@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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Correspondance d'Ampère, Lettre L937

Présentation de la Correspondance

Bredin, Claude-Julien      à      Ampère, André-Marie


Lyon, 27 mai 1829

[...] Comme toi, je me demande où ont pu passer ces vingt ans ! Rien ne me donne une plus forte impression de vague tristesse comme la vie des époques irrévocablement englouties dans le passé. Je ne peux m'empêcher de sentir le passé comme une chose tout à fait contre nature, contre l'ordre, contre la loi de mon être et, cependant, la raison me le montre non seulement comme naturel, mais même comme nécessaire. Le passé est pour moi un abîme qui devient de plus en plus profond et dans lequel je ne peux m'empêcher de regarder, quoique cela me donne d'indicibles vertiges. J'ai su par Mme Lenormant combien tu as souffert l'hiver dernier. Le voyage va te remettre tout à fait ; surtout si tu peux venir sur le bord de la Saône voir le pont suspendu de l'Ile-Barbe, la gare du plan de Vaise, le théâtre, notre belle grille, nos bateaux à vapeur sur lesquels nous ferons une délicieuse promenade [...] Mon ami, le temps est bien loin de moi, où j'avais un si profond mépris de vos sciences ; à présent elles se vengent de moi. Je n'ai pas voulu d'elles, elles ne veulent plus de la vieille carcasse. C'est une vilaine chose que la vieillesse. Moi qui aime tant la mort, mais dont la mort est la seule espérance, je redoute excessivement deux choses sans lesquelles il est bien difficile que la mort arrive pour délivrer le pauvre enfant d'Adam : la vieillesse et la douleur physique. La vieillesse, la voilà arrivée ! Je m'étais toujours flatté de l'espoir que la mort viendrait à temps pour me préserver de cette ennemie, Quant à la douleur, tu sais que je l'ai connue de bonne heure. Je ne te parle pas de la douleur morale ; elle m'a pris à mon berceau et ne m'a pas quitté depuis lors ; non, pas un seul instant. Ni le sommeil, ni les rêves, ni les agitations, ni la plus violente douleur physique, ni les plaisirs les plus enivrants, soit du corps, soit de l'âme, n'ont jamais pu couvrir sa voix. Quand me quittera cette constante compagne de ma vie ? Se séparera-t-elle de moi à la mort ? Si j'en croyais des rêves, que je regardais il y a dix ans comme tout autre chose que des rêves [...] Depuis lors, j'ai beaucoup étudié mes rêves. Hier soir, jetant les fondements d'une académie, une idée m'a frappé pour la première fois. Les médecins parlaient de l'hypocondrie. N'y a-t-il pas en moi quelque chose d'analogue ?



Lettre publiée dans LAUNAY, Louis de. Lettres inédites de Claude-Julien Bredin. Lyon : Académie des sciences, belles-lettres et arts, 1936, p. 191-192
  Source de l'édition électronique de la lettre :
LAUNAY, Louis de. Lettres inédites de Claude-Julien Bredin. Lyon : Académie des sciences, belles-lettres et arts, 1936, p. 191-192


  Autre source de la lettre : original manuscrit
Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXIV, chemise 334


Voir le fac-similé :
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr937.html

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