@. Ampère et l'histoire de l'électricité 

[Accueil] [Plan du site]

Une nouvelle plateforme est en cours de construction, avec de nouveaux documents et de nouvelles fonctionnalités, et dans laquelle les dysfonctionnements de la plateforme actuelle seront corrigés.

@.ampère

Correspondance d'Ampère, Lettre L152

Présentation de la Correspondance

Ampère, André-Marie      à      Carron-Ampère, Julie (1ère femme d'Ampère) (1)

A Madame Ampère-Carron, grande rue Mercière, maison Rosset, n° 18, à Lyon.
Lundi matin [19 juillet 1802]

J'espérais hier de tes nouvelles, ma bonne amie ; je fus le soir chez Pochon, et je revins sans savoir rien de ma Julie. Peut-être est-elle malade ; peut-être m'a-t-elle écrit et la lettre est restée à Lyon parce que, comme elle me l'a dit elle-même, la Pochon est partie de meilleure heure que son mari ne le fait ordinairement. Que le temps va me durer jusqu'à ce que je sache s'il ne t'est point arrivé d'accident à la suite de l'ordonnance imprudente de M. Petetin ! Adieu, ma bonne amie, voilà Ailhaud qui vient prendre sa leçon et, une fois dans les leçons, j'en ai pour tout le jour. Que m'importe à quoi je passe mon temps quand il faut que je le passe loin de toi !

Du mardi soir [20 juillet] – J'avais attendu tout hier et tout aujourd'hui. Point de lettre de ma Julie ! Enfin on vient de me l'apporter cette lettre si désirée ! J'y vois qu'on te permet de manger, que tu ne souffres pas, mais que les remèdes de M. Petetin ont eu peu ou point d'effets ; j'attends davantage des bains, des bols fondants et encore plus des eaux si tu peux y aller. Que je bénirais Charbonnières si tu y retrouvais la santé !
Je te remercie des nouvelles que tu me donnes. Sept enfants en trois maisons, c'est la bénédiction de Dieu, pourvu qu'ils ne fassent pas tant de mal à leurs mères. Tu recevras, avec cette lettre, des pantalons, 2 fioles, 6 louis pour aller à Charbonnières et un petit paquet de cette bonne soupe de Bourg dont je t'avais parlé. Il ne m'est arrivé encore aucun accident à ma chimie ; les expériences réussissent à merveille. Je parle avec facilité et abondance depuis qu'il n'est plus question que de cette science, pour laquelle j'ai naturellement plus d'attrait que pour le reste de la physique. J'ai distribué mon temps de manière à n'avoir plus que quatre semaines de travail après celle-ci ; ensuite j'embrasserai ma Julie mieux portante. Je baiserai ce joli petit babillard et je serai heureux deux mois. Oh, je veux que ces deux mois soient les plus heureux de ma vie ! Si nous nous promenons quelquefois dans ces campagnes où M. Ampère cherchait à rencontrer Mlle Carron ; si tu m'aimes comme dans le temps où je sifflai tant pour empêcher le petit de crier. Tu me l'as dit : c'est alors que tu m'as le mieux aimé.

Du mercredi matin [21 juillet 1802] – Je vais donner à Pochon le paquet dont je t'ai parlé. Quant à mon ouvrage , il est dans les mains de M. Riboud (le fils), qui, comme je te l'ai écrit, en fait une nouvelle copie. Elle sera certainement faite dimanche. Je le relirai tout le jour et il partira mercredi. J'ai fait, dimanche passé, un nouveau commencement et il aurait pu partir aujourd'hui si M. Riboud ne le tenait pas. Au reste, je crois qu'il est réellement à propos de me faire recevoir de cette société d'émulation ; cela me peut procurer quelques nouvelles protections pour les lycées. Je ne sais si je t'ai dit que, lundi passé, pour la première fois, je crois, depuis Pâques, j'ai dîné en ville ; c'est chez M. Michallet qui suit mon cours avec son gendre, M. Favel. M. Michallet a l'air d'un très bon homme et ne manque pas de connaissances ; il sourit avec un air d'approbation à tout ce que je dis. M. Favel réussit très bien en chimie. M. Michallet a 5 ou 6 enfants de différents âges. Sa fille aînée, qui est mariée à M. Favel, en a un ou deux. Elle se montra fort maussade au dîner, n'ouvrant la bouche que pour répondre à son père ou à sa mère avec un ton assez brusque. Voilà tout ce que je puis répondre à tes nouvelles variées et intéressantes. Ici on ne fait pas sept enfants par semaine ; mais on fait aussi danser toutes les cloches pour le 14 juillet. Dans cinq semaines je serai à Lyon ; cette idée me revient sans cesse. Hier au soir, je fus me promener depuis 8 heures jusqu'à 9 pour la méditer tout à mon aise. Il y avait bien longtemps que je m'étais promené, si ce n'est quelquefois avec M. Clerc pour parler de séries. Je parcourus les près et les chemins du côté de Saint-Roch. J'éprouvais une espèce de chagrin assez particulière en voyant qu'entre deux arbres, dont l'un plus petit et plus élégant avait un air qui me faisait plaisir, il n'y avait point un petit arbrisseau pour faire de ce groupe un symbole tel que je l'aurais souhaité. Tu trouveras cela bien extravagant, mais c'est un plaisir pour moi de te raconter toutes mes pensées.
Dis bien des choses pour moi à ta maman et à Élise, à Marsil, à ta sœur. Je les embrasserai tous dans quelque temps. N'oublie pas de baiser le petit, comme si tu pouvais l'oublier ! Pauvre petit, pauvre Julie, pauvre moi de n'être pas avec vous deux !

A. AMPÈRE.

Tous les mouchoirs sont retrouvés, 6 bleus, 6 à grands carreaux lilas, 4 à petits carreaux lilas : total 16.



(1) Huit pages : les quatre premières du lundi (16,5 x 22) ; les quatre autres en deux
feuillets (17 X 21,5) ; adresse à la fin. Mme, Cheuvreux a publié quelques lignes, p. 234 et
235. Réponse à la lettre p. 176-177.

Correspondance du Grand Ampère, tome I, p. 177-178
  Source de l'édition électronique de la lettre :
DE LAUNAY (Louis). Correspondance du Grand Ampère. tome I. Paris : Gauthier-Villars, 1936. p. 177-178


  Autre source de la lettre : original manuscrit
Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXVI, chemise 393 quarto
(Huit pages : les quatre premières du lundi (16,5 x 22) ; les quatre autres en deux feuillets (17 X 21,5) ; adresse à la fin.)


Voir le fac-similé :
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr152.html

© 2005 CRHST/CNRS, conditions d'utilisation. Directeur de publication : Christine Blondel. Responsable des développements informatiques : Stéphane Pouyllau ; hébergement Huma-Num-CNRS