Ampère, André-Marie à Carron-Ampère, Julie (1ère femme d'Ampère)
(1)
A Monsieur Richard, chez les frères Périsse, libraires, grande rue Mercière, no 15, pour remettre, s'il lui plaît, à Mme Ampère-Carron, à Lyon.
Lundi soir [16 août 1802] J'ai fait la route, ma bonne amie, comme je t'avais promis de la faire. Arrivé
à 1 heure et demie à Belleville, j'espérais atteindre le courrier de
Châtillon ; mais je le manquai de plus d'une heure et je m'assurai qu'il est absolument
impossible de l'atteindre quand on ne débarque pas à Trévoux. Après
m'être reposé 1 heure dans un pré, près de Châtillon, je me
remis en marche et j'arrivai à 8 heures à une auberge qui n'est distante de Bourg
que de 2 lieues ; on l'appelle le Guillet. C'est là où j'ai couché, et je
suis arrivé ici ce matin avant 7 heures. Voilà bien des détails que je ne
te ferais pas si tu n'étais pas si bonne que de t'intéresser à moi ! Quand
pourrai-je en savoir de la situation où tu te trouves ? Il a fait bien chaud encore
aujourd'hui, plus chaud qu'hier ! Ma pauvre amie, que je voudrais être malade à ta
place ! J'attends une lettre de ta soeur comme j'attendais les tiennes toutes les fois que je
me suis trouvé loin de toi. Je n'ai pas pu t'écrire de tout le jour à
cause de l'examen de M. Clerc qui prend tout mon temps. J'espère qu'il finira demain au
soir. Je vais me coucher, car j'ai bien sommeil ; je te souhaite de dormir comme je vais le
faire. Le temps semble se brouiller, cela me ferait bien plaisir, mais je ne sais s'il annonce
aussi la pluie à Lyon. Du mardi matin [17 août] – J'ai eu le
plaisir en me levant de voir tomber un peu de pluie. Pourvu qu'il en tombe aussi à Lyon
et qu'elle puisse rafraîchir l'air ! Il fait toujours bien chaud. Le temps est pesant et
tu dois être bien tourmentée. Mes élèves vont venir à 7
heures du matin préparer quelques drogues avant que l'examen commence. Je voudrais te
dire, avant qu'ils vinssent, tout ce dont j'ai le coeur plein ; mais tu le devineras bien sans
cela. J'ai laissé tout ce que j'aime, malade à Lyon, et je ne pourrai y retourner
que dans 5 jours. Que ce temps-là me paraîtra long ! De tes nouvelles par
Élise, voilà la seule chose qui puisse un peu l'abréger ! Je m'en vais lui
écrire à Élise. Je t'embrasse bien doucement pour ne point
t'échauffer, mais d'un baiser bien tendre. Je baise aussi le petit. Dis-lui que son papa
de Bourg l'aime bien et l'ira voir dans 5 jours ; je partirai dimanche matin pour arriver le
même jour. Adieu, ma bienfaitrice, ma bonne amie, ma pauvre malade, malade pour moi et
pour mon enfant ! Je t'embrasse de toute mon âme. A. AMPERE.
(1) Six pages 18 x 22,5. Adresse sur la dernière. Timbre Bourg, 8.
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