Carron-Ampère, Julie (1ère femme d'Ampère) à Ampère, André-Marie
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Mercredi matin [16 mars 1803] Mon bon ami, je crois que tu es ensorcelé pour ce pauvre appartement. J'ai beau
t'écrire que tout est fini et tu viens me répondre que, devant la loi, tu ne peux
être engagé sans ton consentement. Je le sais très bien, même avant
que tu me l'aies dit ; mais, comme j'ai fait pour le mieux en louant cet appartement et que
j'étais sûre que la loi ne serait jamais rien contre nous, j'ai prié Marsil
qui loue de ce monsieur depuis bien des années le magasin où tu as
commencé tes leçons, de tenir ta place et de faire passer le bail en ton nom.
Comme ce monsieur ne doute pas de la probité de mon beau-frère, il a
aisément consenti à voir la signature de M. Périsse pour André
Ampère. A présent que tu sais cela, je pense que tu aurais été bien
fâché que j'eusse envoyé ta lettre où tu me faisais passer pour une
femme qui s'engage sur la simple espérance d'amener son mari à ses idées
et que son mari considère assez peu pour dire que, s'il faisait ce qu'elle a
projeté, ce serait des plus absurdes. Tu vois, mon bon ami, que, si ce monsieur se
payait de ces raisons, il faudrait qu'il prît une bien mauvaise opinion de notre vie
domestique et, si tu tiens à avoir une réputation de savant, je tiens à
n'avoir pas celle d'une folle [...] Comprends-tu que tu ne pourrais parler de casser ton bail
qu'en mettant Marsil dans le cas de se débattre avec ce monsieur et de passer pour un
barbouillon, lui qui ne l'a fait qu'à ma sollicitation et parce qu'il a vu, ce que tu
n'as pas compté, ma santé toujours languissante qui, dans le moment où je
suis à tout le moins, me rend incapable de sortir de mon lit... J'ai
répondu à la lettre de l'appartement ; l'autre m'a fait grand plaisir ainsi
qu'à tous ceux qui s'intéressent à toi.
(1) Quatre pages in-8°, avec adresse au bas de la quatrième.
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