@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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Correspondance d'Ampère, Lettre L881

Présentation de la Correspondance

Pictet, Marc-Auguste      à      Ampère, André-Marie


Genève, 20 décembre 1810

J'eus l'honneur de vous écrire Monsieur et très honoré Collègue le 30 du mois dernier en vous envoyant la peau d'un ours ; c'était un mode de répartition proposé, pour le reversement supposé en faveur de l'académie de Genève. Je sais trop bien par expérience, avec quelle lenteur notre grande machine universitaire tourne, pour m'étonner le moins du monde d'être sans réponse. Ma lettre a un autre objet. Le voici.
Entre les innombrables changements dont nous sommes témoins, la réunion du Valais, sous le titre de Département du Simplon, nous intéresse particulièrement. Les Valaisans désirent fort qu'à cette occasion Genève devienne siège d'une Cour d'appel ; leurs députés le demanderont à l'Empereur ; notre ville vient de faire la même demande et a nommé, pour la porter aux pieds du trône, une députation dont M. Boissier notre Recteur (1) est l'un des trois membres et quoique le Moniteur ait annoncé l'adjonction du Simplon à la Cour d'appel de Lyon, nous ne nous tenons pas pour battus et Lyon qui a déjà quatre départements dans son ressort, ne souffrirait pas beaucoup en nous en cédant un, et resterait ainsi dans la moyenne de la très grande pluralité des Cours d'appel de l'Empire (2).
Mais quelle que soit l'issue de cette demande, il nous semble que sous le rapport de l'Instruction, on ne peut guères faire ressortir d'une autre académie ; que celle de Genève le nouveau Département (3). La demande en est adressée en forme par notre Recteur à S. E. [Son Excellence] le Grand Maître par le courrier d'aujourd'hui, et c'est pour vous en prévenir, mon très honoré collègue, et vous demander votre appui et celui de notre respectable abbé Roman en faveur de cette demande, que je vous écris aujourd'hui. Les convenances locales y existent au plus haut degré. D'anciens rapports nous lient avec le ci-devant Valais, et la différence des religions est si peu un obstacle que notre Curé vous dira quand vous voudrez, que sous le rapport de l'inspection et de la protection de son école il ne voudrait changer notre Recteur contre aucun autre. Cette école est en grande partie votre ouvrage et celui de votre excellent Collègue, et elle mérite tout votre intérêt.
L'idée de faire voyager l'Inspecteur de Lyon jusqu'aux Sources du Rhône serait assez étrange, et pour celui de Genève (4) elle est tout naturelle. Notre Académie, en acquérant ainsi un ressort plus étendu, y gagnerait plus de consistance et plus de moyens. Alors peut-être on nous disputerait moins la conservation de notre École préparatoire de Droit et de celle de Médecine, que nous serions désolés de perdre après en avoir joui si longtemps (5). Veuillez donc mon très cher collègue, si vous y êtes appelés l'un ou l'autre et si nous avons le bonheur que vous partagiez notre opinion, prêcher sur ce texte dans l'occasion, et même la faire naître au besoin.
Si notre députation est acceptée, ce qui malheureusement est encore fort douteux, mon ami Boissier, et mon parent Pictet Diodati (6) qui la présidera, auront l'honneur de vous voir, et prendront langue auprès de vous.
Avez-vous eu le temps de parcourir le mémoire sur l'attraction capillaire de M. Sarthou ? Veuillez-une fois m'en dire votre avis.
Adieu Monsieur et très honoré collègue. J'espère que mes lettres vous parviennent franches sous le couvert de S. E. [Son Excellence] sans quoi je me ferai grand scrupule de vous écrire si souvent. Agréez tout mon dévouement et veuillez ne pas m'oublier auprès de votre digne compagnon de voyage.

M. A. Pictet



(1) Henri Boissier (1762-1845) était depuis 1800 recteur de l'Académie de Genève.
(2) Aux yeux de Pictet, le véritable enjeu de cette affaire était le maintien de l'Académie
de Genève, la loi sur l'Université ne prévoyant de facultés que pour les villes dotées
d'une Cour d'appel.
(3) Jusque là, le ressort de l'Académie de Genève, maintenue par une clause du traité de
réunion de 1798, ne s'étendait guère au-delà de l'ancien territoire de la Ville, et ne
couvrait donc pas même, et de loin, l'ensemble du département du Léman.
(4) En l'occurrence le pasteur Jacques-Louis Peschier (1759-1831), dit Peschier-Fontanes, qui
était depuis 1809 professeur honoraire de morale évangélique et professeur adjoint de
mathématiques élémentaires, après avoir été suppléant à la chaire de physique
expérimentale de M.-A. Pictet
(5) L'Auditoire de Droit existait en effet depuis le début du XVIIIe siècle ; en revanche,
l'École de Médecine n'avait été instaurée, très timidement, qu'en 1802.
(6) L'avocat Jean Marc Jules Pictet-Diodati (1768-1828) était député du département du
Léman au Corps Législatif depuis 1799. Il venait d'accéder à la dignité de chevalier
d'Empire.

Lettre publiée dans PICTET, Marc-Auguste. Correspondance. Sciences et techniques, t. II Les correspondants français. éd. René Sigrist, Genève : Slatkine, 1998, p.16-17
  Source de l'édition électronique de la lettre :
PICTET, Marc-Auguste. Correspondance. Sciences et techniques, t. II Les correspondants français. éd. SIGRIST, René. Genève : Slatkine, 1998, p.16-17


  Autre source de la lettre : original manuscrit
Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXIV, chemise 351


Voir le fac-similé :
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr881.html

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