Journal de Bredin (d)
3 décembre 1814 (4)
[...] Ampère est parvenu au but qu'il voulait atteindre ; le voilà membre de l'Institut ; il a
été nommé au premier tour de scrutin. Ceux qui ne le connaissent pas peuvent croire qu'il se
trouve très heureux aujourd'hui ; ils se trompent. Personne au monde ne le souhaite aussi ardemment
que lui ; mais, hélas, rien n'est plus disproportionné que le plaisir qu'il éprouve en voyant
l'accomplissement de ses désirs et le chagrin que lui cause une espérance déçue ou seulement
différée. Le voilà arrivé à la plus considérable dignité que puisse obtenir un savant !
Parmi tous ces hommes dont il est à présent le collègue, il n'est pas un cerveau plus vaste et
plus puissant que le sien. Les plus complètes difficultés scientifiques sont un jeu pour André ;
les hauteurs que tant d'autres essayent péniblement de gravir se trouvent naturellement à sa
portée ; il les franchit sans le moindre effort, même sans travail apparent. La pensée du succès
ne le tourmente jamais un instant. Il aime la science bien purement, bien pour elle. Personne ne met
autant d'idées en circulation par ses conversations et par ses discussions. C'est là tout ce qui
lui plaît. [...]
(4) D'après Mme Cheuvreux, p. 82.
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