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Sources primaires > LE MONNIER, Electricité, 1755.
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que le verre, les pierres précieuses, la soie, la laine, le crin, & presque tous les 
poils des animaux, avaient la même vertu ; qu'il suffit de bien sécher chacun de ces corps, & 
de les frotter un peu, pour voir voler vers eux tous les corps légers qu'on leur présente. Sur ces 
exemples on a depuis chauffé un peu plus vivement, & frotté avec plus de patience une infinité 
d'autres corps, & on leur a trouvé aussi la même propriété, en sorte qu'en poussant plus loin 
cet examen, on s'est assuré que tous les corps de la nature peuvent devenir électriques, pourvu 
qu'ils soient auparavant parfaitement séchés & frottés. 
Néanmoins les métaux se sont constamment soustraits à cette épreuve ; rougis, frottés, battus, 
limés, ils n'ont jamais donné le moindre signe d'attraction électrique ; en sorte qu'ils sont une 
exception à la règle générale, ainsi que l'eau & toutes les liqueurs qu'il est impossible de 
soumettre au frottement. 
En examinant à quel degré tous les corps de la nature deviennent électriques par l'effet du 
frottement, on voit que l'on peut descendre par une infinité de nuances de ceux qui s'électrisent 
beaucoup & facilement, à ceux dont la vertu se rend à peine sensible, jusqu'à ce qu'on arrive aux 
métaux sur lesquels, comme on vient de le dire, le frottement n'a aucun effet ; c'est pourquoi on a 
partagé en deux classes générales tous les corps de la nature, suivant qu'ils sont plus ou moins 
susceptibles d'électricité.  
On a compris dans la première classe ceux qui s'électrisent très facilement après avoir été 
un peu chauffés & frottés, & on les appelle simplement corps électriques : tels sont, 
1° Les diamants blancs & colorés de toutes espèces, le rubis, le saphir, le péridore, 
l'émeraude, l'opale, l'améthyste, la topaze, le béryl, les grenats, enfin le cristal de roche, & 
tous ceux qu'on appelle cailloux du Rhin, de Médoc, &c. 
2° Le verre & tous les corps vitrifiés ; savoir les émaux de toute couleur, la porcelaine, le 
verre d'antimoine, de plomb, &c.  
3° Les baumes, larmes & résines de toutes espèces, telles que la poix noire, la poix-résine, la 
térébenthine cuite, la colophane, le baume du Pérou, le mastic, la gomme-copal, la gomme-laque, & 
la cire, &c.  
4° Les bitumes, le soufre, le succin, le jayet, l'asphalte, &c. 
5° Certains produits des animaux, tels que la soie, les plumes, le crin, la laine, les cheveux, & 
tous les poils des animaux morts ou vivants. 
La seconde classe contient les corps qui ne s'électrisent pas du tout par le frottement, ou du 
moins très peu, & que l'on nomme pour cet effet non-électriques ; savoir, 
1° L'eau & toutes les liqueurs aqueuses & spiritueuses, qui sont incapables de s'épaissir & 
d'être frottées. 
2° Tous les métaux parfaits & imparfaits, & la plupart des minéraux, savoir l'aimant, 
l'antimoine, le zinc, le bismuth, l'agate, le jaspe, le marbre, le grès, l'ardoise, la pierre de 
taille, &c.  
3° Tous les animaux vivants, à l'exception de leurs poils. On peut y joindre aussi la plupart de 
leurs produits, savoir le cuir, le parchemin, les os, l'ivoire, la corne, les dents, l'écaille, la 
baleine, les coquilles, &c.  
4° Enfin les arbres & toutes les plantes vivantes & la plupart des choses qui en dépendent, 
telles que le fil, la corde, la toile, le papier, &c.  
Ce n'est pas que ces corps ne puissent jamais devenir électriques par d'autres moyens que par la 
chaleur & le frottement, mais parce que ces deux préparations leur sont ordinairement 
insuffisantes. En effet, quoique les métaux & les liqueurs ne puissent pas devenir électriques par 
la voie du frottement, ils le deviennent très bien, comme nous le verrons dans la suite, dans la 
simple approche d'un autre corps électrisé. Il est vrai que ces corps ne peuvent manifester la 
vertu qu'ils reçoivent, que dans de certaines circonstances, & qu'ils la perdent avec la même 
facilité qu'ils la reçoivent, si on ne prend pas quelque précaution pour la leur conserver, & la 
fixer, pour ainsi dire, dans leur étendue. Cette précaution, pour le dire d'avance, consiste à 
les poser sur des corps électriques un peu élevés, & à les éloigner suffisamment de ceux qui 
pourraient leur enlever les courants de matière électrique, à mesure qu'on les répandrait sur 
eux. 
Ainsi une barre de fer deviendra électrique par l'approche d'un tube de verre frotté, si elle est 
soutenue horizontalement par deux autres tuyaux de verre bien secs, ou suspendue par des cordons de 
soie, ou enfin posée sur un pain de résine de quelques pouces d'épaisseur ; & on électrisera de 
même l'eau & les autres métaux, ainsi que tous les autres corps qui ne pouvant être électrisés 
que très peu par le frottement, sont rangés dans la classe des non-électriques. Ceux-ci 
acquérront même beaucoup plus d'électricité par le moyen que nous venons d'indiquer qu'on ne 
leur en pourrait jamais exciter en les frottant. 
Le frottement a paru nécessaire en général pour exciter les mouvements de la matière 
électrique, & rendre apparents ses effets d'attraction & de répulsion, & il y a même très peu de 
corps qui puissent devenir électriques sans cette préparation ; cependant il suffit que 
quelques-uns le soient devenus sans ce secours, ni celui de la communication, pour qu'on puisse 
conclure que le frottement n'est pas absolument essentiel à la production des effets de 
l'électricité. En effet, un gros morceau de succin ou de jayet, dont la surface est large & bien 
polie, un cône de soufre fondu dans un verre à boire bien sec, &c. conserve de la vertu 
électrique pendant des années entières & sans le secours d'aucun frottement, faible à la 
vérité, mais qui n'est pas moins bien caractérisée par l'attraction & la répulsion d'un cheveu. 
On peut joindre à ces exemples celui d'une pierre plate & orbiculaire que l'on trouve dans 
quelques-unes des rivières de Ceylan, & qui attire & repousse successivement des paillettes, sans 
qu'il soit jamais besoin de la frotter pour exciter sa vertu. 
Mais si le frottement ne paraît pas absolument nécessaire pour produire de l'électricité, on ne 
saurait nier qu'il n'y contribue infiniment ; car sans parler du plus grand nombre des corps qui 
n'ont jamais de vertu électrique qu'à force de frottement, il est constant, par des expériences 
réitérées, que ceux même qui ont cette vertu sans ce secours, produisent des effets électriques 
d'autant plus considérables qu'ils sont plus vivement frottés. 
Il est également nécessaire que les corps que l'on veut électriser par le frottement soient 
exempts de toute humidité : celle qu'ils contiendraient dans leurs pores, & qui paraît d'ailleurs 
se répandre sur eux, paraît un obstacle bien décidé à ce qu'ils deviennent électriques. On a 
beau frotter un corps humide, il n'a jamais qu'une vertu faible & languissante ; au lieu que 
lorsqu'il est bien sec, le moindre frottement suffit pour exciter la matière en abondance, & lui 
faire produire les effets les plus sensibles. De même la vertu électrique n'est jamais plus 
apparente dans un corps que lorsque l'air est bien sec & bien serein, surtout s'il souffle un vent 
frais du nord ou du nord-est : au contraire lorsque le vent est du sud ou de l'ouest, & que l'air se 
trouve chargé de vapeurs humides, les effets de l'électricité sont à peine sensibles ; en sorte 
que les corps qui ne montrent qu'une 
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