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La relation entre "atomes de matière" et électricité : l'électrolyse

Par Christine Blondel et Bertrand Wolff

"Quelle qu'en soit la source, l'électricité est identique dans sa nature"

Avec la découverte de l'induction, la "magnéto-électricité" vient s'ajouter comme nouvelle source d'électricité à celles déjà connues. La plus ancienne, produite par les machines à frottement, est dite "ordinaire" ou "commune". L'électricité "voltaïque" délivrée par les piles n'a pas complètement évincé du champ de la science l'électricité "animale", manifestée par les poissons électriques. Enfin, en 1821 Seebeck a mis en évidence l'effet thermoélectrique, qui fournit une cinquième source d'électricité. A une époque où la nature du "fluide" électrique, comme celle du "courant" électrique, restent mystérieuses, seule l'identité de leurs effets peut fonder l'identité de ces diverses électricités. Comme la plupart de ses contemporains Faraday est convaincu de cette identité mais, en 1832, il considère encore que "les preuves n'ont pas été suffisamment claires et précises pour gagner l'assentiment de tous".

Il recense alors dans le tableau ci-contre (fig. 1) les effets produits par chaque forme d'électricité ("x") : effets physiologiques, déviation d'une aiguille aimantée, aimantation d'une aiguille d'acier, étincelle, effet thermique, action chimique (électrolyse), attractions et répulsions, décharge à travers l'air à haute température. Les effets découverts entre la première (1832) et la deuxième édition des Experimental Researches in Electricity (1838) sont indiqués par des "+" et Faraday justifie les quelques effets non encore mis en évidence par l'absence de sources suffisamment puissantes.

Au terme de cette étude Faraday conclut : "Les phénomènes, dans les cinq espèces citées, diffèrent non par leur caractère mais seulement par leur degré."

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Fig. 1. "Tableau des effets communs aux électricités issues de différentes sources" [Experimental Researches, 3ème série].

Une "mesure commune" pour des "quantités d'électricité" d'origines différentes

"Le point de l'identité étant établi de façon satisfaisante, je me suis ensuite efforcé d'obtenir une mesure commune, ou une relation déterminée, entre la quantité d'électricité produite par une machine et celle produite par une pile voltaïque "

Comment mesurer, tout d'abord, la "quantité d'électricité produite par une machine" ? On estime depuis le XVIIIe siècle que la charge fournie par une machine électrique est proportionnelle au nombre de tours dont on la fait tourner. Mais cela restait très qualitatif. En chargeant diverses batteries de bouteilles de Leyde avec un même nombre de tours de sa machine électrique, puis en les déchargeant à travers son galvanomètre, Faraday vérifie que ces batteries produisent une même déviation de l'aiguille du galvanomètre. Cette déviation est indépendante des tensions différentes des batteries, mesurées par un électromètre. Faraday en conclut que le galvanomètre permet de comparer des "quantités absolues d'électricité". En outre la déviation maximale de l'aiguille du galvanomètre lui semble proportionnelle au nombre de tours de manivelle, donc à la quantité d'électricité.

En termes modernes, le galvanomètre fonctionne ici en "mode balistique". Son aiguille aimantée, mise en mouvement par le très bref courant de décharge, atteint une déviation maximale puis revient au zéro après une série de lentes oscillations autour du zéro. Si la durée de la décharge est très inférieure à la période d'oscillation de l'aiguille (une trentaine de secondes), la déviation maximale de l'aiguille mesure effectivement la quantité d'électricité qui a traversé le galvanomètre (même si elle n'y est pas rigoureusement proportionnelle).

"Le point suivant est de trouver un dispositif voltaïque [pile] qui produise un effet égal" à celui de la machine électrique, c'est-à-dire un bref courant produisant sur le galvanomètre le même effet que la décharge électrostatique. Par tâtonnement et à l'aide d'une très faible pile, Faraday parvient à produire un courant qui, en l'espace de quelques secondes, provoque la même déviation du galvanomètre que la décharge de sa batterie de bouteilles de Leyde. Il établit ainsi une correspondance entre, d'un côté, le nombre de tours de la machine et de l'autre, la durée de circulation du courant produit par la pile. Ce mode d'utilisation du galvanomètre (en "balistique") permet donc de comparer des quantités d'électricité d'origines différentes.

Faraday relève au passage "l'énorme disproportion" entre la quantité d'électricité produite par une pile et celle produite par une machine : un faible courant circulant pendant 3 s met en mouvement la même quantité d'électricité, que trente tours de la machine électrique.

Les effets chimiques de l'électricité se prêtent-ils, comme l'effet magnétique, à la comparaison entre les quantités d'électricité ? La batterie de bouteilles de Leyde et la pile sont successivement mises en communication avec des bandelettes de papier imprégnées d'une solution dont la décomposition chimique produit des taches colorées. Faraday retrouve le même rapport entre la durée de circulation du courant dans la pile et le nombre de tours de la machine électrique produisant le même effet chimique. En outre l'effet chimique lui semble, comme la déviation du galvanomètre, "en proportion directe de la quantité d'électricité qui est passée".

Pour Faraday, cette série d'expériences confirme l'identité entre électricité commune et électricité voltaïque en offrant deux moyens différents - magnétique et chimique - de comparer des quantités d'électricité. Le galvanomètre (balistique) permet seulement de mesurer les quantités d'électricité produites par un courant de très courte durée. Pour mesurer les quantités transportées par des courants continus, Faraday reprend donc l'effet chimique, point de départ d'une étude systématique des "décompositions chimiques".

Un nouvel instrument de mesure : le voltamètre

L'observation des taches colorées sur une bande de papier restait très qualitative et Faraday se tourne vers l'électrolyse de l'eau. Utiliser la quantité de gaz produite lors de la décomposition de l'eau par le courant, pour évaluer "l'énergie" d'un courant, n'est pas une nouveauté. Mais avec Faraday l'électrolyse de l'eau fournit le principe d'un nouvel instrument de mesure, explicitement destiné à la mesure des quantités d'électricité et qu'il nomme voltamètre (fig.2). Entre ses mains, cet appareil devient un instrument de précision : en chimiste averti, il applique à la mesure des volumes d'hydrogène et d'oxygène dégagés les corrections relatives à la pression, à la température et à la présence de vapeur d'eau, conformément aux instructions détaillées qu'il donnait en 1827 dans ses Chemical Manipulations. La "quantité d'électricité" acquiert ainsi le statut d'une grandeur physique définie expérimentalement.

Fig.2. La décomposition de l'eau par le courant, principe du voltamètre.
[Faraday, On the Various Forces of Matter, 1860]

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L'étude de l'électrolyse : un intérêt ancien et profond pour l'unité des forces de la nature

Le nom de Faraday est attaché aux "lois de l'électrolyse" tout autant qu'à la découverte de l'induction. De fait il a consacré à cette question deux années de travail acharné où on le voit accorder une importance aux aspects quantitatifs tout à fait exceptionnelle chez lui, du moins en physique. Comme on vient de le voir, c'est la recherche d'une définition expérimentale de la quantité d'électricité circulant pendant un temps donné dans un circuit qui l'amène à s'intéresser à l'électrolyse. Mais cette question renouvelle un intérêt plus ancien. Avec son maître Davy qui a isolé en 1807 le potassium par électrolyse de la potasse, puis le sodium par électrolyse de la soude, il s'est déjà intéressé au pouvoir séparateur de l'électricité. Enfin, Faraday exprime sa préoccupation concernant l'unité des "forces de la nature". Comme l'avait déjà supposé Davy, parmi d'autres, l'affinité chimique ne serait-elle pas une manifestation de la force électrique ? Et si les "puissances" électriques et chimiques obéissent à des lois identiques, ne seraient-elles pas en fait une même puissance ?

Conduction électrique et décomposition chimique : deux phénomènes liés

Lorsque Faraday entreprend l'étude de l'électrolyse, une constatation surprenante l'entraîne momentanément dans une autre direction : la glace se comporte comme un isolant alors que l'eau est conductrice. A partir des cas connus (métaux, soufre, phosphore, corps gras,...), la plupart des chimistes considèrent alors que le caractère conducteur ou isolant d'un corps est indépendant de son état physique, solide ou liquide. Faraday se lance dans une étude systématique et dresse une longue liste de "sels" (oxydes, chlorures, nitrates, phosphates,...) qui sont isolants à l'état solide et deviennent conducteurs une fois fondus. Dans tous les cas, constate-t-il, le passage du courant dans le sel fondu s'accompagne de sa décomposition chimique : des produits nouveaux apparaissent aux électrodes. Faraday en tire une "loi très générale de la conduction électrique, méconnue jusqu'ici" : les solides isolants qui deviennent conducteurs à l'état liquide sont décomposés chimiquement, et il n'y a pour ces corps pas de conduction sans décomposition.

L'insistance de Faraday sur le "caractère nouveau et extraordinaire" de cette loi peut surprendre : Davy a décomposé la soude et la potasse fondues dès 1807. Mais Davy soutenait que la présence d'eau est indispensable à toute électrolyse. A cette opinion, encore dominante en 1833, Faraday oppose la liste des sels, isolants à l'état solide, que l'électrolyse décompose lorsqu'ils sont fondus et qui sont en outre bien meilleurs conducteurs que l'eau.

Le lien entre passage du courant et décomposition chimique amène Faraday à s'interroger : la conduction ne serait-elle pas la conséquence plutôt que la cause de la décomposition chimique ? Et si la glace est isolante, ne serait-ce pas parce que ses particules ne peuvent pas se décomposer, simplement du fait de leur fixité ?

Ce détour par l'étude de l'électrolyse d'un grand nombre de sels fondus fournit à Faraday un riche matériau expérimental pour avancer dans l'étude des lois de l'électrolyse.

"La décomposition électrochimique ne dépend en rien d'une attraction ou répulsion directe des pôles"

Les hypothèses proposées à l'époque, en particulier par Grotthus, pour expliquer le mécanisme de l'électrolyse s'accordent en général sur le rôle des forces électrostatiques d'attraction et de répulsion exercées par les deux "pôles" de la cuve à électrolyse sur les "molécules" de l'électrolyte qui les entourent immédiatement et sur une action de molécule à molécule à l'intérieur du liquide.

Faraday rejette cette conception. En effet ses mesures montrent que les quantités de matière décomposées par le passage d'une même quantité d'électricité sont indépendantes de la forme et de la distance des "pôles". Cette indépendance lui semble incompatible avec une action électrostatique décroissant avec la distance.

Pour mettre à l'épreuve l'interprétation électrostatique de l'électrolyse, Faraday conçoit une expérience très ingénieuse où le passage du courant se fait, par l'intermédiaire de décharges à travers l'air, entre deux pointes métalliques reliées à une machine électrique et des bandes de papier imprégnées d'une solution saline (fig. 3). Il observe qu'il y a encore électrolyse, les produits de décomposition de la solution apparaissant aux extrémités des bandes de papier.

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                        Fig. 3. L'électrolyse par conduction à travers l'air.
Les pointes n et p sont reliées à une machine électrique. Les bandes de papier "a-b" sont imprégnées d'une solution saline et d'indicateurs colorés. L'électrolyse se produit de manière identique dans toutes les bandes de papier.

De cette expérience, où les produits de décomposition apparaissent en dehors des pôles, Faraday conclut que la décomposition électrochimique ne dépend pas d'une attraction ou d'une répulsion électrostatique exercée par les électrodes sur les molécules voisines : "la force déterminante" s'exerce à l'intérieur de l'électrolyte même si les produits de l'électrolyse se dégagent aux extrémités de la substance en décomposition. Lors de l'électrolyse, la décomposition, provoquée par le passage du courant, se produit dans tout le liquide : "Ce qu'on appelle habituellement les pôles ne sont rien d'autre que les portes par lesquelles le courant électrique entre ou sort du corps en décomposition".

En même temps Faraday s'exprime avec la plus grande prudence sur la nature du courant électrique : "Par courant j'entends quelque chose de progressif, que ce soit un fluide électrique, ou deux fluides... ou simplement des vibrations, ou en parlant encore plus généralement, des forces progressives".

A conceptions nouvelles, vocabulaire nouveau

"La théorie que je crois être l'expression correcte des faits [...] est en si grand désaccord avec celles avancées jusque là, que j'éprouve la plus grande difficulté à exprimer correctement mes résultats en me limitant à l'emploi des termes habituellement utilisés."

Pour Faraday les termes usuels font tort à la science lorsqu'ils restreignent les perspectives et, comme Lavoisier pour la chimie, il cherche à forger un vocabulaire nouveau "pour éviter confusion et périphrases". A cette fin Faraday fait appel à son ami William Whewell, mathématicien et philosophe, féru de toutes les sciences.

Un des termes à éviter pour Faraday est celui de "pôle, positif ou négatif, et l'idée d'attraction ou de répulsion qui lui est associée". Il propose de le remplacer par électrode. Suivent les termes anode (du grec ano : montant et odos : chemin) pour l'électrode d'entrée du courant dans le liquide, cathode pour l'électrode de sortie du courant (cata : descendant), électrolyte et électrolyse, et enfin anions ou cations pour les particules (ions) qui se dirigent respectivement vers l'anode et vers la cathode. Avec ces termes, neutres du point de vue électrique, Faraday rejette la désignation usuelle de ces entités comme électronégatives ou électropositives qui évoque trop à ses yeux une attraction de nature électrostatique par des pôles positifs ou négatifs.

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Fig. 4. Faraday illustre sa nouvelle nomenclature.

Les lois de l'électrolyse

A partir d'un très grand nombre de mesures mettant en relation les masses de produits dégagés par électrolyse et les quantités d'électricité correspondantes, mesurées avec son voltamètre, Faraday formule les deux lois suivantes :

(1) La masse des produits libérés pendant un temps donné est proportionnelle à la quantité d'électricité qui traverse l'électrolyte pendant ce temps. Cette masse est indépendante des caractéristiques géométriques de la cuve à électrolyse et des électrodes ainsi que de la concentration de l'électrolyte.

(2) Les équivalents électrochimiques coïncident avec les équivalents chimiques, ou autrement dit : 
Quel que soit l'électrolyte, la quantité d'électricité qui libère un équivalent chimique d'un corps est toujours la même.

La formulation de la deuxième loi n'est pas la formulation actuelle. Elle se réfère à la notion d'équivalent chimique, qui appartient à la science de l'époque. Les chimistes avaient montré que lors d'une réaction chimique les corps se combinent toujours dans des rapports constants : 1 g d'hydrogène se combine à 8 g d'oxygène (pour former 9 g d'eau) ou à 35,5 g de chlore (pour former 36,5 g de chlorure d'hydrogène). Ces masses étaient dites "équivalentes", d'où les "nombres équivalents" : 1 pour l'hydrogène, 8 pour l'oxygène, 35,5 pour le chlore, etc.

Faraday montre qu'il faut la même quantité d'électricité pour dégager par électrolyse 1 g d'hydrogène, ou 8 g d'oxygène, ou 35,5 g de chlore (aux erreurs expérimentales près), ou la masse équivalente de tout corps dégagé par l'électrolyse d'une solution aqueuse ou d'un sel fondu. Ce sont ces masses que Faraday baptise "équivalents électrochimiques", et pour lesquelles il obtient des valeurs très proches de celles des équivalents déterminés par les chimistes.

La formulation actuelle de la deuxième loi de l'électrolyse fait intervenir la structure atomique des molécules. Par exemple sachant que 8 g d'oxygène se combinent à 1 g d'hydrogène pour former 9 g d'eau (H2O), on en déduit que la masse de l'atome d'oxygène est 16 fois la masse de l'atome d'hydrogène.
Expression moderne de la loi (2) : 
Le passage d'une quantité d'électricité égale à N fois la charge d'un électron libère à chaque électrode une quantité de matière égale à N/n atomes, n étant la valence de cet élément, c'est-à-dire la charge de l'ion correspondant, et N le nombre d'Avogadro (6,02.1023).
(Cette quantité d'électricité, égale à 96500 coulombs, est transportée par un courant de 1 ampère en 27 heures environ.)

"Quelle énorme quantité d'électricité il faut pour décomposer un seul grain d'eau ! "

Faraday constate avec "émerveillement" que la destruction des liaisons chimiques par l'électrolyse met en jeu des quantités d'électricité considérables. Ainsi décomposer 0,06 g d'eau (soit environ un grain, unité de masse anglaise), nécessite l'action d'une forte pile pendant plusieurs minutes. Cette quantité d'électricité, mise en mouvement dans la pile par la consommation d'une très faible masse de zinc, correspond à des centaines de milliers de tours d'une machine électrique. Faraday montre en outre que la quantité d'électricité libérée par la consommation d'une certaine masse de zinc dans la pile est égale à la quantité d'électricité consommée lors du dépôt de cette même masse de zinc par électrolyse. Cette réciprocité des transformations en jeu dans la pile et dans l'électrolyse s'applique en principe à toutes les électrolyses, et donc à celle de l'eau : 

"Si la puissance électrique qui maintient combinés l'oxygène et l'hydrogène [dans une certaine masse d'eau] pouvait être lancée sous forme d'un courant, ce serait exactement le courant requis pour séparer à nouveau [cette même masse] d'eau en ses éléments."

On remarquera que l'idée d'utiliser la réaction inverse de l'électrolyse de l'eau pour produire un courant électrique constitue le principe de la pile à combustible à hydrogène. Si un modèle de laboratoire d'une telle pile fut proposé dans les années 1840, le coût et les difficultés de mise en uvre de cette réaction (formation d'eau à partir d'hydrogène et d'oxygène gazeux) en ont prévenu l'usage jusqu'aux années 1960, lors des missions spatiales.

De fait Faraday entrouvre une porte sur le futur en généralisant la possibilité de ce que nous appelons aujourd'hui la conversion de l'énergie chimique en énergie électrique : 

"N'y a-t-il pas, alors, de grandes raisons d'espérer et croire que... nous serons capables... d'inventer de nouveaux instruments qui surpasseront en énergie un millier de fois ceux que nous possédons actuellement ?"

"Les atomes de matière sont en quelque manière dotés de puissances électriques..."

Faraday exprime à plusieurs reprises sa conviction que les "forces de combinaison chimique" sont de nature électrique. Bien qu'il répugne à toute hypothèse au niveau microscopique, il est poussé par les lois qu'il a formulées à une interprétation de l'électrolyse faisant intervenir les atomes : 

"Bien que nous ne sachions rien de ce qu'est un atome, nous ne pouvons nous empêcher de nous en former l'idée d'une petite particule qui nous le représente à l'esprit ; et bien que notre ignorance de l'électricité soit égale, ou même plus grande... il y a cependant un nombre immense de faits qui nous autorisent à croire que les atomes de matière sont en quelque manière dotés de puissances électriques, ou sont associés à ces puissances, auxquelles ils doivent leur qualités les plus marquantes, notamment leurs affinités mutuelles."

"Les masses équivalentes des corps sont simplement des quantités de ceux-ci qui contiennent une même quantité d'électricité [...]. Ou, si nous adoptons la théorie atomique ou sa phraséologie, les atomes des corps équivalents dans leur action chimique ordinaire ont des quantités égales d'électricité qui leur sont naturellement associées. Mais je dois avouer que je répugne à employer le mot atome, car s'il est très facile de parler d'atomes, il est très difficile de s'en faire une idée claire..."

Le fait que la science actuelle ait adopté les termes de Faraday (ions, cations, anions,etc.) pourrait conduire à identifier de façon abusive ses conceptions et les nôtres où chaque ion est porteur d'un nombre entier de charges élémentaires. Pour Faraday les anions et les cations sont des entités mobiles à l'intérieur de l'électrolyte, mais il ne précise pas davantage ce que sont ces "atomes pourvus de puissance électrique" et on ne peut les assimiler à des particules qui échangeraient des charges avec les électrodes. Cependant, bien que Faraday se défende sans cesse contre l'idée d'atome, sa formulation des lois de l'électrolyse a constitué un atout majeur pour les partisans de la théorie atomique, opposés aux "équivalentistes" tout au long du XIXe siècle, jusqu'à la mise en évidence de l'électron à la fin du siècle.

Pour en savoir plus

FARADAY, Michael. Experimental Researches in Electricity, vol. 1, 1839, series 3 à 7 [Lire sur Gallica].
JAMES, Frank A. J. L., Michael Faraday : A Very Short Introduction, Oxford, Oxford University Press, 2011.

 

Une bibliographie de "sources secondaires" sur l'histoire de l'électricité.



Mise en ligne : octobre 2010 (dernière révision : septembre 2011)