Ampère, André-Marie à Bredin, Claude-Julien
(1)
Directeur de l'École vétérinaire, à Lyon (Rhône)
[18 avril 1814] [...] Aller à Lyon, ce serait sans doute le seul palliatif à mes peines. Mais
cette place de l'abbé Bossut ! On devait y nommer il y a deux mois, on l'a
renvoyé au mois de septembre en partie à cause de moi pour me laisser le temps de
lire. Quitter Paris dans ce moment ce serait y renoncer, dire : « je n'en veux point !
» Il faut que je reste ici, que je m'efforce d'écrire la fin de ce mémoire,
d'en écrire un autre ensuite. Peut-être qu'un jour ce titre, si je l'obtiens, sera
ma seule ressource pour nourrir ces pauvres enfants qui ont été quelque temps
comme oubliés de leur père. Mon bras estropié m'avait,
d'après ma réclamation, fait rayer du contrôle de la garde nationale, le 24
mars, six jours avant l'occupation de Paris (2). Je n'ai pris part que par mes voeux pour le
bonheur de tous à ces graves événements. Pas le plus petit changement dans
ma vie ni dans celle de presque tous ceux que je connais ; c'est comme si tout cela
s'était passé à cent lieues d'ici ! J'ai perdu beaucoup de temps bien
inutilement pour voir Monsieur, je n'ai rien distingué ! Je n'ai pas même entrevu
les souverains alliés. Je n'existe plus pour rien. M. Degérando va mieux ;
mais il a été bien malade d'un catarrhe, d'abord sur la poitrine, ensuite sur la
vessie, qui l'a fait horriblement souffrir. Il m'a parlé de toi avec l'expression de la
plus vive amitié. Je le verrai aujourd'hui ou demain pour lui parler de toi. A
présent, je vais chez M. Huzard lui donner de tes nouvelles. Je t'ai écrit
sans perdre un moment pour que cette lettre pût partir par le courrier d'aujourd'hui ;
l'heure du départ me talonne. Adieu, adieu, cher ami, je t'embrasse mille fois de toute
mon âme, fais mille et mille tendres amitiés à cet excellent Roux ! Ce que
tu me dis de lui en augmente encore ma tendre amitié pour lui. A.
AMPÈRE
(1) Deux pages avec adresse. Le début manque. Bredin a écrit en marge : « Je brûle cette
lettre qui est du 18 avril 1814 après en avoir extrait quelques passages des six pages
précédentes. Je ne garde que cette dernière page. »
(2) L'entrée des Alliés dans Paris est du 31 mars, l'abdication de Napoléon du 6 avril.
|
|