Roux-Bordier, Jacques à Ampère, André-Marie
Monsieur Ampère, Inspecteur général de l'université, professeur à l'Ecole polytechnique, Paris
Genève,
30 Xbre 1820 J'avais lu mon cher Ampère avec autant d'étonnement que d'admiration [dans]
les Annales de chimie, votre premier mémoire à l'Institut sur les courants
[galva]niques, j'attendais avec impatience que les suivants nous arrivassent ju[ste?]ment par
cette voie, lorsque je reçois votre lettre du 18 Xbre et les 5 exemplaires de la notice
de mon ancien ami M. Hachette. Qu'au milieu de vos savantes méditations, vous ayez
pensé à moi, chétif, j'en [ai été] touché, car
c'était une preuve d'amitié et que vous [pensiez] que cette matière
[lacune] soit prodigieusement en intérêt pour moi, par cela même que ces
admirables découvertes vous étaient dues. Les exemplaires ont été
remis à M.M. Vaucher, de Candolle, de La Rive et le 4ème à la
Bibliothèque publique ; M. Pictet étant à Florence dans ce moment.
D'ailleurs M. Prévost est bien vivant et en bonne santé. C'est son cousin de
Montauban qui est mort, mais il y a déjà plus d'une année. Je n'ai
pas encore vu ces messieurs et ne puis vous dire ce que l'on pense dans le monde savant de ce
pays-ci sur vos mémoires. Mais dans quelques jours je le saurai et vous en
instruirai. Je compte sur la promesse que vous m'avez faite de votre ouvrage où
seront fondus tous les mémoires que vous avez rédigés et lus. Alors je
pourrai peut-être (j'y mettrais tous mes soins) saisir l'ensemble de votre
théorie. Je le ferai en outre (aussitôt que mon exemplaire sera arrivé)
circuler parmi nos principaux physiciens. J'ai placé toute ma vanité dans
l'illustration de mes amis de Lyon et je trouve que je l'ai très bien placée. Si vous avez eu l'intention de m'écrire plusieurs lettres sur nos sujets de
psychologie et d'organisation sociale, moi je médite depuis plus de 6 mois de vous
transmettre des vues 1° sur ce même fluide galvanique l'objet de vos brillantes
recherches, 2° sur des réformes à tenter dans la [logique] chimique.
[Lacune] sur le premier point sont simplement des questions que je vous adressais et que [je
ne] pouvais résoudre moi-même, parce que les lois de la mécanique et l'art
de leur appliquer [l'analyse] me sont devenues totalement étrangères depuis bien
des années et que [c'est] le seul moyen de vérifier si les vues sont
ingénieuses ou ne sont que les rêveries d'un cerveau fêlé. Aussi
depuis 6 mois que j'ai noté mes idées [sous] forme de questions, je n'ai jamais
eu le courage de vous les envoyer tant je crains qu'elles ne soient de la dernière
absurdité. Et cependant il semble que j'avais pressenti l'existence de ces grands
courants généraux électriques qui agissent dans le plan perpendiculaire au
plan de l'aiguille aimantée. Et si vous lisiez mes folies, vous diriez voilà mes
courants ! Je vous avais écrit le 20 janvier 1820, c.à.d. il y a à
peu près un an, sur les théories chimiques actuelles, et je vous avais
communiqué quelques unes de mes réflexions. J'en ai fait encore de nouvelles et
je vous les eusse envoyées pour vous engager à travailler à la
réforme de la logique chimique dont la science a grand besoin. Mais deux obstacles
m'arrêtent ; 1°. d'abord vous êtes si absorbés par vos travaux de
nécessité et si entraîné dans ce moment par vos découvertes
que vous n'accorderiez pas à mes modestes idées l'attention qu'elles exigeraient
au moins pour les juger avant que de les rejeter ; 2°. ensuite cela m'obligerait à
rédiger 5 à 6 pages et mon incroyable paresse réunie à
l'idée de l'inutilité de ce travail rendrait cette rédaction un monstrum
horrendum ingens. Ainsi après avoir pris la résolution de vous les envoyer par ce
courrier, je me décide à n'en rien faire. Dans quelques mois quand vous
serez moins absorbé. Instruisez m’en. Tout ce que je puis vous dire d'avance pour
la justification de l'entreprise de ma réforme de la logique chimique, c'est qu'en 1798
c'est-à-dire il y a 22 ans, je m'étais établi pour moi, la
théorie de la combustion [telle que] Berzelius vient [lacune] l'établir en 1819
dans son dernier Essai et probablement que dans [lacune] je verrai
les réformes conçues dans mon cerveau s'établir à leur tour. Il n'y
a pas de mal que les choses marchent avec une certaine lenteur.
Je voudrais bien écrire à Ballanche, mais je n'ai pas son adresse, s'il
[voulait] me l'envoyer lui-même il serait bien aimable. Je lui ai fait dire plusieurs
choses par Bredin, mais je doute qu'il l'ait fait, car depuis le mois de juillet, Bredin n'a
pas donné signe de vie.Je voudrais bien pouvoir causer aussi avec M. Camille Jordan.
Comme je suis convaincu que le seul homme en France qui veuille et comprend la liberté
politique en harmonie avec l'Etat de la France est le Roi, je m'attends jusqu'à un
certain point à . . . [sic] Vraiment, parlons et ne parlons que de vos courants
galvaniques, envoyez-moi sans faute votre ouvrage ; mon plus grand bonheur est de recevoir des
livres faits par vous et par Ballanche. J'en ai reçu un d'Aimé-Martin, Vie de
Bernardin de St-Pierre, dans lequel il a déployé un talent remarquable.Adieu
mon cher Ampère, vous digne fils de la race scandinave, tandis que je ne suis qu'un
misérable [illisible], Ibérien, Arabe, car tout cela est synonyme.
J'espère qu'un jour le travail de Gasparin et de votre dévoué sur les
races ne sera pas indigne de votre attention.
Bodmer [Roux-Bordier]
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Source de l'édition électronique de la lettre : original manuscrit Paris, Archives de l'Académie des sciences, fonds Ampère, carton XXIV, chemise 332.
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Voir le fac-similé : |
Lien de référence : http://www.ampere.cnrs.fr/amp-corr1080.html
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