Couppier, Jean-Stanislas à Ampère, André-Marie
A Monsieur Ampère, répétiteur d'analyse à l'Ecole polytechnique, à Paris
Rue du Faubourg-Poissonnière n° 10
Lyon,
dimanche 27 avril [cachet postal 1806] Vous devez être bien mécontent de moi, mon cher ami ; voici la quatrième
lettre que je reçois de vous avant de répondre ; ce n'est pas qu'elles ne
renferment pas toutes des nouvelles bien intéressantes pour moi : mais j'avais d'abord
répondu à la seconde par une lettre de quatre pages que je n'avais pas encore
mise à la poste, lorsque je reçus la troisième. Vous comprenez bien que je
ne la fis pas partir. Je commençai une autre réponse que je brûlai
n'étant pas content de ce qu'elle contenait ; j'ai fait depuis quelques petits voyages
qui m'ont pris tout mon temps ; enfin, je viens de recevoir la dernière de vos lettres
à laquelle je suis bien empressé de répondre, pour vous faire
connaître tout le plaisir que j'ai éprouvé depuis quelque temps. Vos
premières lettres, mon cher ami, me faisaient une grande peine, à cause de
l'état malheureux qu'elles me dépeignaient et dont je [ne] soupçonnais pas
même la cause : la lettre où vous m'annonciez que vous aviez été
nommé au Bureau consultatif me fit un bien grand plaisir, tant à cause de la
nouvelle qu'elle me donnait qu'à cause de votre état de tristesse qui paraissait
bien changé, enfin la troisième mit le comble à ma joie en m'apprenant
tout votre bonheur, que la dernière n'a fait que confirmer : vous voilà donc, mon
cher ami, prêt à vous engager pour la vie, et il paraît que vous trouvez
dans cet engagement tout ce qui peut assurer votre bonheur : il est bien temps que vous sortiez
enfin de cette suite de chagrins que vous éprouvez depuis plusieurs années. Il
paraît qu'autant ils ont été vifs, autant la joie qui leur succède
est grande. J'y prends la plus grande part et je fais des vœux bien ardents pour qu'elle
dure. J'espère que vous avez bien fait toutes les réflexions nécessaires
pour vous assurer qu'il y a dans cet engagement tout ce qu'il faut pour vous promettre une vie
heureuse ; une seule chose me fait beaucoup de peine, c'est la promesse de ne point quitter la
famille dans laquelle vous entrez : il paraît qu'elle est fixée à Paris. Je
n'aurai donc presque jamais le plaisir de vous revoir, dans votre état de bonheur.
Malgré tout le chagrin que j'en ressens, j'aime encore bien mieux vous savoir heureux
loin de moi que de vous voir aussi malheureux que vous l'avez été jusqu'à
présent. J'aurai d'ailleurs la consolation de pouvoir vous écrire et recevoir de
vos nouvelles. Ne craignez pas, mon cher ami, que je parle à qui que ce soit du
secret que vous m'avez confié. J'ai commencé par brûler les lettres qui le
renfermaient, ce qui m'a un peu coûté parce que j'avais un bien grand plaisir
à les relire. J'espère, mon ami, que séparés pour longtemps
ou non notre amitié ne diminuera point, et que votre nouvel état n'y apportera
aucun changement. Je crois connaître assez votre constance en amitié [pour] m'en
flatter. Adieu, mon cher ami, votre sort m'occupe presque continuellement. Toute ma famille est
bien sensible à votre souvenir et m'a chargé de vous témoigner la joie
qu'elle ressentait de votre nomination à la place du Bureau consultatif. Avez-vous des
nouvelles de M. Nolhac ? Je vous embrasse de tout mon cœur.
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Source de l'édition électronique de la lettre : original manuscrit Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXV, chemise 382.
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Voir le fac-similé : |
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr975.html
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