@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

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@.ampère

Correspondance d'Ampère, Lettre L624

Présentation de la Correspondance

Ampère, André-Marie      à      Roux-Bordier, Jacques (1)


Lyon, [Vers le 20 août 1822

Mon bien cher ami, en allant passer deux jours à Genève, je vous verrai d'abord, puis MM. de La Rive, Pictet, de Candolle et tant d'autres hommes éminents dans les sciences. J'ai rencontré ici le fils d'un de vos compatriotes, le Dr Cointet, qui a fait la plus belle découverte en médecine depuis celle de Jenner, en appliquant l'iode à la guérison des scrofuleux […]
J'aurais eu grand plaisir à causer avec vous de vos projets d'expériences, même de vos objections contre les vérités fondamentales de la physique et de la chimie. Rien n'est plus amusant en conversation pour animer les discussions ; mais à quoi bon rédiger ces objections, par exemple à l'égard de la chimie actuelle, que vous prétendez dangereuse pour la science chimique, tandis qu'elle la constitue ? Je vois bien que nous nous accorderions là-dessus à peu près comme en politique ; mais nous aurions disputé avec un charme inexprimable. Et puis, je vous aurais raconté ce qu'a fait Dulong sur la détermination du nombre des atomes déterminés par les chaleurs spécifiques qui sont proportionnelles à ces nombres, et le travail sur les formes et l'arrangement des atomes, dont j'ai publié une esquisse, il y a six ans, dans les Annales de Chimie et dans celles des Mines, mais qui, tout changé et étendu à une infinité de nouvelles combinaisons, fait à présent prévoir d'avance, d'après l'arrangement des atomes dans les particules des corps simples, les proportions de combinaisons dans tous les corps composés.
Il faudrait savoir au juste comme vous entendez l'affinité que vous appelez électrogalvanique (j'aimerais autant dire : électro-électrique ou galvano-galvanique) pour pouvoir répondre à la question que vous me faites sur ce sujet.
Vous me dites qu'on n'a pas posé des bases claires sur la question des grandes et des petites propriétés. En venant à Lyon, vous auriez vu si les bases que j'établis ne sont pas claires : mais comment les exposer dans une lettre ? Et puis à quoi bon s'occuper de ces choses où l'on ne peut rien, mais qui n'en iront pas moins peu à peu, comme le christianisme avant Constantin, en dépit d'Alexandre Julien ?
Le système psychologique dont vous me parlez et que vous trouvez effrayant, est un pas rétrograde tendant à ramener d'anciens systèmes aussi aisés à faire [revivre] que le rétablissement du gouvernement féodal. C'est Spinoza gentiment recrépi.
Vous ne vous êtes pas trompé en vous apercevant de l'adresse avec laquelle on cherche à lier à la découverte d'Œrsted les faits sur les actions des courants électriques entre eux et avec le globe terrestre ; ils en sont tout à fait indépendants puisqu'il n'y est point question d'aimant, dont cette découverte a été seulement l'occasion.
Je vais bien à présent au physique ; au moral, je suis furieux d'indignation, et me console tant que je peux avec l'électricité produisant tous les phénomènes magnétiques, la figure des particules des corps déterminant toutes les lois de leurs combinaisons, et la solution complète du grand problème de l'objectivité, solution dont je vous ai parlé tant de fois depuis 18 ans, que je n'ai fait depuis qu'éclaircir et compléter.
Vous ne sauriez croire le plaisir que j'aurais à vous voir et combien je vous aime, quoique vous vous amusiez à prendre à chaque instant le contre-pied de tout ce qui m'est démontré, pour en faire vos opinions favorites. Que vous feriez une belle chose si vous trouviez la cause de cette opposition ! L'expliquerez-vous par la cranologie, le lavatérisme ou parce que nous descendrions de deux races différentes du genre humain ? Serais-je un Sanscritoceltique venu en Europe du Thibet par le Nord, et vous un Araméen descendu d'abord du Caucase dans l'Asie Mineure ?
Adieu, mon excellent ami, à vous pour la vie.

A. AMPÈRE



(1) D'après Mme Cheuvreux p. 198, qui a daté arbitrairement du 12 octobre 1821. Roux-Bordier
a dû mourir vers 1823. Bredin parle de son souvenir le 18 juillet 1824.

Correspondance du Grand Ampère, tome II, p. 594-595
  Source de l'édition électronique de la lettre :
DE LAUNAY (Louis). Correspondance du Grand Ampère. tome II. Paris : Gauthier-Villars, 1936. p. 594-595


  Autre source de la lettre : original manuscrit,
inconnu


Voir le fac-similé :
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr624.html

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