Ampère, André-Marie à Hubert de Saint-Didier, Balthazar
(1)
Au citoyen Saint-Didier, chez le Citoyen Michon, à Priay par Pont d'Ain, département de l'Ain.
10 avril [1796-1797] Qu'il y a longtemps, mon cher Saint-Didier, que je me propose de jour en jour de vous
écrire ; mais vous me pardonneriez mon silence si vous saviez la manière dont mes
moments sont employés. Tous mes élèves sont séparés et il
leur faut à chacun une heure. Je voulais vous prévenir cette fois-ci, et une
jolie lettre est arrivée tout exprès, il y a deux ou trois jours pour me priver
de ce plaisir en m'en donnant un plus grand. J'ai fait votre commission auprès de Mme
Carron, mais non pas auprès de sa soeur, pour plusieurs bonnes raisons, comme disait
« Scarron », dont la première est que je ne l'ai pas vue parce qu'elle est
à Collonges. Elle va partir pour Paris avec sa soeur et ce départ et (sic)
très prochain. Mme Carron m'a chargé de vous dire mille choses honnêtes de
sa part ; elle est fâchée que l'adieu qu'elle vous a fait à votre dernier
voyage soit un adieu de si longue absence. J'espère d'après votre lettre que la
vôtre ne sera pas d'aussi longue durée. Quant à ce que vous me dites des
mathématiques, je crois que vous les négligez beaucoup ; et je vous assure que
vous avez tort. M. Roux me parlait, l'autre jour, de ceux qu'il avait observés avoir des
dispositions naturelles pour cette étude et il me demandait si vous continuiez de vous y
livrer. Il était aussi persuadé que moi des progrès qu'un peu
d'application vous y ferait faire. Pour moi, je n'ai plus le temps de m'occuper de mes beaux
projets de réforme et de simplification dans la théorie des mathématiques.
Je n'ai pas ouvert un livre qui en traite depuis votre départ, si ce n'est ceux que,
malheureusement, je feuillette ou je vois feuilleter toute la journée. J'ai pris
plusieurs élèves après l'application de l'algèbre à la
géométrie de Lacroix qui n'éprouvent pas d'aussi grandes difficultés que ceux
à qui je l'ai d'abord enseigné. Cet ouvrage a surtout besoin d'être
expliqué par quelqu'un qui le sache par coeur. Vous voyez que malgré l'envie que
j'aurais de vous parler de quelque chose de plus intéressant, j'en reviens toujours
à mes moutons. Que voulez-vous ? Cette continuelle répétition des
mêmes proportions me dessèche l'esprit et je ne sais où trouver d'autres
idées. Pour vous, vous n'êtes plus à plaindre, car vous voilà avec
la belle saison qui vous tient compagnie ; faute d'autre elle n'est pas à
dédaigner, mais il vaut encore mieux revenir à Lyon. Revenez donc vite dans cette
ville ou tout le monde sera bien aise de vous revoir. Adieu. Je vous embrasse et vous attend
avec un égal empressement. A. AMPÈRE
(1) Musée historique du vieux Lyon, dossier Michon-Saint-Didier. Communiqué par M. Claudius
Roux. Hubert de Saint-Didier avait été l'élève d'Ampère. Né à Lyon le 19 février 1779,
il est mort à Neuville-sur-Ain, le 16 septembre 1863. La lettre est antérieure au mariage
d'Ampère et au temps où il donnait des leçons à Lyon, ce qui donne la date approximative.
if ($lang=="fr" AND $val['bookId'] < '834') { print "Lettre publiée dans "; } ?>
if ($lang=="en" AND $val['bookId'] < '834') { print "Publish in :"; } ?>
Correspondance du Grand Ampère, tome III, p.
831-832
Source de l'édition électronique de la lettre : DE LAUNAY (Louis). Correspondance du Grand Ampère. tome III. Paris : Gauthier-Villars, 1943. p. 831-832
Autre source de la lettre : original manuscrit Lyon, Musée Gadagne (Musée historique du vieux Lyon), dossier Michon-Saint-Didier. [note de Louis DE LAUNAY]
|
|
|
|