Ampère, André-Marie à Carron, François (frère de Julie)
(1)
Lyon,
19 messidor, an XI [8 juillet 1803] Comme tu dois me savoir mauvais gré, mon cher frère, de ne t'avoir pas
écrit plus tôt. Si tu savais comment mon temps a été rempli, tu
verrais que ce n'est pas ma faute. J'ai fait tant de courses chez M. Petetin et relativement
à l'établissement du Lycée qui a été installé lundi
passé et où j'ai donné leçon hier et avant-hier. Je me repose
aujourd'hui parce qu'on a vacance le jeudi et j'en profite pour te donner des nouvelles de
notre pauvre Julie. L'enflure avait augmenté à un degré prodigieux et M.
Petetin lui fit alors prendre du vin de Brione comme Élize te l'aura sûrement
écrit, car elle m'a promis de suppléer à l'impossibilité où
j'ai été de t'écrire depuis ton départ, hors un jour que je te
commençai une lettre que l'on ne me laissa pas le temps d'achever et qui s'est
égarée de manière à ce que je n'ai pas pu la retrouver. Ce vin de
Brione avait beaucoup diminué l'enflure et l'oppression de Julie ; mais il lui a tant
fait de mal à l'estomac qu'il a fallu le suspendre mardi passé et l'enflure a
depuis fait tous les jours de nouveaux progrès. On le recommencera peut-être
bientôt. Julie n'a pas mal dormi cette nuit et se trouvait en général moins
fatiguée aujourd'hui qu'hier. M. Petetin viendra la voir demain. Ah, mon frère,
qu'elle est à plaindre, ma pauvre Julie et comme ça déchire l'âme de
la voir souffrir ! Je fais tous mes efforts pour lui cacher la peine qui m'oppresse et il me
semble que je réussis assez bien à empêcher qu'elle ne s'en
aperçoive. M. Petetin donne beaucoup d'espérances de la guérir ; mais
hélas, qui sait si elles sont fondées ? Ah, mon ami, il faut avoir comme moi vu
dans les angoisses et dans un danger qui fait frémir tout ce qu'on aime au monde pour
concevoir notre position [...] Ta maman ne s'occupe que de Julie. Élize se contraint
pour éviter tout ce qui pourrait troubler la paix ; mais personne ne peut donner sa
santé pour racheter celle de Julie. J'oublie que tu as aussi une femme et un enfant en
ne te parlant que de la mienne. Nous avons eu hier des nouvelles de Collonges. Tout le monde y
est en bonne santé. Que de gens à Lyon désirent être à la fin
de l'été pour te voir de retour auprès de nous ! Julie ni moi ne sont des
derniers à former ces voeux. Je te remercie d'avoir emporté l'exemplaire de mon
ouvrage . Je te prie de le garder jusqu'à ce
que je te le fasse demander par Monnier à qui je n'ai pas encore eu le temps
d'écrire. Il l'ira chercher chez toi. Mon frère, mon bon ami, comme je t'embrasse
de toute mon âme. A. AMPÈRE
(1) Coll. Bodin. Quatre pages 17 x 22,5. Lettre publiée p. 266, d'après le texte incorrect de
Mme Cheuvreux.
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