Cette surprise cesse bientôt quand on sait de quelle manière on est parvenu à le lui faire
signer.
M. Potot avait, depuis plusieurs mois, donné son consentement à ce mariage. Les marques de
bienveillance qu'il donnait à M. Ampère, l'assurance qu'il lui répétait qu'il voulait être son
second père et celui du fils qu'il avait eu de son premier mariage, devaient inspirer à M. Ampère
une entière confiance. Déjà il avait remis à M. Potot tout ce dont il pouvait disposer,
c'est-à-dire 7200 francs qu'il avait retirés de chez deux négociants de Lyon où cet argent
était placé et, par suite de cette aveugle confiance, M. Ampère dit à M. Potot qu'il s'en
remettait pour la rédaction du contrat à sa bienveillance pour lui, à sa tendresse pour sa fille.
M. Potot le fit rédiger sans lui en communiquer les articles. Il attendit pour le lui communiquer
l'époque fixée pour sa signature.
Le respectable ami de M. Ampère (2) que la mère de celui-ci, alors à Lyon, avait chargé de sa
procuration, exigea qu'on changeât quelques-uns des articles. M. Potot retira alors la promesse
qu'il avait faite à M. Ampère, ne lui permit plus l'entrée de sa maison et, comme il avait déjà
employé la plus grande partie des 7200 francs que lui avait remis M. Ampère, en présents de noces
et en meubles destinés à sa fille, il lui dit qu'il lui en remettrait le compte et ne lui rendrait
que le surplus.
M. Ampère se décida, après huit jours passés dans de cruelles agitations, à aller chercher
quelques consolations dans le pays qui l'avait vu naître et au sein de sa famille. Déjà tout
était prêt pour son départ, il devait avoir lieu le lendemain matin, quand M. Potot le fit
demander. M. Ampère se rendit chez lui. Il y trouva Mme Potot seule qui lui dit que sa fille
voulait le revoir pour lui dire un dernier adieu. M. Potot entra sur-le-champ, et s'adressant à sa
femme, il lui dit qu'il ne le permettait point, que sa fille ne mangeait plus depuis huit jours,
qu'elle avait la fièvre et qu'une pareille entrevue pouvait exposer sa vie. On sent quelle
impression ce discours dut faire sur M. Ampère. Mme Potot le mena vers sa fille, qui se montra
baignée de larmes. M. Ampère, vaincu par ses larmes et croyant aux discours de son père, lui
promit de vaincre la résistance du fondé de pouvoir de Mme Ampère, sa mère. Cet excellent et
vertueux ami lui représenta inutilement tous les maux où il allait se précipiter. L'impression
qu'il venait de recevoir était trop profonde, elle durait encore quand le contrat fut signé (3).
Dès les premiers jours de son mariage, il fut traité par Mme Potot avec tant d'indignité que
celle-ci en reçut des reproches de sa fille et que M. Ampère fut obligé de prier sa
(2) Degérando.
(3) Le contrat, signé le 31 juillet 1806 devant Me Bocquet, stipulait la séparation de biens, les
dépenses étant faites en commun et la femme étant seule propriétaire des meubles meublants et
autres effets mobiliers. Le ménage devait habiter chez les parents Potot. Le futur recevait en dot
la moitié du domaine de Poleymieux. Il n'était pas question de dot pour la future. Le mariage,
annoncé dès le 23 avril, eut lieu seulement le 1er août.
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