Bredin, Claude-Julien à Ampère, André-Marie
28 décembre 1818 Cher ami, je comprends très bien les inquiétudes que tu as eues il y a
quelques jours au sujet de ta charmante Albine. Mais je ne comprends rien à celle que te
donne la réponse qu'on a faite à C. le 24 au soir. Tu ne me donnes pas seulement
à connaître de quel ordre est cette vérité que tu prévoyais
déjà. Mon imagination travaille ; mais, très probablement, elle
s'égare [...] Je demande à Dieu qu'il te donne la résignation dont tu as
besoin. A la messe de minuit nos élèves ont chanté de si beaux cantiques
et avec tant de perfection ! J'ai prié pour toi. J'ai demandé à Dieu que
tu songes, que tu médites, que tu sentes profondément ce mystère d'un Dieu
qui consent à venir partager la misérable vie de sa chétive
créature. Et encore si c'était la vie d'une créature qui eût
conservé la beauté, la pureté, la perfection que Dieu donne à tout
ce qu'il émane de lui-même ! Mais Dieu, l'auteur de toute perfection, vient
partager l'état avilissant d'un être que ses fautes ont précipité
dans une vie grossière et animale. Quel a donc été le péché
d'Adam, puisqu'il a fallu l'abjection d'un Dieu pour le réparer ! Quel était donc
le rang qu'occupait Adam avant sa chute, puisque Jésus-Christ lui-même a
daigné venir partager la prison de cet auguste coupable ? [...] Il paraît que ce
qui t'afflige afflige aussi C[amille ?]. Dis à cet homme admirable que je l'aime de
toute mon âme. Oh, chers amis, que ne puis-je vous consoler ? Mais il n'y a qu'un
consolateur, un seul ! C'est l'amour, la lumière, la vie, la voie, la
vérité ; c'est lui qui est venu ouvrir la porte que le premier Adam avait
fermée. La foi en lui peut seule vous consoler de cet ennui que je ne connais pas, mais
que je ressens [...] As-tu vu Ballanche ? Ce que tu me dis que son livre ne peut plus
être bon à rien est une erreur de ton imagination frappée. Des idées
comme celles de Ballanche, des sentiments aussi purs feront toujours du bien, malgré les
oppositions que peuvent y apporter les circonstances. Chers amis, je ne blâme pas
l'intérêt que vous mettez à certaines choses. Mais comparer l'importance
des accidents du voyage à l'importance du but de ce voyage ! J'admire cependant tout ce
que vous faites pour le soulagement de vos compagnons, qui souffrent avec nous dans le
désert aride. Chercher le bonheur ici-bas est la grande folie. C'est la grande source de
toutes les folies. J'écrivais avant-hier à une amie qu'une manie bien
générale parmi les hommes c'était de se croire médecin. Cependant
ce n'est pas sans raison que cette manie est si générale. Si l'homme
n'était pas destiné à être médecin, tant d'hommes ne se
croiraient pas médecins parce qu'ils ont étudié [...]
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Lettre publiée dans LAUNAY, Louis de. Lettres inédites de Claude-Julien Bredin. Lyon : Académie des sciences, belles-lettres et arts, 1936, p. 120-121
Source de l'édition électronique de la lettre : LAUNAY, Louis de. Lettres inédites de Claude-Julien Bredin. Lyon : Académie des sciences, belles-lettres et arts, 1936, p. 120-121
Autre source de la lettre : original manuscrit Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXIV, chemise 334
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Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr922.html
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