Ballanche, Pierre-Simon à Ampère, André-Marie
(1)
à M. Ampère, chez M. Beuchot, rue Saint-André-des-Arts, n° 58, faubourg Saint-Germain, à Paris
Lyon,
25 juin [1807] Je reçois à l'instant, mon cher Ampère, votre dernière lettre et
je me hâte d'y répondre. 1° Le projet vous convient ; c'est bien
ce que je désirais. Nous discuterons les obstacles quand ils se présenteront. A
présent, il ne s'agit que de ne pas voir les obstacles et de ne voir que le projet
d'autant plus que je crois qu'il n'y a pas d'obstacle insurmontable pour cet objet. Le voyage
que nous proposons est une chose utile, nous pouvons l'exécuter, nous sommes
disposés l'un et l'autre à y employer tous nos moyens et toutes nos
facultés. Nous sommes bien forts. 2° Vous avez parfaitement saisi mon
idée. Ce n'est point un voyage comme celui d'Espagne que nous devons faire. Le plan que
nous devons embrasser est beaucoup plus vaste. Je ne vous l'indiquais pour modèle
seulement pour une partie de notre plan (sic). Le projet que je vais m'occuper de
rédiger me prendra plus de temps que vous ne croyez. Déjà je me suis mis
sur la trace de tous les voyages de ce genre qui ont été faits ; je les
consulterai pour prendre une idée plus détaillée ; jusqu'à
présent je n'ai que l'idée générale. Mais nous nous sommes
entendus. Vous pourriez en attendant consulter de votre côté si le temps et les
autres circonstances de votre vie actuelle vous le permettent ; vous pourriez, dis-je,
consulter de votre côté ces grands voyages à la Bibliothèque
impériale et me communiquer vos idées que je fondrais dans mon projet.
3° M. Millin vient d'imprimer un voyage dans le Midi de la France. Ce voyage n'est que croqué ; il a été fait cependant aux frais du gouvernement ; jetez-y
aussi un coup d'oeil si vous en avez l'occasion. 4° Je n'en ai point parlé
à Camille Jordan. Je crois inutile de l'en entretenir avant d'avoir arrêté
nos idées. Je ne pourrai cependant pas moins faire que de lui en faire part, puisque
c'est par moi que Degérando doit en recevoir la communication. Camille pourrait
être fâché si je m'adressais directement à Degérando sans
passer par la filière de lui Camille. Dites-moi ce que vous pensez à cet
égard. 5° Jetez aussi un coup d'oeil sur les statistiques qui s'impriment
à Paris par ordre du gouvernement. 6° Enfin, méditez cet objet et
faites-moi part du résultat de vos méditations. Quant à moi, je vais m'en
occuper, comme du projet le plus convenable et le plus exécutable qui puisse se
présenter à mon imagination. Je vous ai dit toutes les choses qui font que j'y
tiens extrêmement. Mon cher Ampère, croyez en cet augure, nous ne mourrons
pas sans que notre passage sur la terre ait laissé quelque trace. Je vous assure que
cette idée me fait du bien : puisse-t-elle vous en faire aussi beaucoup à vous
! A présent, je vous en conjure, modérez un peu toutes les idées
douloureuses qui vous assiègent ; voyez le terme de vos maux ! Vous me parlez
d'aller cet automne à Paris. Je vais plus loin que vous, je crois que cet
été, tout doit se décider et que nous pourrons partir à l'automne
pour une première tournée. Ce ne sera sûrement pas moi qui y apporterai
obstacle. Je vais travailler sans relâche au projet à soumettre au Ministre, je
vous l'enverrai aussitôt qu'il sera prêt, vous y ferez vos notes, je refondrai le
tout, j'en ferai alors l'ouverture à Camille et je vous l'adresserai pour que vous
puissiez le présenter. Je ferai en sorte que Camille l'appuie, je tâcherai de lui
monter la tête et je partirai pour aller vous chercher et vous enlever à cette
ville maudite. Nous verrons comme le monde est grand. Vous me laisserez la conduite du voyage
parce que je suis plus accoutumé aux voyages que vous et que j'ai plus la tête
à moi. Ce que vous me dites de votre femme me chagrine extrêmement ; mais
que voulez-vous y faire ? Vous ne pouvez ni refaire ses idées ni détruire ses
préjugés. Le meilleur est de vous absenter pour quelque temps mais ne vous
absentez pas sans but, n'ayez pas l'air de fuir, vous perdriez tout. Soyez sûr, mon cher
Ampère, qu'elle vous aime, et qu'elle souffre dans la proportion autant que vous. Ainsi
n'irritez pas les chagrins et ne la quittez pas avant d'avoir un motif, j'entends un motif tel
que celui que je propose. Adieu, je vous embrasse un million de fois. Votre bien
bon ami SIMON.
(1) Trois pages 20 x 24,5, adresse sur la quatrième, 1807, d'après le timbre de la poste.
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if ($lang=="en" AND $val['bookId'] < '834') { print "Publish in :"; } ?>
Correspondance du Grand Ampère, tome III, p.
866-867
Source de l'édition électronique de la lettre : DE LAUNAY (Louis). Correspondance du Grand Ampère. tome III. Paris : Gauthier-Villars, 1943. p. 866-867
Autre source de la lettre : original manuscrit Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXIV, chemise 341 (Trois pages 20 x 24,5, adresse sur la quatrième, 1807, d'après le timbre de la poste.)
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Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr315.html
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