fortement que les 
autres, & en contiennent aussi une plus grande quantité. C'est pourquoi admettant la subtilité des 
particules de la matière électrique, leur répulsion mutuelle & l'attraction réciproque 
entr'elles & les parties de la matière commune, il résulte que quand une quantité de matière 
électrique est appliquée à une certaine quantité de matière commune qui n'en contient pas 
déjà, le fluide électrique se répand aussitôt également & uniformément dans toute l'étendue 
de cette quantité de matière : mais dans la matière commune il y a ordinairement autant de 
matière électrique qu'elle en peut contenir ; si l'on en ajoute davantage, le surplus se distribue 
encore également & uniformément dans toute l'étendue de sa surface, & forme une atmosphère. 
L'attraction entre le fluide électrique & la matière commune est réciproque ; c'est pourquoi les 
corps dans lesquels le fluide électrique est condensé attirent les petits corps légers qui se 
trouvent dans leur sphère d'activité ; c'est en vertu de cette propriété que le fluide 
électrique passe du corps électrisé dans celui qui ne l'est pas, & lui fait exercer tous les 
effets des corps électriques ; que l'électricité communiquée à une barre de fer isolée se 
dissipe en un instant dès qu'on approche de cette barre un corps non électrique, tel que le bout 
du doigt. 
M. Franklin explique l'expérience de Leyde d'une manière différente de celle de tous les autres 
physiciens : il observe d'abord que le verre est absolument impénétrable au fluide électrique ; 
car il ne conçoit pas comment on pourrait charger la bouteille si le fluide électrique passait au 
travers du verre, & s'il pouvait s'échapper par la main de celui qui tient la bouteille : en effet 
la bouteille ne se charge pas si elle a la moindre fêlure ou le moindre petit trou dans sa surface. 
Il prétend que dans cette merveilleuse expérience le fluide n'entre du conducteur dans la 
bouteille, qu'autant qu'il en sort de celui qui existe naturellement sur sa surface extérieure : 
que cette matière n'est pas condensée dans l'eau ou dans le corps non électrique qui est dans la 
bouteille, mais uniquement sur la surface intérieure du verre : que l'explosion violente qui se 
fait lorsque tenant la bouteille d'une main, on touche de l'autre au fil d'archal, n'est que le 
remplacement du fluide épuisé & chassé de la surface extérieure par le fluide accumulé sur la 
surface intérieure de la bouteille ; ce qu'il prouve parce qu'un homme posé sur un gâteau de cire 
& qui fait l'expérience de Leyde n'est ni plus ni moins électrisé après l'expérience, qu'il 
l'était auparavant. 
Cependant comme la surface extérieure d'une bouteille chargée qui est privée selon lui, de sa 
quantité de fluide électrique ordinaire, attire, repousse & communique de l'électricité aux 
autres corps, aussi bien que le fil d’archal qui est électrisé par le fluide condensé & 
introduit dans la bouteille, il est obligé de distinguer deux sortes d'électricité. 
Il appelle positive celle de l'intérieur de la bouteille ; & négative celle de sa 
surface intérieure : or tous les corps électrisés positivement se repoussent entr'eux, comme font 
aussi tous ceux qui le sont négativement : les uns & les autres attirent les corps légers à peu 
près avec la même force ; mais toutes choses égales, les corps électrisés positivement attirent 
ceux qui le sont négativement avec une plus grande force que les uns & les autres n'attirent ceux 
qui ne sont point du tout électrisés. Nous donnerons aux articles METEORES & TONNERRE un extrait 
du sentiment de M. Franklin sur la formation des orages, dont il rapporte l'origine aux effets du 
feu électrique. Ces deux articles sur le feu électrique sont de M. le MONNIER, de 
l'Académie royale des Sciences, & Médecin ordinaire de S. M. à S. Germain-en-Laye, auteur de 
l'article ELECTRICITE. Voyez ce dernier mot : voyez aussi COUP FOUDROYANT, CONDUCTEUR, &c. 
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