@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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@.ampère

Correspondance d'Ampère, Lettre L945

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lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr945.html

Index des noms de personnes

Ampère, AndrĂ©-Marie      à      Faraday, Michael

M. Faraday, Royal Institution, Albermale Street, London
Paris, 23 janvier 1822

Monsieur,

Depuis que j'ai reçu le mémoire (1) dont vous avez eu la bonté de me faire passer un exemplaire par l'entremise de mon ami, Mr. Hachette, je me suis proposé de vous écrire pour vous remercier d'une communication qui m'a été si précieuse par les faits nouveaux contenus dans ce mémoire, et la manière dont vous les déduisez tous d'un d'entre eux. Si j'ai tardé si longtemps à exécuter ce projet, c'est qu'il m'a d'abord fallu avoir ce mémoire traduit en français, puisque je n'entends pas malheureusement votre langue, ensuite j'ai voulu répéter ces expériences, et y ajouter quelque chose s'il m'était possible. Mes tentatives m'ont amené à un moyen très simple de produire le mouvement continu du conducteur voltaïque avec un aimant, sans mercure et sans autre action voltaïque que celle d'une lame de cuivre circulaire attachée à ce conducteur et plongeant dans l'eau acidulée que renfermait un vase en zinc, communiquant avec la pointe d'acier sur laquelle tournait le conducteur. J’ai obtenu le même effet en remplaçant l'aimant par une lame de cuivre plié en spirale autour du vase, mais il faut alors employer l'électricité d'une forte pile. Quelque temps après je réussis à faire tourner un conducteur pareil mais plus grand par l'action de la terre. Enfin j'ai vu qu'un aimant tourne rapidement sur son axe quand flottant sur du mercure dans une situation verticale, au moyen d'un contrepoids de platine attaché à son extrémité inférieure, on pratique à son extrémité supérieure une petite cavité où l'on met un peu de mercure, et que l'on plonge dans ce mercure le fil communiquant à l'une des extrémités de la pile, tandis que l'autre est en communication avec la masse de mercure sur laquelle flotte l'aimant. Mais ce qui a le plus retardé ma lettre c'est que je voulais y joindre un exposé des faits connus sur le sujet dont nous occupons [sic] à l'époque où il a été rédigé par un jeune professeur de physique (2) à qui cette Science devra probablement quelques progrès et où j'ai ajouté plusieurs articles, pour montrer comment ces faits entraient dans ma manière de les expliquer (3) . Quoique cet exposé a été fait il y a six mois, il ne parait point encore parce qu'il fait partie d’un ouvrage plus considérable qui n'est pas entièrement achevé, en sorte que je n'ai pu m'en procurer un exemplaire que depuis quelques jours. Mr Hachette m'a depuis deux jours communiqué votre second mémoire que je fais traduire (4) . Il me semble toujours que la supposition des courants électriques dans les aimants, autour de chacune de leurs molécules, offre l'explication la plus simple et la plus conforme au reste des théories physiques de tous les phénomènes qu'ils présentent, soit dans leur action mutuelle, soit dans celle qui a lieu entre un aimant et un fil conducteur. Depuis un an que j'annonçai à l'Académie des Sciences qu'on pouvait les considérer de cette manière, c'est celle que j'ai regardée comme la plus probable. Différentes expériences que j'ai faites depuis m'ont confirmé dans cette opinion, mais comme l'auteur du petit ouvrage que je joins à cette lettre ne la partageait pas, il a été écrit en supposant les courants des aimants concentriques autour de leurs axes. J'y ai seulement ajouté une observation à ce sujet, où je crois avoir précisé cette question. La rotation d'un aimant autour de son axe, par l'action d'un fil conducteur, me parait propre à la décider. Cette rotation ne pouvant avoir lieu que quand on admet que les courants électriques de l'aimant existent autour de chacune de leurs molécules. Mais pour en tirer cette conséquence il faudrait que je me fusse assuré que la rotation de l'aimant sur lui-même que j'ai observée dans ce cas ne venait pas de la réaction du fil qui plongeait dans la cavité pratiquée au sommet de l'aimant contre les bords de cette cavité. C'est ce que je me propose de vérifier en plaçant dans une coupe d'un diamètre suffisant, le mercure que j'y mettait [sic] pour établir la communication avec une des extrémités de la pile.
Je vous prie, Monsieur, d'agréer mes excuses sur le retard des remerciements que je vous devais. Je serais trop heureux que vous voulussiez bien accueillir l'hommage de ma reconnaissance et de ma sincère admiration pour vos belles découvertes dans les deux sciences dont j'aimerais le plus à m'occuper si mes travaux ordinaires me permettaient de m'y livrer exclusivement, la physique et la chimie.
J’ai l'honneur d'être,
Monsieur,
Votre très humble et
très obéissant Serviteur

A. Ampère


TRANSLATION

Paris 23 January 1822
Sir,
Since I received the paper (1) of which you so kindly sent me a copy through the services of my friend, Mr. Hachette, I have been meaning to write to thank you for a communication which has been so precious to me due to the new facts contained in this paper and for the way in which you derive them all from one of them. If I have delayed for so long in carrying out this plan, it is first of all because I had to have the paper translated into French, since unfortunately, I do not understand your language. Second, I wanted to repeat these experiments and to add something to them if I could. My endeavours have led me to a very simple way of producing the continuous movement of a voltaic conductor with a magnet, without mercury and without other voltaic action than that of a circular strip of copper attached to the conductor which is plunged into a slightly acidic water contained in a zinc bowl touching the steel point on which the conductor turned. I obtained the same effect by replacing the magnet by a strip of copper bent in a spiral around the bowl, but in that case it is necessary to use electricity from a strong battery. Some time later I managed to make a similar but larger conductor turn by the action of the earth. Finally, I saw that a magnet turns rapidly on its axis when floating on some mercury in a vertical position by means of a platinum counterbalance attached to its bottom end, one bores a small hole in its top end where one puts a little mercury, and one plunges in this mercury, the wire communicating with one of the ends of the pile, whilst the other communicates with the mass of the mercury on which the magnet is floating. But what most delayed my letter was that I wanted to enclose a paper on the known facts in the subject in which we work, prepared at the time by a young physics teacher to whom this [branch of] science will probably owe some of its progress and to which I have added several articles to show how these facts are part of my manner of explaining them (2) . Even though this paper was done six months ago, it has not yet appeared since it forms part of a larger work which has not been completely finished, so that I was not able to obtain a copy of it until a few days ago. Mr. Hachette two days ago gave me your second paper, which I am having translated (3) . It seems to me still that the assumption that [there are] electric currents in magnets, around each of their molecules, offers the simplest explanation and the one most in keeping with the rest of the physics theories, of all the phenomena that they present, be it in their mutual action, or in that which takes place between a magnet and a conducting wire. Since I announced a year ago to the Académie des Sciences that one could consider them in the latter manner (4) , this is the one that I have regarded as the most likely. Different experiments that I have done since have reinforced this conviction of mine, but as the author of the little work that I am enclosing with this letter did not share it, it has been written on the assumption that the currents in magnets are concentrical around their axes. I have added only one observation on this subject, where I believe I have clarified this point. The rotation of a magnet around its axis by the action of a conducting wire seems to me to be the deciding factor. This rotation can take place only when one accepts that the electric currents of magnets exist around each of their molecules. But to draw this conclusion I had to make sure that the rotation of the magnet on itself that I observed in this case did not come from the reaction of the wire which was being plunged into the hole bored at the top of the magnet against the sides of this cavity. This is what I intend to check by placing in a dish of sufficient diameter the mercury that I used to establish the contact with one of the ends of the pile.
I beg you, Sir, to accept my excuses on the delay in [sending] the thanks that I owed you. I would be only too happy if you would please accept the homage of my gratitude and of my sincere admiration for your beautiful discoveries in the two sciences to which I would like most to devote myself, if my daily work permitted me to indulge exclusively in them, physics and chemistry.
I have the honour of being
Sir,
Your most humble and
most obedient servant

A. Ampère



(1) FARADAY, Michael. “On some new Electro-Magnetical Motions, and on the Theory of
Magnetism”, Quarterly Journal of Science, 1821, 12, p. 74-96.
(2) AMPERE, André-Marie, et BABINET, Jacques. Exposé des Nouvelles Découvertes sur
l’Electricité et le Magnétisme
. Paris, 1822.
(3) FARADAY, Michael. “Description of an Electro-magnetical Apparatus for the Exhibition of
Rotary Motion”, Quarterly Journal of Science, 1822, 12, p. 283-285.
(4) AMPERE, André-Marie. “Note sur deux Mémoires lus par M. Ampère à l’Académie
royale des Sciences, le premier dans la séance du 26 décembre 1820, le second dans les
séances des 8 et 15 janvier 1821”, Journal de Physique, 1821, 92, p. 160-165.


Lettre publiée dans Frank A. J. L. James (ed.), The Correspondence of Michael Faraday, London: IEE, vol. 1 (1811-1831), 1991, Letter 162, pp. 245-248
  Source de l'édition électronique de la lettre :
JAMES, Franck A. J. L. (ed.). The Correspondence of Michael Faraday, London: IEE, vol. 1 (1811-1831), 1991, Letter 162, pp. 245-248


  Autre source de la lettre : original manuscrit
Londres, Institution of Electrical Engineers Manuscript, Special Collection 2 [note de Franck JAMES]


Voir le fac-similé :
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr945.html

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