@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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@.ampère

Correspondance d'Ampère, Lettre L957

Présentation de la Correspondance

La Rive, Auguste de      à      Ampère, André-Marie

Monsieur Ampère, Membre de l'Académie royale des Sciences, rue des Fossés-Saint-Victor, Paris
Presinge, le 30 octobre [1823] [année ajoutée au crayon par une autre main]

Monsieur,

Comme je connais l'intérêt que vous avez bien voulu toujours montrer à ce qui me regarde, je viens vous communiquer ma nomination à la place de professeur de physique générale dans l'Académie de Genève. Les occupations nombreuses que le Concours pour cette place a exigées de moi m'ont empêché de vous écrire plus tôt et de répondre à votre aimable et excellente lettre du mois d'août. Je vous remercie de tout mon cœur et je vous prie de vouloir bien toujours continuer à me favoriser de votre instructive et agréable correspondance. Depuis le mois d'avril jusqu'au 25 de ce mois, jour auquel s'est faite l'élection, j'ai été obligé de travailler sans relâche pour pouvoir être en état de satisfaire aux conditions assez sévères imposées aux candidats. Ces conditions étaient d'abord un certain nombre de leçons sur l'optique données aux étudiants ; 2° une leçon d'une heure donnée en public sur un sujet de physique générale qui n'est connu que 24 heures d'avance ; le sujet a été la théorie du pendule simple et celle du pendule composé ; 3° une dissertation faite à huis clos dans un espace de temps moindre de six heures, sur un sujet de physique générale qui ne doit être donné qu'au moment où l'on est renfermé et que l'on doit traiter sans secours d'aucune espèce : le sujet a été l'attraction d'une sphère sur un point situé à l'extérieur et à l'intérieur. 4° une dissertation imprimée sur une des parties de l'enseignement, mais dont le choix est laissé au candidat. 5° des réponses improvisées à toutes les objections que peuvent faire à votre travail soit les juges du concours, soit les autres candidats, et l'obligation de faire soi-même des objections aux dissertations des autres candidats. La composition de la dissertation imprimée est sans contredit la partie du concours qui m'a coûté le plus de travail. Comme on était obligé de choisir son sujet dans l'optique ou dans la mécanique, j'ai préféré l'optique et j'ai pris la partie de l'optique relative aux caustiques en essayant d'envisager ces courbes sous quelques points de vue nouveaux, surtout sous le rapport des applications qu'elles peuvent fournir à l'optique. Quoique mon travail comprenne près de 100 pages in-4° je suis bien loin d'avoir épuisé le sujet que j'espère reprendre et développer davantage, surtout dans certains points spéciaux. J'ai eu l'honneur de vous envoyer il y a quelque temps un exemplaire de cette dissertation par le canal de M. Paschoud chez qui je vous prie d'avoir la bonté de le faire réclamer si vous ne l'avez pas reçu, ainsi qu'un exemplaire pour M. Savary que j'ai pris la liberté de vous adresser, ne connaissant pas l'adresse de ce jeune et habile mathématicien.
Je mets sous votre protection ce travail qui a bien besoin de votre indulgence ; il me sera toujours précieux de pouvoir y compter pour mes travaux futurs de la même manière que j'en ai vu les effets pour mes travaux passés. Le peu de temps que j'ai eu pour faire ce travail et la hâte avec laquelle j'ai dû le faire imprimer sont les causes de quelques erreurs qui s'y sont glissées. La plus importante dont je ne puis m'empêcher de vous avertir est relative à une différentielle seconde des caustiques, dans le cas d'une seule réfraction à travers une surface plane (pages 32 et 35). Une mauvaise feuille de copie substituée à la bonne a donné lieu à cette erreur qu'il est d'ailleurs facile de rectifier. Si par hasard vous voyez M.M. Arago, Francoeur, Dulong à qui j'ai aussi envoyé des exemplaires, auriez-vous la bonté de les avertir de cette erreur afin qu'ils ne la croient pas le fait de l'ignorance et n'aillent peut-être s'en moquer dans quelques journaux, vous me rendriez, Monsieur, le plus grand service. J'ai eu dans ce concours pour concurrents deux amis avec lesquels je suis resté ami tout en étant leur rival ; ce sont M.M. Choisy et Maurice, frère de M. Maurice votre ami ; je crois que vous les conseillez aussi. M. Pascalis qui a eu le plaisir de vous voir l'année passée chez nous vient d'obtenir une chaire de mathématiques ; il y a encore une chaire de philosophie à remplir ; trois candidats sont en présentation, mais l'élection ne se fera qu'au mois d'avril prochain à cause de la grande circonspection que l'on désire mettre dans le choix du professeur. M. Prevost a donné lieu par sa retraite à la vacance des places de physique générale et de philosophie, qu'il occupait l'une et l'autre et qu'on a trouvé avec raison beaucoup plus convenable de séparer. M. Pictet occupe toujours la chaire de physique expérimentale dans laquelle il traite toutes les parties de la physique qui ne sont ni l'optique ni la mécanique, parties dont je suis à présent chargé. Il y a dans ce moment beaucoup d'étudiants à Genève dans toutes les branches, un assez grand zèle pour l'instruction règne dans toutes les classes, il faut espérer qu'il se soutiendra et augmentera encore : notre Musée vient de décréter l'achat d'un cabinet de physique complet auquel on a destiné deux grandes salles et notre Société de Physique vient de faire paraître deux nouveaux volumes de ses Mémoires qui font suite au 1er qui avait déjà paru il y a quelques temps ; le 4ème dont tous les mémoires sont prêts et qui est sous presse va paraître aussi dans peu de temps. Je prépare pour le cinquième un mémoire relatif à quelques expériences électrodynamiques, faites surtout sous le rapport de la découverte des diverses lois qui régissent ces phénomènes et de la confirmation expérimentale de celles qui ont été déduites du calcul par vous et par monsieur Savary. J'espère que ce travail méritera votre suffrage ou du moins votre indulgence ; la difficulté de faire construire les instruments délicats qui sont indispensables, mes nombreux travaux de cet été m'ont empêché de terminer encore ce travail qui ne pourra être publié que dans le 5ème volume des Mémoires qui ne paraîtra que dans quelques temps. Le 4ème contient un mémoire relatif à quelques expériences que j'ai faites sur les chlorures avec M. Macaire et dans lequel nous indiquons l'existence d'un nouveau sel triple qui n'a pas encore été décrit, savoir un composé d'acide sulfurique et de deutochlorure de mercure (sublimé corrosif). Si par hasard ce volume 4ème vous tombait une fois dans la main, je recommande toujours à votre précieuse bienveillance ce petit travail chimique. Enfin suivant les conseils des savants rédacteurs des Annales, je vais me procurer un thermomètre métallique de Bréguet pour continuer avec mon ami Marcet nos expériences sur le froid produit par la 1ère expansion des gaz dans le vide et sur l'application de ce phénomène nouveau à la détermination des chaleurs spécifiques. Voilà bien des projets ; les recherches électrodynamiques sont en tête et c'est par elles qu'après quelque repos dont j'ai besoin, je commencerai avec zèle.
Mille pardons, Monsieur, si je vous ai ennuyé de tous les détails qui précèdent ; mais c'est votre bonté pour moi qui m'a encouragé à vous les donner et c'est surtout aussi l'espérance que vous voudrez me diriger de vos bons et utiles conseil dans ces différentes recherches ; je vous en prie ; donnez-les moi toujours en ami sincère, en protecteur franc et qui sait que ses avis seront toujours suivis et qui connaît le cas que l'on en fait. Que je vous remercie mille fois Monsieur, de l'envoi que vous m'avez fait par mon ami De la Planche ; [mot manquant] votre Mémoire sur les axes de rotation , mais j'ai déjà parcouru [mot manquant] le travail de M. Savary si intéressant sous tous les rapports et surtout si remarquable par la manière dont le calcul confirme votre ingénieuse théorie et conduit aux résultats que vous aviez pour ainsi dire prédits dès le commencement, et à ceux déjà connus antérieurement à vos découvertes sur le magnétisme pur. Je me réjouis bien de faire connaissance avec M. Savary ; j'espère que cela ne tardera pas. Si je n'avais pas obtenu la place de professeur, vous m'auriez vu à Paris dans quelques jours ; mais maintenant que je suis appelé à donner un cours qui va commencer, je ne pourrai quitter Genève qu'au printemps et je suis bien décidé à aller alors vous voir à Paris. Combien je m'en réjouis ; mais que je voudrais avant cela faire quelques choses qui fussent dignes de votre attention, afin de pouvoir venir vous en rendre compte moi-même. J'aurai cet hiver assez à faire, parce qu'un cours, surtout le premier que l'on donne, doit prendre beaucoup de temps ; ajoutez à cela que c'est un cours d'optique qu'il faut composer entièrement, vu qu'il n'y a aucun ouvrage sur cette partie de la physique qui soit complet et propre à l'enseignement. Nous avons eu cet été assez longtemps M. [Claparède] à qui j'avais promis d'aller à Lyon demeurer chez lui, lorsque vous iriez ; car il ne doutait pas que vous ne vous y rendîtes bientôt, cet automne.
Je reçois dans ce moment une lettre de lui qui me dit qu'on n'aura pas le plaisir de vous voir cette année à Lyon et qui me force de renoncer à la douce espérance que j'avais conçue de vous voir dans quelques jours. Nous gardons cet hiver M. Maurice à Genève ; il m'avait chargé quand je vous écrirais de beaucoup de choses pour vous. Veuillez avoir la bonté si vous voyez M.M. Prevost et Dumas de leur dire mille choses de ma part. Je suis bien heureux et bien fier, comme collègue et comme compatriote, d'apprendre leurs succès. Mes parents me chargent pour vous, Monsieur, de mille choses tendres et amicales ; ils n'oublient point les temps agréables qu'ils ont passé avec vous et désirent bien les voir renouveler incessamment. Permettez-moi, Monsieur, d'espérer que vous voudrez bien continuer à m'honorer de votre précieuse correspondance ; pardonnez à un jeune homme qui n'a rien vu depuis six mois et qui sort de son cabinet une lettre aussi insignifiante ; et veuillez croire à l'attachement et au respectueux dévouement d'
Aug. de la Rive



Lettre inédite
  Source de l'édition électronique de la lettre : original manuscrit
Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton IX, chemise 182, f. 47-48.

Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr957.html

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