Couppier, Jean-Stanislas à Ampère, André-Marie
Au Citoyen Manin, rue Puits-du-Sel, maison Valton n° 65, pour remettre au C. Ampère, à Lyon
[La Terrière ?],
Ce lundi 30 9bre [1795] Je commence aujourd'hui ma lettre, quoique mon intention soit de la faire partir dimanche
seulement pour que vous la receviez huit jours après celle datée de vendredi, et
comme cela notre correspondance sera réglée. Il faudra tâcher de nous
arranger pour qu'elle soit la plus prompte possible. Je ne sais point encore comment nous
pourrons nous y prendre pour cela, car jusqu'à présent nous avons
éprouvé des retards dont je ne peux pas comprendre la cause. Votre lettre par
exemple du 15 de ce mois, ne m'est arrivée que le 25. Il me paraît cependant que
vous avez des occasions pour la ville les lundis et les samedis, or si vous aviez pu la faire
mettre le lundi 15 à la poste, elle aurait dû me parvenir le mercredi 17 pourvu
qu'elle y eût été avant 11 heures. Celles que vous faites mettre dans le
courant de la semaine, jusqu'au jeudi matin inclusivement, doivent me parvenir le samedi. Pour
moi, je tâche de vous écrire par un marchand de toiles chez qui j'envoie mes
lettres le dimanche et qui les met à la petite poste le mardi matin. C'est par cette
voie que celle-ci et la précédente vous parviendront. Votre dernière
lettre, Monsieur, m'a fait d'autant plus de plaisir, que je m'attendais moins à la
recevoir. J'ai été tout étonné de la recevoir trois jours
après la précédente, faute d'avoir réfléchi qu'elle avait
cependant mis bien du temps en route. Je suis on ne peut plus satisfait de la complaisance que
vous voulez bien avoir de me parler en détail de tout ce qui vous occupe, et quoique
vous paraissiez craindre que je ne m'en ennuie, je puis vous assurer qu'au contraire rien ne
m'intéresse tant, parce que vous remplacez par là autant qu'il est possible les
conversations que nous avions autrefois ensemble et que je trouvais toujours beaucoup trop
courtes. D'ailleurs les matières que vous traitez me rappellent une multitude de choses
dont je me je suis occupé un temps et dont je suis charmé de trouver une occasion
aussi agréable pour m'en rafraîchir la mémoire. Venons-en à votre
instrument. Vous avez bien tort de croire que je puisse mieux juger que vous de la bonté
de votre instrument. Mais puisque vous voulez absolument que je vous en dise mon avis, voici ce
que j'en pense. Il me paraît très bien inventé, mais je ne comprends pas
bien comment on peut s'en servir pour mesurer des angles aussi grands que ceux dont vous me
parlez. Car il faudrait pour cela que le premier oculaire fût d'un foyer
extrêmement court ou qu'il fût très large, et par conséquent fort
épais pour rassembler les rayons venant des deux astres éloignés de trente
degrés. Or vous savez que, dans l'un et l'autre cas, les images des objets ne sont point
nettes. Le second oculaire augmentera encore le défaut de netteté, parce que,
comme vous le savez, l'on ne peut pas grossir les images des objets avec les lunettes
au-delà d'un certain point sans diminuer beaucoup la netteté et votre
construction me parait augmenter beaucoup la grosseur des objets. En second lieu, il est
impossible de faire une bien bonne lunette qui n'ait que 6 pouces de longueur. Par
conséquent vous ne pourrez pas voir un bien grand nombre d'étoiles avec cet
instrument. Enfin, il me parait difficile qu'il soit entièrement exact, étant
aussi réduit. Le micromètre pourra bien marquer des divisions très
petites, mais je ne sais s'il les marquera bien exactement, car la projection de la division
des instruments a des bornes. Je vous prie de considérer toutes ces réflexions
plutôt comme des doutes que comme des objections, car outre que j'entends fort peu cette
matière, je ne suis point convaincu de tout ce que je vous dis et je ne le
considère que comme des points sur lesquels je vous prie de m'éclaircir. Au reste
tout cela n'empêchera pas que votre instrument ne pût être fort utile, car
à supposer même qu'il ne pût pas servir à mesurer des angles de
30°, on n'a pas besoin d'en mesurer d'aussi grands. Pour que vous jugiez combien
vous devez faire peu de fond sur mes remarques, je vous dirai que je ne sais point comment le
micromètre s'adapte aux instruments, ni quels sont les instruments auxquels on l'ajoute
ordinairement. Vous me feriez plaisir de me donner des éclaircissements
là-dessus. Et puisque vous me rappelez beaucoup d'instruments que je ne connais
guère, je profiterai de cette occasion pour vous faire plusieurs questions à ce
sujet, auxquelles je vous prie de me répondre, si cela ne vous ennuie pas, car je crois
que c'est vraiment abuser de votre complaisance que de vous questionner ainsi continuellement,
tandis que je n'ai point assez de connaissances pour vous rendre le même service que vous
voulez bien me rendre. Vous m'avez d'abord parlé du secteur de Flamsteed dont on
se sert pour déterminer la position d'un astre en le comparant à deux autres. Je
vous dirai que je ne connaissais point cette manière de déterminer la position
d'un astre. Je croyais qu'on ne se servait de cet instrument que pour déterminer la
hauteur méridienne d'une étoile, afin de connaître la latitude d'un lieu.
Car il me semble que M.M. Maupertuis, etc., qui ont mesuré un arc de méridien,
ont porté dans leur voyage un secteur de 10 ou 15 pieds. Mais je ne comprends pas bien
quel usage ils pouvaient en faire. Vous me parlez aussi de l'octant de Hadley. Je croyais
qu'il ne servait qu'à prendre les hauteurs en mer et autant que je puis m'en rappeler,
on dirige la lunette contre l'horizon et l'alidade porte le miroir qui réfléchit
le rayon de lumière venant de l'astre. Je ne comprends pas trop comment on peut se
servir de cet instrument la nuit et encore moins comment on peut corriger le défaut dont
vous parlez, qui est que le miroir empêche nécessairement le rayon direct de
[venir ?]. Puisque nous en sommes à la navigation, je vous demanderai encore
comment on détermine la longitude et la latitude sur mer, et surtout la manière
dont le font les pilotes peu instruits, comme le sont le plus grand nombre, qui ne font point
de calculs pour cela. Vous m'avez parlé de l'héliomètre. Je ne
comprends point comment on peut s'en servir pour mesurer un angle fort petit. Car les deux
objectifs ayant un certain diamètre et ne pouvant point se croiser, les rayons qui
passent par le centre de l'un et de l'autre doivent être d'abord fort
éloignés l'un de l'autre. [voir figure sur fac-similé] Enfin, vous me parlez du micromètre. Je ne me
rappelle point comment on l'adapte. J'ai honte, Monsieur, de vous demander tant de
choses. Mais j'ai tant de plaisir à recevoir des instructions de vous que je vous
demande tout ce que j'ignore. Comme vous vous êtes occupé des
éclipses, vous savez bien sans doute qu'il n'y en a point de visible cette année
en France. Seulement celle du 4 juillet sera centrale en Asie, mais nous ne voulons pas aller
faire le voyage d'Asie pour la voir. Il faut attendre une année plus heureuse. Je
vous plains bien d'être réduit comme moi à garder la maison, mais il me
paraît que le froid qui vous ôte les jambes ne glace pas votre imagination, comme
vous vous en plaignez. Les vers que vous m'avez envoyés le prouvent bien. Ils rendent
très bien l'idée de l'original, sont d'une diction très facile, et s'il
s'y trouve quelques vices contre les règles de la langue, ils ne valent pas la peine
qu'on y fasse attention. Vous avez bien tort de vous adresser à moi pour savoir ce qu'on
pourrait y changer. Je ne me connais nullement en poésie, ayant fort peu lu de
poètes et n'ayant aucune aptitude à faire des vers. Si cependant je croyais y
apercevoir quelque défaut, ce serait celui de n'être pas assez cadencés, de
sorte que si l'on fait abstraction de la rime, les hémistiches et les fins de vers se
font trop peu sentir. Cela provient, comme vous le savez, de la construction poétique
des phrases, qui doit être fort différente de celle de la prose et encore des
repos dans le sens qui doivent se placer naturellement à la fin et au milieu des grands
vers. Les vers qui me paraissent les plus éloignés de ce vice sont ceux-ci :
Je veux dans mes écrits éterniser leur gloire et
vainqueur du trépas Te placer pour jamais au temple de
mémoire.
Les derniers vers depuis : Ce ne sont point les dons de l'aveugle Fortune
jusqu'à la fin de l'ode, ont bien aussi leur mérite. Mais je ne sais
comment j'ai osé faire cette critique, tandis que je sens que je ne me connais nullement
en ce genre ; aussi je vous prierai de ne regarder tout ce que je vous ai dit là-dessus
que comme des doutes qui me viennent à l'esprit et en effet, je ne suis sûr de
rien. Vous me parlez du mot conduit que vous avez mis à la place de
traînés. Je crois que vous avez très bien fait. Car il me
paraît fort douteux qu'on pût supporter ce défaut de concordance.
Quoique je ne sois point connaisseur, cela n'empêche pas que vous m'ayez fait beaucoup de
plaisir en m'envoyant cette ode et je vous prie d'avoir la même bonté, toutes les
fois que vous en avez l'occasion. Je vous félicite, Monsieur, d'avoir si bien
réussi à apprendre la grammaire à Madlle votre sœur ;
mais ne n'en suis pas étonné, connaissant la manière dont vous la
possédez. D'ailleurs je suis bien persuadé que Madlle votre sœur
a la même facilité que le reste de sa famille pour acquérir des
connaissances. Puisque j'en suis à la grammaire, vous me permettrez de faire une
réflexion sur ce que vous me dites au sujet des temps composés. Je ne sais si
c'est vraiment un abus qui les a introduit dans les grammaires ; mais il me semble cependant
qu'il ne faudrait pas les confondre avec les mots je vais, je dois joints aux
infinitifs. Car ces mots ajoutent presque toujours une idée accessoire à celle du
verbe à l'infinitif qui les suit. Au lieu que les différents temps du verbe
avoir qui précèdent les participes des autres verbes n'y ajoutent
absolument rien : ils ne servent qu'à déterminer le moment où l'on a fait
l'action. Par exemple : j'irai manger exprime, outre l'idée de manger, celle de
se transporter quelque part pour cette action ; au lieu que je mangerai n'exprime rien
[d']autre. Voilà la seconde fois que je me mets à parler de ce que je
n'entends pas ; car je ne me rappelle pas seulement des conjugaisons. Je pense comme vous
sur le suppositif des Latins. Il me semble en effet qu'il ne leur manquait pas et que si les
mêmes mots exprimaient chez eux deux temps différents, ce défaut est commun
à toutes les langues. Quoique vous ne puissiez faire aucun cas de mon jugement
dans cette matière que je connais à peine, vous me faites toujours beaucoup de
plaisir en me communiquant vos idées sur tout ce qui vous occupe et votre
dernière lettre me plait beaucoup à cause de cela. Vous me demandez,
Monsieur, quelles sont les entreprises qui m'occupent. C'est bien moi qui pourrais dire avec
plus de sujet que vous que mon esprit est glacé. Je n'ai presque aucune occupation, il
ne me vient aucune réflexion et, si ce n'est le temps que j'emploie à lire et
relire vos lettres et à y répondre, je suis toujours auprès du feu
où je place à peine quelques mots à la conversation de ma famille. Si je
continue ainsi tout l'hiver, j'en sortirai à peu près comme la marmotte, sans
aucun souvenir de tout le temps de mon assoupissement. Il ne me reste même plus la
ressource du reversi. Depuis qu'il m'a [persécuté] si méchamment, je ne
m'y présente plus que pour remplacer quelques moments les acteurs fatigués. C'est
alors que je brave le sort qui me poursuit. Car au lieu de viser à gagner, je ne cherche
plus qu'à faire faire aux autres des coups malheureux et intéressants, quoiqu'il
puisse m'en coûter. Je ne sais, Monsieur, si vous avez quelquefois
l'agrément de la société pour vous distraire de vos occupations trop
sérieuses. Quant à moi j'en suis absolument dépourvu à
Claveisolles. Je crois en vérité qu'il y a peu de coins dans la France où
elle soit aussi rare, car en m'étendant à trois lieues à la ronde, je ne
connais qu'un ci-devant vicomte, M. Delanghac [de Langeac?], qui est un homme d'esprit, un
littérateur, mais si sauvage qu'il ne quitte pas quatre fois par an son château,
si ce n'est pour se promener. Nous avons encore dans notre voisinage pour une huitaine
seulement une femme de beaucoup d'esprit, ayant le ton de la Cour, où elle a
été longtemps auprès de Made d'Artois et, ce que j'estime plus
que tout cela, très instruite. C'est une femme qui a beaucoup voyagé et beaucoup
lu, une femme enfin avec qui on peut parler de tout. Mais vous savez qu'avec les femmes, on ne
peut pas discuter longtemps la même matière. Au reste je ne peux point l'aller
voir et elle n'est pas venue ici depuis mon retour de la Terrière, mais je ne la
regrette cependant guère. C'est Made de Vaubuel [Vauxborel], fille du
défunt le maréchal de Vau [Vaux]. Quoique le temps me paraisse presque
toujours fort long, on dirait qu'il est encore trop court, car je le pousse bien avant dans la
nuit. Le plus souvent ce n'est que pour me dédommager du moment où je suis
forcé de garder la maison. Mais quand il fait un temps serein, je m'occupe à
observer le ciel et j'y trouverai bien plus de plaisir quand vous me servirez de guide, comme
vous avez déjà eu la bonté de le faire. J'attends avec un grand
empressement la suite de vos leçons. Vous me ferez plaisir de me conduire d'abord dans
la partie du firmament qui se couche d'abord après la fin du crépuscule. Parce
que si je ne l'examine pas d'abord, il me faudra attendre plus de trois mois avant de la voir
reparaître encore, mais je vous le répète : ce n'est qu'autant que cela ne
vous ennuiera pas. La comète m'occupe toujours beaucoup. J'ai cherché
inutilement à la voir. Mais je ne connais point assez cette partie du ciel, je ne
connais dans Hercule que la tête et encore n'en suis-je pas sûr. J'ai vu aux
environs plusieurs étoiles de 2ème ou 3ème grandeur,
mais je ne sais point si cette comète est plus apparente que la plus petite
étoile. Vous me ferez plaisir de me dire ce que l'astronome entend quand il dit qu'elle
est petite : si vous imaginez que ce ne soit que par la distance, si vous croyez qu'elle
devienne beaucoup plus visible dans une autre partie de sa course, si enfin toutes les
comètes prennent une queue ou une barbe en approchant du Soleil. Je ne sais rien
là-dessus. Vous me feriez bien un plus grand plaisir, si vous pouviez m'apprendre que
vous l'avez trouvée. La méthode de M. de Lalande pour évaluer la
clarté des planètes ne me paraît pas avoir plus de rapport que la mienne
avec l'expérience. J'ai voulu en faire le calcul et voici les nombres que le calcul m'a
donnés : Mercure : 14 Vénus : 418 Mars : 136 Jupiter :
633 Saturne : 115 Herschel [Uranus] : 4 ¼ Si je n'ai pas fait quelque
erreur bien grossière, vous voyez que la règle de M. de Lalande est bien fautive.
Car il s'en suivrait que Jupiter est plus brillant que Vénus et qu'il y a une bien
petite différence entre Mars et Saturne. J'ai supposé la distance de Vénus
à la Terre telle que vous m'avez dit qu'il fallait pour le maximum, et pour les autres
planètes, je les ai de même placées dans l'aspect où se trouve le
maximum, c'est-à-dire les planètes supérieures en opposition et Mercure
à peu près dans les quadratures. J'imagine que peut-être M. de Lalande a
entendu donner par là le rapport de grandeur, c'est-à-dire la surface que
paraissent nous présenter les planètes, ce qui est bien différent de la
quantité de lumière qu'elles nous envoient. J'ai calculé la position
de Mars au 1er Xbre et je lui ai trouvé environ 6signes
16degrés de longitude. Ainsi il ne doit pas être fort loin de l'Epi de
la Vierge. Vénus, qui n'a point paru depuis très longtemps, sera bientôt
visible, si je n'ai point fait d'erreur dans mes calculs ; car le 1er
Xbre elle aura 10° de longitude de plus que le Soleil et le premier janvier elle
en aura 16. Ainsi toutes les planètes seront d'abord visibles. Car Mercure l'est tous
les mois. Je vous ai dit, Monsieur, que je n'avais pas d'autre occupation que celle de
vous écrire, aussi je tâche d'en ménager le plaisir. Voici aujourd'hui
jeudi 4 jours que j'ai commencé cette lettre. Tous les jours, j'y ajoute quelque chose
et si je continue ainsi jusqu'à samedi, je finirai par bien des verbiages ; mais
j'espère que vous voudrez bien me permettre ce plaisir. Peut-être m'arrivera-t-il
souvent ensuite que je n'aurai presque rien à vous écrire et je compterai encore
alors sur votre indulgence pour excuser ma brièveté, comme cette fois-ci vous me
pardonnez ma démangeaison d'écrire. Il n'y a pas longtemps que j'ai vu
encore quelque chose dans les journaux sur les ballons. Les Français en ayant
élevé un, près d'une place ennemie, un coup de fusil tiré par un
homme caché le fit tomber, mais sans accident fâcheux. Je n'aurais pas cru qu'un
trou fait par une balle pût faire tomber un ballon. Cela me fait croire que, sans doute,
on les fait maintenant au gaz, car l'air échauffé se renouvellerait assez vite
pour ne pas craindre cet accident. D'ailleurs j'imagine que l'appareil des ballons au feu est
trop embarrassant pour s'en servir dans une occasion pareille. Puisque vous voulez que je
vous dise tout, il faut que je vous parle d'une chose qui a fait pendant longtemps tout mon
plaisir : ce sont les abeilles. J'avais acheté, il y a 7 ans, une vingtaine de ruches
pour m'en faire un petit revenu. Cela me donna l'idée de lire ce que les naturalistes
ont écrit sur ces insectes. J'en lus plusieurs. Je passai ensuite aux auteurs qui ne
traitent que des moyens d'en tirer plus de profit. Je fis de grands extraits du tout. Je ne me
contentai pas de cela ; je voulus mettre en pratique les méthodes pour les conduire que
je jugeai les meilleures. Je fis faire un nouveau rucher et des ruches neuves ; mais mes
malheureuses abeilles, loin de répondre à mes soins, ont presque toutes
péri, soit que je ne pus pas les veiller par moi-même, étant toujours
à la ville, soit que les saisons et surtout les hivers aient été
très contraires à leur multiplication. Je n'ai plus maintenant que deux ruches,
pour lesquelles je ne conserve qu'un faible attachement. Comme elles sont en très bon
état, je compte en profiter pour faire des expériences sur les essaims
artificiels. Depuis que j'ai commencé ma lettre, j'ai réfléchi
à ce que vous me dites de l'octant de Hadley dans votre dernière lettre et je ne
le comprends point. D'après ce que vous dites, il paraît que le miroir ab [voir
figure sur fac-similé] est perpendiculaire à la direction de l'alidade cd, et
fixé à cette alidade. Le miroir ef est perpendiculaire à la direction de
la lunette gh. Comment est-il donc possible que le rayon sq vienne, après la
réflexion sur le miroir ab, tomber sur le miroir ef, et quand il y tomberait, comment
pourrait-il entrer dans la lunette, les angles de réflexion étant égaux
aux angles d'incidence ? Je ne peux point me rappeler la construction de cet instrument, que
j'ai cependant vu dans l'Encyclopédie. Comme je vois que je n'ai plus rien
d'intéressant à vous écrire, il faut que je vous parle de la pluie et du
beau temps. Depuis une huitaine de jours nous n'avons ni l'une ni l'autre, mais il fait bien le
temps le plus ennuyeux qu'on puisse imaginer. C'est un brouillard épais qui couvre le
sommet de nos montagnes et qui descend quelquefois jusqu'à la rivière, et
perpétuellement il tombe des bruines, en gouttes insensibles ; quoique souvent
l'atmosphère se découvre un peu vers le zénith, et c'est
précisément ce qui m'ennuie, parce qu'apercevant de temps à autre quelques
étoiles je conserve l'espérance de pouvoir les observer. Mais c'est toujours la
même chose : je n'en puis jamais voir plus de trois ou quatre à la fois et encore
cela ne dure-t-il qu'un moment. J'imagine que vous n'avez pas le même temps à
Poleymieux. Ce dimanche matin. Je n'ai point reçu hier au soir votre
lettre, comme j'avais bien le droit de l'attendre puisque la semaine est passée. C'est
une grande privation pour moi, mais je suis bien persuadé qu'il n'y a pas de votre
faute. J'espère qu'elle sera renvoyée à mercredi. Quoiqu'il en soit, je
continuerai toujours à vous écrire toutes les semaines par la même voie. Je viens enfin de voir le firmament à découvert. J'eus le plaisir hier au soir
de voir toutes les étoiles, mais cela ne dura qu'une demi heure. J'eus le temps de
vérifier tous vos renseignements sur la position des étoiles, excepté sur
celle des Ânes, du Ca[ncer] [coupure] que Regulus n'était pas encore levé.
Ils sont tous très [coupure] très exacts. Il n'y a que les cornes du
Bélier sur lesquelles [coupure] léger doute. La ligne tirée de la
tête d'Andromède [coupure] ne me paraît point passer juste entre les deux
étoiles des cornes du Bélier, mais plutôt par la corne la plus
boréale. Afin que vous puissiez juger si je ne me suis point mépris sur la
position de ces étoiles, je vous dirai qu'elles sont toutes deux à peu
près également brillantes, c'est-à-dire entre la 2ème et
3ème grandeur et qu'une ligne menée de l'une à l'autre doit
passer en la prolongeant par la Chèvre. Mon auteur parle d'une étoile de
3ème grandeur, que je n'ai point pu découvrir, c'est la principale du
Fourneau chimique. Elle a 1signe 15° ¼ d'ascension droite et 30° de
déclinaison australe. Je ne vois que de très petites étoiles près
de cette position. [sur un morceau de feuille inséré dans une
double-p.] On vient de me rapporter hier au soir cette lettre, que je croyais partie.
L'homme qui devait la porter à Lyon était déjà en route lorsqu'on
se disposait à la remettre. Je sens d'autant plus vivement la peine que vous fera ce
retard, que je suis privé d'une lettre que j'attendais de vous depuis dimanche.
J'espère la recevoir demain au soir. En attendant je vous embrasse de tout mon
cœur. Ce mardi 8 Xbre
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if ($lang=="en" AND $val['bookId'] < '834') { print "Publish in :"; } ?>
Source de l'édition électronique de la lettre : original manuscrit Bibliothèque de l'Institut de France, MS 3349 (3) [Tampon : "P.68.P / Beaujeu" (-en-Beaujolais)]
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Voir le fac-similé : |
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr993.html
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