Carron-Ampère, Julie (1ère femme d'Ampère) à Ampère, André-Marie
(1)
Vendredi [11 juin 1802] [...] J'ai vu M. Petetin et tous tes beaux sermons sont de reste. C'est avec Marie que j'y
fus. Elle était malade par les mêmes raisons que moi et M. Petetin lui ordonna de
suite les sangsues. Il a lu la lettre de M. Vitet et m'a conseillé, pour faire arriver
le 28, de prendre des bains de vapeur d'armoise et d'herbe de la rue trois fois par jour. Si,
après quelques jours, cela ne fait rien, il me fera mettre les sangsues et puis nous
commencerons. Mais, mon bon ami, épargne-toi la peine de me supplier pour une chose
où je suis la plus intéressée et où je ne puis rien !... Je n'ai
pas manqué de suivre les conseils de celui que vous avez tous choisi, que je suis venue
consulter il y a presque un an, je ne me suis opposée à rien et tu vois bien, mon
bon ami, qu'il n'y a pas de bon sens à dire à un malade : « Je vous prie de
vous bien porter et, si vous ne vous portez pas bien, c'est que vous ne le voulez pas. »
Mais, au reste, je te connais et ce n'est pas la première fois que tu me fais rire en me
disant de te promettre que je ne serai pas malade [...] Prends aussi patience, mon fils, et ne
te fagote pas la tête comme tu fais pour tes calculs ; car se guérir n'est pas un
problème qui puisse toujours se résoudre et nous aurions beau vouloir y parvenir,
si le maître de notre ère veut que nous soyons ainsi, il faut encore savoir
supporter ses maux en faisant ce qu'on peut pour les envoyer bien loin [...] Bénissons
tous nos bons parents qui m'aiment bien, qui ne me laissent éprouver des privations
d'aucun genre, si ce n'est de ne pouvoir faire moi-même ce qu'ils font de si bon coeur
pour moi ! [...] Sois sûr, mon ami, qu'un jour nous serons bien tranquilles dans quelque
petite campagne à nous que nous ferons bien cultiver ! A propos de campagne,
François est revenu tout doucement ; il est bien maigre ; il a bien changé, mais
n'est pas malade. Il a été jusqu'à Montpellier... Adieu, adieu, je
t'embrasse bien fort. C'est un bon baiser, de ceux que tu aimes, que je ne te donne pas avec
distraction, de ceux que Mlle Julie ne t'a jamais donnés [...] Le petit t'a écrit
des barres sur un petit papier. Quand il saura parler tout à fait, je t'écrirai
ce qu'il dit ; mais, en attendant, il t'embrasse sûrement de bon coeur et se porte
toujours comme un chanoine. Tu dis toujours qu'il faudra se presser d'imprimer. Mes cousins
pensent de même ; mais c'est qu'il faut avoir l'ouvrage.
(1) Six pages, réponse à la lettre p. 161-162. Mme Cheuvreux a publié de longs fragments,
p. 227 et 228.
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