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Correspondance d'Ampère, Lettre L1163

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lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr1163.html

Index des noms de personnes

Ampère, André-Marie      à      Maine de Biran, Pierre


Paris, le 15 février [1815]

Mon cher ami ! vous devez m'en vouloir de mon silence, je me le reproche mille fois plus vivement que vous ne pouvez me le reprocher. Mais si vous saviez comme mon temps, a été absorbé vous me pardonneriez une chose tout à fait involontaire, mon temps étant tellement pris que Mr. Davy m'ayant écrit de Rome pour différents renseignements relatifs à la chimie, ma réponse commencée le 25 janvier n'a pu être finie et partir qu'hier. Vous savez que la fin de mon cours à l'école Polytechnique s'est réunie pendant 15 jours aux fonctions de juré pour ne pas me laisser un instant, et depuis que tout cela est fini, Mr. de Fontanes m'a choisi avec trois autres inspecteurs pour faire la visite des lycées de Paris, ce qui a été encore mille fois plus assujettissant, et je crois bien inutile puisqu'on attend de jour en jour la nouvelle organisation de l'université. Toutes ces occupations ne m'ont pas permis d'écrire un mot pour la société psychologique qui souffre beaucoup de votre absence, Mr. Degérando y a fait néanmoins à la dernière séance une lecture intéressante contenant une espèce de tableau de la philosophie Grecque. Mais ce n'était qu'historique. Dans la séance précédente qui a eu lieu peu de temps après votre départ il n'y eut qu'une conversation ou je fis un exposé de votre doctrine qui réussit d'abord assez bien à ce qu'il m'a semblé, mais ensuite Mr. Royer-Collard fit quelques objections d'une manière positive comme le prononcé d'un jugement, et cela fit passer la conversation à d'autres sujets en sorte que je ne pus répondre. Je projette d'écrire pour la prochaine séance un morceau sur le sujet qui semble d'abord lié à cette doctrine d'une manière assez indirecte, mais qui conduit néanmoins à établir des principes qui y conduisent nécessairement. Il serait intitulé des sensations considérées comme des signes. De même que les autres psychologues je distinguerai des signes naturels et des signes de convention, mais en établissant que les premiers ne diffèrent des seconds qu'en ce que la simultanéité du signe et de la chose signifiée résulte des lois ordinaires de la nature ou de celles de l'organisation, mais que dans l'un et l'autre cas il n'y a que simultanéité, en sorte que la sensation-signe, ne peut jamais, faire connaître la chose signifiée, comme Reid l'admet pour les signes naturels, mais seulement en faire reconnaître l'existence, quand elle a été connue au préalable d'une autre manière à l'époque où l'association s'est faite. Mr. de Tracy offre ici un bon exemple à discuter d'abord, quand il a admit qu'une sensation musculaire faisait primitivement connaître le déplacement du membre, tandis qu'elle n'en est qu'un signe naturel qui suppose ce déplacement déjà connu, et son association avec lui par simple simultanéité.

Je me suis proposé presque  tous les jour depuis votre départ de voir monsieur votre fils.Je vous ai dit quelles occupations multiples m'en on empêché jusqu'à présent.J'espère m'en dédommager bientôt. C'est un grand malheur pour moi que vous ne soyez pas ici à l'époque extrêmement prochaine où l'on fera tous les changements dans l'Université. Je ne vous cache pas que malgré l'influence qu'auront sûrement nos amis dans les nouveaux choix, j'ai les plus grandes craintes de n'être pas conservé, parce qu'on dit qu'on diminuera beaucoup le nombre des personnes employées, et qu'on en nommera qui jusqu'à présent ont été étranger à l'Université; d'après ceux qu'on annonce devoir être choisis, je pense que vous auriez peut-être été nommé conseiller si vous vous étiez trouvé ici lorsqu'on s'occupera définitivement des choix. Quel bonheur c'eut été pour la philosophie ! Mais il semble que toutes les circonstances les plus accidentelles tournent contre elle. Si je sors, personne dans l'Université n'y prendra plus intérêt à moins que Mr. Royer-Collard ne soit conseiller comme plusieurs personnes l'espèrent. Je n'ai au reste fait aucune démarche pour rester, quoique bien d'autres en fassent, je me le reproche presque, mais les uns ne prennent aucun intérêt à moi, et je leur en parlerais inutilement, un ou deux autres en prennent peut-être mais il me semble qu'en les allant voir à ce sujet je ne ferais que leur dire que je me défie de ce qu'ils devraient naturellement dire pour moi, comme le plus ancien des inspecteurs pour les sciences, et celui qui peut-être chargé des choses relatives à un plus grand nombre des diverses connaissances.

Adieu cher ami, je vous aime et vous embrasse de toute mon âme, et j'attend une lettre de vous avec une vive impatience, puisse-t-elle m'annoncer à peu près l'époque de votre retour à Paris! Je vous prie d'offrir à Madame de Biran  l'hommage de mon profond respect, et de m'aimer toujours comme je vous aimerai toute ma vie.

A.AMPERE



  Source de l'édition électronique de la lettre : copie
Archives de l'Académie des sciences, carton 15, chemise 261


  Autre source de la lettre :
MAINE DE BIRAN, Pierre. Oeuvres, XIII-1 : Correspondance philosophique avec Ampère. sous la dir. de ROBINET, André. Paris : J. Vrin, 1993. p. 401-403


  Autre source de la lettre : original manuscrit
Bibliothèque nationale de France, N.a.f., ms 14605, f° 131-133 [note A. Robinet]


Voir le fac-similé :
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr1163.html

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