Dupré à Ampère, André-Marie
Provins,
14 avril 1834 Les voilà, mon ami, ces vers de ta jeunesse que tu me dictas à Lyon, il y a
vingt deux ans, et que tu ne reliras pas sans émotion, car ils te rappelleront
Poleymieux, nos douces rives de la Saône et des jours qui ne doivent plus revenir.
C’était au retour de Poleymieux où était Ballanche, avec moins de
gloire et plus de bonheur, Camille Jordan qui ne verra pas les nouveaux malheurs de notre pays
et dont la mort est à envier quand on considère les malheurs et la honte de la
France. Alors, c’est vrai, nous étions sous le despotisme, mais il y avait de la
grandeur et de la gloire ! et aujourd’hui, on massacre nos concitoyens. La guerre civile
fait peut-être au moment où je t'écris couler le sang de nos parents, de
nos amis. Le pourquoi, grand Dieu ! Cher ami, j’ai l’âme navrée,
depuis trois jours j’ai pris et repris cette copie commencée !Que deviendrons-nous
? que deviendra la France ! Adieu, je t’embrasse de toute mon âme et te conjure de
me répondre tout de suite si tu as quelques détails sur Lyon dont la population
va peut-être avoir pour appui tout le midi de la France. Et Bredin, qu’aura-t-il
fait avec son école ? Aura-t-il pu comme en 1831 retenir ses élèves ? Et
Gasparin que j’aime parce qu’il est ton ami, il joue un jeu à perdre la vie.
Mon Dieu, mon Dieu, il y a dix jours, je disais à Montbel que l’insurrection
serait le produit de la loi sur les associations. J’aurais voulu n’avoir pas si
bien deviné. Il y a tout lieu de croire que le trône élevé sur des
barricades et des pavés sera renversé par des pavés et des barricades.
Malheureuse France ! Quatre escadrons de lanciers sont partis de Provins pour Lyon. En ce
moment, on m’apprend qu’on se bat aussi à Paris. Rassure moi sur toi, je
t’en conjure ! Epître sur l'amitié
L’amour souvent nous fait verser des pleurs C’est l’amitié qui
les essuie. Dès notre aurore, elle couvre de fleurs Ces doux moments du
printemps de la vie Où rien encore ne trouble notre cœur ; De
l’âge mûr elle fait le bonheur ; Et quand nos yeux se couvrent
d’un nuage, Que nous perdons l’espérance et l’amour, Elle
adoucit des maux qu’elle partage Et fait encore sur le déclin de
l’âge Un jour serein de notre dernier jour. De mes premiers, de
mes plus doux plaisirs Tendre amitié, je t'ai dû tous les charmes ;
Combien de fois as-tu séché mes larmes, Combien de fois de mon coeur
agité, As-tu banni la nassante alarme ? Jour d'innoncence et de
félicité Où libre encore et maître de moi-même
J'étais aimé de tout ce que j'aime ! Jours fortunés, ne pourrai-je
jamais Vous retrouver auprès de ce que j'aime, Je m'en souviens, à
peine à mon printemps, Je respirais pour ma plus tendre amie Quel calme
heureux ! Quel doux contentement Faisait alors le charme de ma vie. Tel au
retour de la saison de Flore, D'un jour serein j'ai vu naître l'aurore.
Zéphyr errant sur un tapis de fleurs De leurs parfums embaumait la prairie ;
Il caressait la nature endormie Et des autants défiait la fureur, Quand tout
à coup ... ... L'air frémissait du choc des aquilons L'éclair
brillait dans la nuit des orages Et des torrents descendus des nuages D'une onde
impure inondaient les sillons. Cette épître a
été dictée à Lyon par Ampère à son ami Dupré
le 20 juillet 1812.
if ($lang=="fr" AND $val['bookId'] < '834') { print "Lettre publiée dans "; } ?>
if ($lang=="en" AND $val['bookId'] < '834') { print "Publish in :"; } ?>
Source de l'édition électronique de la lettre : original manuscrit Paris, Archives de l'Académie des sciences, chemise 298, f.156-157
|
Voir le fac-similé : |
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr1122.html
|
|